"Nicodème… et le cadeau de Dieu"
Conte de Noël 2014 (basé sur Mt 25,
14-30 ; Jn 3, 1-16)
Pascal
LEFEBVRE / Veillée de Noël à Marmande, le 24/12/14.
Une prédication pour la veillée de Noël…
ce serait trop banal !
Permettez-moi, ce soir, de déroger à la
règle… et de rêver un peu.
Voici un conte de Noël qui nous livre le
témoignage imaginaire d’un certain Nicodème… un personnage du Nouveau Testament
qui a rencontré Jésus.
Vous y reconnaitrez certainement quelques
passages bibliques inspirés de Matthieu (chap.25) et Jean (chap.3) :
Moi, Nicodème,
je suis un vieillard, un Juif devenu Chrétien, disciple du Christ.
Si
j’écris ces paroles, c’est que je veux laisser une trace de la rencontre que
j’ai faite un jour avec un homme extraordinaire, qui a changé ma vie :
Jésus de Nazareth.
Autrefois,
j’étais un notable, un homme respecté de tous, pour sa sagesse et sa
connaissance, un Pharisien, un expert des Ecritures, notamment de la Torah.
Puis un
jour, j’ai croisé ce Jésus qui m’a parlé de manière nouvelle : de nouvelle
naissance, de la possibilité de naître d’en haut, d’accueillir en soi l’Esprit
de Dieu.
Au
premier abord, je n’ai pas compris grand-chose de cet appel qu’il adressait.
C’était pour moi du charabia.
Mais plus
tard, j’ai eu d’autres occasions de croiser sa route. Et un jour, en écoutant
une histoire, un parabole qu’il racontait : j’ai eu un flash. J’ai été littéralement
saisi par ses paroles.
Ma
mémoire n’est plus ce qu’elle était. Mais je veux bien essayer de vous la raconter
et de vous expliquer – en même temps – comment j’ai compris cette parabole :
Il en sera – disait-il – du Royaume, comme d'un homme qui allait partir en voyage :
Faisant confiance à ses serviteurs, il
les appela et leur confia… leur donna… ses
biens. Il remit à l’un cinq talents
– une somme considérable –, à un autre
deux, à un autre un seul – ce qui correspond quand même à 10 000 deniers :
à 17 ans de salaires d’un ouvrier – il donna à chacun selon ses capacités ;
puis il partit.
L’histoire
commence comme ça… et c’est déjà étonnant. Je ne connais pas un seul maître qui
distribuerait une telle somme, qui ferait une telle confiance à ses employés.
Aussitôt – nous dit la suite de l’histoire – 16celui qui avait reçu
les cinq talents s’en alla travailler,
pour les faire valoir, les faire fructifier, et en gagna cinq autres. 17De même celui des deux talents, doubla
également le don reçu et gagna deux
autres talents.
18Mais
celui qui n’en avait reçu qu’un seul, s’en alla creuser un trou dans la terre
et y cacha l’argent de son maître.
Il agit
ainsi parce qu’il avait peur. Il se disait en lui-même : « Recevoir
un cadeau pareil, ce n’est pas possible… ce n’est pas normal ! Il doit y
avoir un piège !
Un
patron comme ça, ça n’existe pas ! On les connaît les patrons ! Il
n’y a que le profit qui compte pour eux ! »
Alors,
prudemment… ou plutôt, peureusement… il enterra ce cadeau… qui pour lui n’en
était pas un.
19Longtemps
après, le maître de ces serviteurs arrive.
Contre
toute attente, il revient, pour lever
avec eux une parole, pour faire le point avec ceux en qui il avait eu confiance,
pour prendre des nouvelles, tout simplement.
Dès
lors, les deux premiers serviteurs présentèrent les nouveaux talents qu’ils
avaient gagnés, par leur propre travail :
20Celui
qui avait reçu les cinq talents s’avança et en présenta cinq autres, en
disant : “Maître, tu m’avais confié cinq talents ; voici cinq autres
talents que j’ai gagnés.” 21Son maître lui dit : “C’est
bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup
je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître.”
22Celui
des deux talents s’avança à son tour et dit : “Maître, tu m’avais confié
deux talents ; voici deux autres talents que j’ai gagnés.” 23Son
maître lui dit : “C'est bien, bon et fidèle serviteur. Tu as été fidèle
dans des choses qui ont peu de valeur, je te confierai donc celles qui ont
beaucoup de valeur. Viens te réjouir avec moi.”
Jusque là
l’histoire se répète. On comprend que les deux premiers serviteurs se sont comportés
comme des gérants fidèles vis-à-vis de leur maître.
