dimanche 7 septembre 2025

Lc 14, 25-33

 Lectures bibliques : Luc 14, 1.7-14 &  Luc 14, 25-33 (= voir en bas de cette page) 

Thématique : appelés à une vie nouvelle… à la suite du Christ

Prédication de Pascal LEFEBVRE, Bordeaux (temple du Hâ) , le 07/09/25

(Partie 1 : partiellement inspirée d’une méditation de Monique Baujard)



* Au point où nous en sommes dans l’évangile de Luc, Jésus continue d’être suivi par une foule de gens qui l’accompagnent, avec certainement des motivations diverses : Les uns espèrent une guérison, les autres une parole lumineuse pour leur vie, d’autres viennent intercéder pour quelqu’un, d’autres - enfin - sont peut-être tout simplement des curieux, qui souhaitent l’interroger ou être témoins de ce qui se passe. 


De même… nous sommes aujourd’hui, dans ce temple, un certain nombre… et nous avons peut-être des attentes différentes… toutes sortes de désirs et de dispositions intérieures…


Mais un renversement s’opère dans notre épisode… car Jésus propose à ceux qui le suivent de ne pas simplement profiter de ses services… de ne pas être des « spectateurs » ou des « consommateurs » d’un mieux-être « corporel » ou « spirituel »… Mais de devenir « acteurs » : acteurs d’un transformation existentielle… de s’engager personnellement dans un changement de mentalité et de comportement… qui implique une réflexion profonde sur nos habitudes relationnelles et nos attachements…


* Précisément, dans le premier passage (cf. Lc 14, 1.7-14), Jésus dénonce des attitudes humaines courantes liées à l’égo : le désir humain de se mettre en avant, de choisir la meilleure place, de jouir d’une certaine reconnaissance, d’obtenir un retour profitable sur les actions et les engagements entrepris.


Il met en avant des valeurs contraires à celles du monde, à savoir : la simplicité et l’humilité… dans l’idée que celui qui s’abaisse volontairement, qui choisit la dernière place… se libère de son égo… et d’un désir de briller en société… Il trouvera ainsi la voie d’une libération et d’une élévation de l’âme.


Dans le même sens, le Christ propose aussi le dépassement de la voie habituelle de la réciprocité… par l’entrée dans le monde de la Grâce. 


Il s’agit de sortir de la vision courante du « donnant-donnant », qui consiste toujours à rendre « la pareille »… à attendre un retour bénéfique de son investissement (y compris relationnel)… à rester dans l’entre-soi… pour agir autrement… en s’ouvrant à une idée neuve, qui se découvre dans le désintéressement et le dépassement de son cercle de connaissance… puisqu’il s’agit d’oser agir de façon généreuse, en invitant celles et ceux qui n’ont rien à offrir en retour…


Il s’agit donc de sortir des « relations de miroir »… pour innover… en favorisant les « petits », les « pas comme il faut », les « mal vu »… les pauvres, les estropiés, les boiteux, les aveugles… ceux qui n’ont pas les moyens d’entrer dans la réciprocité… 


En d’autres termes, Jésus propose à ses disciples de sortir de leurs limites habituelles… de les dépasser… de franchir les frontières des conditionnements « bourgeoisement » établis… du politiquement correct… des habitudes sclérosantes… et peut-être même des calculs mondains… pour agir de façon gratuite, désintéressée et inattendue… pour faire du neuf, tisser de nouvelles relations… et élargir les horizons.


Et il met ce comportement nouveau et gratuit, sous le sceau d’une promesse : tout cela aura un résultat positif certain, à plus long terme… 

Car toute bonne action - tout acte de générosité - produira inévitablement de bons fruits… même si on les verra plus tard… Et, en conséquence, à « la résurrection des jutes » précise l’évangéliste Luc. 


Il faut avouer que ces deux qualités jugées essentielles par le Christ - l’humilité et le désintéressement - sont loin d’être valorisées dans notre monde actuel. 


Un rapide coup d’œil sur le triste spectacle que nous offre la politique internationale suffit, pour le constater : l’égo démesuré, la volonté d’avoir le dernier mot, le mépris de l’autre, l’appât du gain… la prédation, le chantage ou la corruption s’affichent partout… dans les plus hautes sphères du pouvoir.