En
conséquence, c’est la joie qui leur est offerte. Ils ne sont plus considérés
comme des serviteurs, ils sont désormais traités comme des fils… des enfants du
maître.
A
travers la réponse du maître, on apprend que son projet est de leur confier
d’autres biens, de leur donner d’autres talents encore plus nombreux… puisqu’ils
ont su recevoir les premiers et faire bon usage de ce qui leur avait été offert
gratuitement.
Malheureusement,
avec le dernier serviteur les choses se compliquent, car lui n’a pas du tout
compris le projet de son maître :
24S’avançant
à son tour, celui qui avait reçu un seul talent dit : “Maître, je savais
que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où
tu n’as pas répandu ; 25par peur, je suis allé cacher
ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien.”
Le 3ème
serviteur s’est complètement trompé sur l’intention de son maître.
Par
crainte, il n’a pas fait usage de ce qu’il avait reçu. Il s’empresse alors de
restituer à son maître le talent qui lui avait été donné.
En
réalité, celui-ci n’a jamais cru au don. Il n’a pas reconnu la générosité
gratuite de son maître.
Il avoue
même qu’il voit en lui un homme dur, sévère et exigeant… une sorte de tyran.
On se
demande bien pourquoi ?
Peut-être
était-il mal renseigné ? Peut-être ne venait-il jamais au temple ?
Ce qui
est sûr, c’est qu’il n’avait pas rencontré le Christ… sinon il aurait su… il
aurait mieux connu l’intention véritable de son maître.
En
refusant ce cadeau, ce serviteur n’a pas donc agi avec sagesse : Non
seulement il pouvait vexer son maître… mais, en plus, il s’est carrément privé de
ce qu’il avait reçu.
Le maître lui répondit alors : “Mauvais serviteur, paresseux ! Tu
savais que je moissonne où je n'ai pas semé, que je récolte où je n'ai rien
planté ? 27Eh bien, si tel était ta pensée, tu aurais dû
placer mon argent à la banque et, à mon retour, j'aurais retiré mon bien avec
les intérêts.
28Retirez-lui
donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents.
29Car
à tout homme qui a
(qui sait recevoir avec confiance), l’on
donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas
(qui est incapable de recevoir et de faire confiance à un Autre), même ce qu’il a lui sera retiré.
La
réaction du maître vous paraît peut-être injuste (?) Mais qu’auriez-vous fait,
à sa place ?
Imaginez,
pour Noël, que vous faites un beau cadeau à quelqu’un, et que cette personne le
refuse… auriez-vous envie, par la suite, de lui offrir d’autres cadeaux,
d’autres présents ?
Je ne le
crois pas !
Vous
seriez plutôt fâchés de constater que cette personne – en vous rendant votre
cadeau – signifie qu’elle ne veut rien avoir affaire avec vous.
Ainsi
donc, comme cet homme avait d’autres présents à distribuer, il décida de les donner
à ceux qui avaient accepté de recevoir les premiers :
Il donna
d’autres biens, d’autres responsabilités aux deux premiers serviteurs, car
ceux-là avaient su recevoir ses dons avec confiance.
Sans
doute, connaissez-vous cette histoire : elle est raconté dans un évangile.
Mais,
peut-être, ne connaissez-vous pas très bien la fin.
La suite
de l’histoire… je la tiens de ma propre expérience :
En
réalité, le maître ne voulu pas en rester là.
Finalement,
il se ravisa, il eu pitié de ce dernier serviteur. Il éprouva de la compassion
pour lui.
Comment
aurait-il pu le chasser sans lui donner une seconde chance ?
En
secret, il décida de lui donner un autre cadeau, encore plus précieux que le
premier.
Il lui
confia carrément son trésor ultime, la perle de grand prix, ce qui était le
plus précieux à ses yeux : son propre fils.
Il
confia ce don inestimable… il offrit à l’humanité et notamment à cet homme son
propre fils. Il le fit, afin de lui montrer son amour et sa confiance… afin que
ce serviteur change enfin d’avis sur son maître : qu’il ne le considère plus
comme un homme dur, mais un père bien-aimant et bienveillant... comme un père
céleste qui prend soin de chacun de ses enfants et qui fait confiance à chacun
de ses serviteurs, même les plus petits.
Moi…
Nicodème, j’ai été témoin de cela.
En
rencontrant ce fils – un certain Jésus de Nazareth – j’ai compris que cet
homme… ce maître de la parabole, était en fait une image de Dieu.
C’est
Dieu qui nous confie ses trésors : la vie, la création, la paix, la joie,
la fraternité, la justice, le partage, et tant d’autres choses.