Contrairement à ce que dit l’évangile, l’humilité peut même être perçue négativement dans notre société… comme un manque d’affirmation de soi ou d’ambition. 


Pourtant, la petite parabole illustre très bien l’ouverture essentielle qu’elle permet : Celui qui se met directement à la première place ne pense qu’à lui, il se considère comme « le centre du monde ». 

Au contraire, celui qui se met à la dernière place est conscient qu’il y a d’autres personnes autour de lui. Il est capable d’imaginer que ces personnes ont peut-être des qualités ou des charismes qu’il n’a pas. 

Ainsi l’humilité ménage un espace d’épanouissement pour chacun.


Le désintéressement vient ensuite colorer la qualité des relations que nous pouvons nouer avec les autres. 

Les relations commerciales ou utilitaires ont toujours existé. Mais les disciples du Christ doivent dépasser ce caractère mercantile et être capables d’introduire la gratuité dans les relations. 


Notre différence chrétienne passe par la qualité de nos relations : 

Inviter ceux qui n’ont rien à offrir en retour, c’est honorer les personnes pour ce qu’elles sont : des enfants de Dieu, tout comme nous.


* Comme si ce n’était pas assez difficile de sortir de la réciprocité… dans la suite de son discours (cf. Lc 14, 25-33), Jésus semble mettre le curseur à un niveau supplémentaire… puisqu’il parle carrément de se déposséder… 


Pour devenir disciple du Christ, il faudrait être capable de tout lâcher… préférer Jésus et ses promesses à - je cite -  « son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie ». 

Quelle radicalité dans ces paroles ! 


Il n’est pas question - pour Jésus - d’être un croyant « moyen » … de se contenter ou de s’accommoder d’un christianisme du « juste milieu »… mais de devenir vraiment « un disciple »… d’entrer dans un christianisme de décision… qui irait jusqu’à préférer le Christ et son Evangile… à sa famille et ses proches… et même à sa propre vie.


Il ne s’agit donc pas seulement de bien agir, d’aimer ou de prier, de temps à autre… quand nous avons le loisir ou l’énergie… Mais d’oser engager toute son existence… d’aller jusqu’au bout… c’est-à-dire de devenir « missionnaire »… dans le sens d’une prise de conscience que l’Evangile nous appelle… et nous fait entrer dans une nouvelle vision de Dieu, du monde, des autres… et donc de la vie… 


Dit autrement : pour suivre Jésus dans la durée… l’enthousiasme ne suffit pas… tout comme l’élan qui fait entreprendre… car ils peuvent vite s’essouffler…


Il s’agit plus fondamentalement d’interroger nos priorités de vie… les désirs qui nous habitent… d’oser peut-être les hiérarchiser… en réfléchissant à la direction, à l’orientation principale que nous choisissons de donner à notre existence. 


A l’époque de Jésus, la famille est très importante : elle marque un mode d’être au monde, un mode d’appartenance… Elle conditionne votre attachement à un clan, une religion, une communauté, une façon de penser… qui détermine l’individu et qui passe avant lui. 


Lorsque le Christ appelle celles et ceux qui veulent le suivre à un « détachement », à une « rupture » ou une sorte de « dégagement », il incite chacun à faire preuve de liberté… à ne pas se laisser « aliéner » par ses conditionnements… à réfléchir et à décider par lui-même… 


On pourrait dire que Jésus invite ses auditeurs à passer de la religion à la foi… c’est-à-dire, d’une religion faite de rites, d’obligations et de traditions, à une démarche personnelle, qui implique une vie nouvelle.  


La suite de l’exposé peut nous aider à mieux comprendre ce que Jésus veut dire… avec l’exemple (la parabole) de l’homme qui veut construire une tour et qui doit envisager la globalité, la totalité de son investissement, avant de se lancer dans de grands travaux qui vont forcement durer… 


Il nous invite ainsi… d’une part, à un examen raisonnable… à réfléchir à nos fondations : qu’est-ce qui fonde notre vie ? Sur quoi repose-t-elle ?…  à notre direction de vie : où voulons-nous aller ?…. que cherchons-nous à faire, à vivre, à expérimenter, dans cette existence ?… en sommes-nous pleinement conscients ? … 


Et, d’autre part, aux moyens qui sont les nôtres, pour avancer dans la direction choisie… pour progresser et aller de l’avant… en s’engageant dans la durée…


Si nous voulons aller quelque part et atteindre un certain but, il faut en prendre les moyens. 

Si notre but est de répondre à l’appel du Christ pour devenir ses disciples, il n’est pas déraisonnable de réfléchir à ce que cela implique et aux moyens nécessaires pour y parvenir.


L’attitude donnée en exemple (celle d’un roi qui se prépare au combat)… qui consiste à s’asseoir (à prendre le temps) pour considérer la situation dans sa globalité, à faire preuve de discernement, pour dégager les possibilités et les perspectives… est simplement d’une grande sagesse… 

On ne peut pas se lancer dans une vie de disciple du Christ, au hasard, à l’aveuglette… sans voir ce que ça signifie en termes de changement de vie… de style de vie…


En effet, sortir des conditionnements mondains n’a rien dévident ! 

Pour le Christ, il s’agit d’entrer dans un nouveau programme de vie : de chercher d’abord le règne de Dieu et sa justice (cf. Mt 6,33), de rechercher ce qui fait vivre et grandir… dans l’amour du prochain… et à travers les Béatitudes (cf. Mt 5, 1-10) : l’humilité, l’accueil, la compassion, la douceur, la miséricorde, la quête permanente de la justice et la paix… 


Tout cela, c’est précisément le contraire de l’égoïsme et l’individualisme… qui caractérisent souvent le mode de vie de nos sociétés occidentales… où chacun se concentre « individuellement » sur son propre bien être, son confort et ses privilèges… 


Et tout cela pose questions : en quoi notre style de vie actuel - d’occidental du 21e siècle - est-il encore « chrétien » ? Qu’a-t-on fait du message du Christ ?… de la vigilance et de la solidarité qu’il porte à l’égard de celles et ceux qui sont déconsidérés, sans voix, sans statut social… du fait de leur situation de faiblesse… de leur pauvreté, de leur handicap, de leur maladie, de leur exil ou des épreuves qu’ils traversent ?


Deux éléments peuvent nous marquer dans ces paroles de Jésus : l’idée de « se déposséder » et même de « renoncer » : des mots qu’on n’aime pas trop… car ils parlent de « moins » et non de « plus »… ils sont synonymes d’abandon, de lâcher-prise, de changement… 


Le premier changement que Jésus met en avant avec l’idée de « dépossession de soi », c’est l’acceptation de renoncer à son égo, à ses croyances et ses certitudes… pour davantage compter sur Dieu. 


Et ce n’est pas forcément dans nos habitudes de faire confiance à Dieu à ce point… pour apprendre à voir les choses autrement… sous un angle plus large, plus profond, plus universel… 

Souvent, nous voyons les choses selon nous, à notre manière, à partir de nous… 


Les religieux Pharisiens, qui côtoyaient Jésus, envisageaient la religion et le monde avec leur regard limité de Pharisiens… bien éduqués… au prisme de leur interprétation de la Loi

Mais nous-mêmes, ne sommes-nous pas un peu comme eux ? 


Cela n’a rien d’évident de dépasser nos regards particularistes sur le monde… nos regards de français, d’occidentaux, de protestants réformés ou luthériens… pour voir qu’il y a d’autres façons de voir Dieu, les autres, les actualités et le monde… que les nôtres…


D’autre part, que signifie cette exhortation radicale à « renoncer à tout » pour suivre le Christ ? 

Est-ce un éloge de la pauvreté ou autre chose ? 


Pour ma part, j’y vois un double aspect : 

- D’une part, un appel à renoncer à nos préjugés, nos conditionnements, nos fausses croyances… peut-être liés à notre éducation, nos expériences, nos peurs, nos limites habituelles… qui fait qu’on veut toujours « se sécuriser », « conserver » la maitrise des choses, des savoirs ou des situations … et qu’on a tendance à reproduire ce qu’on connait déjà…


- Et, d’autre part, une invitation à renoncer à nos désirs égoïstes et matérialistes…  fondés sur l’illusion que le bonheur est toujours dans le « plus » : plus de possession, plus de confort, plus de technique, plus de maitrise, plus de pouvoir… ce qui nous plonge dans une course en avant inconsidérée…


Et pendant qu’on est dans cette course effrénée au « toujours plus »… et dans une vision hyper-matérialiste de la vie et du bonheur… on use tout son temps… et on risque d’oublier l’essentiel : nous sommes là pour autre chose… pour échanger, pour découvrir, pour aimer, pour partager… 


Au fond, le Christ nous interroge sur nos priorités : 

La vie est relativement courte… qu’est-ce que nous en faisons… pour en célébrer la beauté et la partager avec les autres ? 