Il peut
arriver que nous refusions ses cadeaux, que nous refusions la vie… à cause de
mauvaises expériences… à cause de notre méfiance vis-à-vis de Dieu… ou à cause
de nos peurs, des épreuves ou des souffrances, parfois trop lourdes à porter.
Il faut
bien l’avouer : nous sommes des créatures angoissées.
Bien
souvent, notre égo prend le dessus… nous
voulons être notre propre maître. Mais, cela ne nous rend pas paisible et
serein : cela créé en nous de l’inquiétude et de l’angoisse… car il faut
se débrouiller seul… lutter, pour mériter sa place… se battre, pour construire
son propre bonheur.
Cette
parabole – comme l’évangile – nous apprend que Dieu nous propose un autre
chemin : celui de la confiance… en acceptant de recevoir la vie comme un
don.
Pour
nous montrer son amour, Dieu nous a offert son bien le plus cher : il a
envoyé son Fils parmi nous, pour nous révéler son vrai visage : celui de
l’amour… il l’a fait, parce qu’il nous fait pleinement confiance… parce qu’il
veut que nous soyons libres et non angoissés.
Mais
nous… que faisons-nous de ce cadeau, de cette grâce ?
Savons-nous
l’accueillir dans notre cœur ce Fils qui vient nous révéler l’amour du
Père ?
Quand
j’ai compris cela, j’ai enfin saisi ce que Jésus m’a dit un jour, à moi,
Nicodème le Pharisien : « il te faut naître d’en haut. Il te faut
naître de l’Esprit :
Naître
de l’Esprit, cela veut dire accueillir la lumière, le souffle de Dieu, dans ton
cœur et te laisser transformer par son amour ».
Quand
j’ai entendu cette parole, je ne l’ai pas comprise sur le moment. C’est bien
plus tard que j’en ai perçu la portée… en voyant que ce Fils que Dieu a donné aux hommes… ceux-ci ne l’ont pas
compris… il ne l’ont pas accepté et l’ont même fait crucifier. Mais, à nouveau
Dieu s’est manifesté… en le ressuscitant, en le donnant à voir Vivant à une
multitudes de frères.
Si je
vous dis cela… c’est parce que je crois que rien n’est jamais figé dans la vie…
il n’est jamais trop tard pour accueillir la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu
dans son cœur.
Il est
toujours possible de faire les bons choix, de se laisser guider par Dieu. On peut
toujours lui faire confiance à n’importe quel moment de son existence.
C’est
cela que nous fêtons à Noël… nous les Chrétiens… nous qui avons reconnu dans ce Jésus – cet enfant né dans une
humble étable – le Fils de Dieu, l’envoyé de Dieu.
C’est un
message de paix et d’amour qu’il nous apporte.
Grâce à
lui, je crois au don, je crois à la Vie, je crois que nous sommes aimés de
Dieu.
Je crois
que notre vie n’est pas écrite dans les étoiles du ciel, contrairement à ce que
disent les mages… qu’elle n’est pas fixée dans les livres ou les lois, contrairement
à ce que pensent les religieux ou les fondamentalistes… qu’elle n’est pas non
plus dictée par les rois et les puissants, contrairement à ce que croient les
fatalistes ou les grands de ce monde.
Mais, je
crois que cette vie nous est donnée, tout simplement, comme un cadeau de Dieu,
comme cet enfant dans la crèche… offert, par amour.
J’ai
écris ces paroles parce que j’espère qu’un jour nous vivrons tous ainsi notre
vie, comme un cadeau de Dieu à partager, au-delà de nos différences de talents,
de charismes, de richesses ou de faiblesses et de handicaps.
Car
Noël… c’est cela : c’est laisser place au don de Dieu, c’est accueillir
l’Esprit de Dieu et de son fils Jésus, dans notre cœur et notre vie, comme une
grâce.
Recevoir
cet Esprit d’amour, savoir que Dieu nous aime comme un Père, c’est cela qui
nous rend pleinement libres et vivants ! Cela change notre mentalité, notre
manière de voir la vie et les gens.
Les
autres ne sont plus des individus isolés, des concurrents, des rivaux… contre
lesquels je devrais lutter pour mériter ma place. Ce sont mes frères et mes
sœurs, aimés de Dieu… et nous sommes inter-dépendants.
Ils sont
là… comme je suis là… parce que la vie est un cadeau… parce que nous avons, chacun,
reçu des dons particuliers à faire fructifier et à partager.
Voilà,
je que j’avais à dire, moi, Nicodème…
Noël,
c’est redécouvrir que la vie est un cadeau de Dieu… que le plus beau présent
est l’amour qu’il nous offre… et que ce présent devient d’autant plus précieux
que nous l’utilisons… que nous partageons les dons reçus avec nos frères et nos
sœurs.
Joyeux Noël à tous !
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