Notre style de vie nous fait souvent oublier l’importance des relations avec les autres… et la joie d’une vie plus spirituelle et relationnelle… 


Nous pouvons aussi entendre, dans ce discours de Jésus, un appel à arrêter sans cesse de « courir », de vouloir - par soi-même - « gagner » sa vie ou « revendiquer » son droit au bonheur… pour découvrir que tout cela nous est déjà donné, dans la relation à Dieu et au prochain…


Alors… peut-être que « renoncer à soi-même » veut dire : faire preuve d’audace… oser expérimenter une nouvelle mentalité… oser « renoncer » à ses sécurités… « renoncer » à tout ce qu’on nous a toujours appris ou fait croire… à commencer par envisager que le bonheur et le « bien-être » ne sont de fait pas liés au gain, au « plus », au pouvoir ou au prestige… 


Jésus nous rappelle qu’il y a réellement du bonheur à sortir des relations de réciprocité, qui nous entrainent inlassablement dans la répétition du « même » …  dans l’attente d’une forme de reconnaissance… 

En nous invitant à oser autre chose… à expérimenter une vie plus simple… marquée l’authenticité… la gratuité… et surtout la liberté… pour chercher, avant tout, le partage, la fraternité, l’amitié…


En ce sens, on peut dire que ce discours exigeant de Jésus est vraiment libérateur : 

Il nous libère de nos conditionnements et de nos préjugés… il nous fait sortir de nous-mêmes, de notre zone confort… pour nous proposer une nouvelle manière d’être au monde… fondée sur l’humilité, la gratuité et la liberté… 


Le Christ nous invite à discerner ce qui fait vivre et qui donne la vie… 

Ce n’est pas de la retenir pour soi, la conserver, la maintenir… c’est de l’offrir et de la partager avec les autres… 


Qu’il en soit ainsi !


Amen. 


_____________


Lectures du jour :


Volonté de Dieu


Ph 2, 1-5


1S'il y a donc un appel en Christ, un encouragement dans l'amour, une communion dans l'Esprit, un élan d'affection et de compassion, 2alors comblez ma joie en vivant en plein accord. Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l'unité ; 3ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous. 4Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres.

5Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ […]

Lectures bibliques 


Luc 14, 1.7-14. 25-33


1Or Jésus était entré dans la maison d'un chef des Pharisiens un jour de sabbat pour y prendre un repas ; ils l’observaient […] 

7Jésus dit aux invités une parabole, parce qu'il remarquait qu'ils choisissaient les premières places ; il leur dit : 8« Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, de peur qu'on ait invité quelqu'un de plus important que toi, 9et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne vienne te dire : “Cède-lui la place” ; alors tu irais tout confus prendre la dernière place. 10Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place, afin qu'à son arrivée celui qui t'a invité te dise : “Mon ami, avance plus haut.” Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi. 11Car tout homme qui s'élève sera abaissé et celui qui s'abaisse sera élevé. »

12Il dit aussi à celui qui l'avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins, sinon eux aussi t'inviteront en retour, et cela te sera rendu. 13Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles, 14et tu seras heureux parce qu'ils n'ont pas de quoi te rendre : en effet, cela te sera rendu à la résurrection des justes. » […]


25De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : 26« Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. 27Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas être mon disciple.

28« En effet, lequel d'entre vous, quand il veut bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense et juger s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? 29Autrement, s'il pose les fondations sans pouvoir terminer, tous ceux qui le verront se mettront à se moquer de lui 30et diront : “Voilà un homme qui a commencé à bâtir et qui n'a pas pu terminer !”

31« Ou quel roi, quand il part faire la guerre à un autre roi, ne commence par s'asseoir pour considérer s'il est capable, avec dix mille hommes, d'affronter celui qui marche contre lui avec vingt mille ? 32Sinon, pendant que l'autre est encore loin, il envoie une ambassade et demande à faire la paix.

33« De la même façon, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple.

Lectures suppélmentaires 

Mt 6, 21


Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.


M 6, 33


Cherchez d'abord le règne de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît.


Mt 11, 28-30


28« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. 29Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. 30Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire