Lecture biblique : Mc 5, 24-34
Thématique : Accepter de s’abandonner dans la
confiance en Dieu : un chemin de guérison
Prédication de
Pascal LEFEBVRE (inspirée en grande partie d’une méditation d’Anselm Grün), Marmande,
le 22/05/15.
Mc 5, 24-34 : [Jésus s'en alla avec
Jaïros]. Une grande foule le suivait et le pressait de toutes parts.
25Or
il y avait là une femme atteinte d'une perte de sang depuis douze ans. 26Elle avait beaucoup souffert
du fait de nombreux médecins, et elle avait dépensé tout ce qu'elle possédait
sans en tirer aucun avantage ; au contraire, son état avait plutôt empiré.
27Ayant entendu
parler de Jésus, elle vint dans la foule, par-derrière, et toucha son vêtement.
28Car elle
disait : Si je touche ne serait-ce que ses vêtements, je serai
sauvée ! 29Aussitôt
sa perte de sang s'arrêta, et elle sut, dans son corps, qu'elle était guérie de
son mal.
30Jésus
sut aussitôt, en lui-même, qu'une force était sortie de lui. Il se retourna
dans la foule et se mit à dire : Qui a touché mes vêtements ? 31Ses disciples lui
disaient : Tu vois la foule qui te presse de toutes parts, et tu
dis : « Qui m'a touché ? » 32Mais il regardait autour de lui pour voir celle qui avait
fait cela. 33Sachant
ce qui lui était arrivé, la femme, tremblant de peur, vint se jeter à ses pieds
et lui dit toute la vérité. 34Mais
il lui dit : Ma fille, ta foi t'a sauvée ; va en paix et sois guérie
de ton mal.
* Dans le
Nouveau Testament, l’épisode racontant la rencontre entre Jésus et une femme
malade, souffrant d’hémorragies, est troublante (voir Mc 5, 24-34). En lisant
ce récit, on peut se demander ce qui permet la guérison de cette
personne : est-ce un miracle « surnaturel » inexplicable ?
Est-ce une force mystérieuse, une puissance de guérison qui émanerait de
Jésus ? Ou est-ce la foi de cette femme ?
Deux
explications nous sont données :
- Le point de
vue du narrateur, de l’évangéliste Marc, c’est que Jésus est une personne hors
du commun qui possède une sorte de force magnétique, un pouvoir exceptionnel de
guérison. Ainsi, nous dit-il : « Jésus
s’aperçut qu’une force était sorti de lui » et de ce fait, il demande
qui a touché ses vêtements autour de lui.
- Mais, par la
suite, une autre explication nous est donnée par Jésus lui-même. Après que la
femme se soit livrée en vérité à Jésus, lui faisant part de son mal et de son
intention (son désir de guérison), le maître lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvé ; va
en paix et sois guérie de ton mal ».
En lui disant
ces mots, Jésus la voit vraiment. Il établit une relation avec elle et
l’appelle « ma fille ». Il joue, pour ainsi dire, le rôle de père (par
son écoute et le désir de vie et de dépassement qu’il stimule en elle) et lui
donne le courage de voir sa propre vie telle qu’elle est. Il la reconnaît comme
une personne à part entière, dans sa dignité. Jésus la renvoie simplement à son
désir et à sa foi. Elle a en elle la foi et la confiance, une source à laquelle
elle peut puiser. C’est là en réalité l’origine et le moteur de sa
guérison : la foi est « une puissance de vie ». Par le mouvement
de confiance que Jésus a suscité en elle, dans son intériorité – et qui s’est
traduit par un mouvement extérieur jusqu’à toucher le vêtement du maître –
elle a pu s’ouvrir à l’action positive et salutaire de Dieu dans son esprit et
son corps.
En d’autres
termes, la confiance que cette femme a en Jésus – en l’amour de Dieu émanant de
Jésus (comme un Souffle vital capable d’agir en elle pour la libérer et la
soigner) – c’est là la source véritable de sa guérison.
Autrement dit,
cet épisode nous révèle (ou nous rappelle) que chaque être humain dispose en
lui-même d’une potentialité de vie extraordinaire et de ressources
cachées : pour les activer, la confiance est nécessaire : confiance en
la confiance, confiance que « tout
est possible pour celui qui croit » (Mc 9,23), que Dieu qui Esprit,
Amour et Source de vie peut agir comme une force de guérison dans notre
intériorité, pour nous libérer et nous ouvrir à la vie.
Une seule
condition pour activer en soi cette puissance de vie : l’ouverture à la
foi, accepter de s’en remettre à un Autre, avoir pleinement confiance en
l’amour de Dieu pour nous … en cet amour susceptible d’agir comme un Souffle
qui traverse notre existence pour la relever… comme une énergie dynamisante
capable de nous transformer.
En bref, le seul
travail de l’humain est de parvenir à faire comme cette petite femme :
nous ouvrir à la dimension spirituelle de la vie, pour nous mettre au diapason
de notre vrai Soi, de notre être intérieur uni à Dieu, c’est-à-dire en harmonie
avec soi-même.
Dieu est un
Souffle qui peut agir en nous, nous traverser et nous soulever, pour autant que
nous acceptions de lâcher notre égo (notre
petite voie intérieure qui veut tout maîtriser, nos préoccupations
egocentriques et nos peurs, ainsi que l’image que nous construisons de
nous-mêmes et que nous souhaitons montrer aux autres)… et pour autant que nous
acceptions de nous ouvrir à Lui et de Lui faire vraiment confiance.
« Sois sans crainte, aie seulement
confiance ! » (Mc 5, 36) :
tel est l’appel que Jésus nous adresse, car – dit-il – le Père (l’énergie-Père)
peut agir en nous : Il nous aime, nous connaît et sait ce dont nous avons
besoin ! (Mt 6,8 ; 6,32 ; 7,11).
En d’autres
termes, Jésus nous invite à lâcher-prise pour nous confier à Dieu dans la
méditation et la prière !
* Bien sûr, Tout ça est beau – diront certains
– mais ce n’est pas si facile que ça « la confiance inconditionnelle » !
Accepter de ne pas seulement compter sur soi-même et ses propres forces, lâcher
son égo et accepter dans une certaine
mesure de perdre le contrôle, en faisant confiance à un Autre : tout cela
n’est pas si simple !... surtout dans une société individualiste comme la
nôtre, où le mot d’ordre est l’autonomie, l’indépendance et la réussite
personnelle.
Notre épisode
est donc très intéressant de ce point de vue, car c’est justement ce que va
accomplir la femme affligée de pertes de sang. L’occasion lui est donnée de
rencontrer Jésus : elle va la saisir, pour changer de manière de faire et
de comportement. Je vous livre l’analyse du théologien Anselm Grün :
« En
chemin, [Jésus] rencontre une femme affligée depuis douze ans d'un « écoulement
de sang ». […] Ce nombre douze peut être interprété symboliquement. Il exprime
la complétude de l'être humain et sa capacité relationnelle. L'homme n'accède a
sa vérité que s'il est capable de relations ; […] [Or, cette femme en semble
incapable… d’autant qu’elle souffre de pertes de sang, ce qui la rend « impure »
aux yeux de son entourage.
Dans
les faits] la femme voudrait établir des relations, mais elle n'y parvient pas
parce qu'elle s'y prend mal : elle ne donne, ne se dépense que pour obtenir
qu'on se tourne vers elle. Donner son sang, c'est donner sa force, sa vitalité,
mais seulement pour être aimée et reconnue des autres, or elle ne fait que
perdre des forces ; elle donne beaucoup parce qu'elle a besoin de beaucoup.
Elle
dépense aussi son avoir pour se soigner. La fortune, l'argent, renvoient
toujours dans un rêve aux aptitudes et possibilités du sujet. Nous développons
tous cette tendance : nous apprenons dans l'effort, mais seulement pour être
reconnus par les autres. Ce faisant, nous sentons bien aussi que nous n'y
trouvons pas notre compte et que finalement nous nous retrouvons vidés de notre
substance.
La situation
de cette femme change quand elle cesse de donner et touche simplement le
manteau de Jésus ; elle prend ainsi quelque chose de lui : sa spiritualité, son
rapport avec Dieu.
Elle
ne donne plus pour recevoir [pour être reconnue et respectée], elle prend
seulement ce dont elle a besoin et, prenant l'essentiel, elle reçoit à son
tour, elle est guérie. Elle a perçu la force qui émane de Jésus, bien qu'elle
n'ait osé l'approcher que par-derrière ; maintenant, ce qui était secret doit
être abordé en face. Elle doit affronter sa maladie et sa guérison, dire toute
la vérité.
Elle
se sent alors acceptée, non seulement dans son corps mais encore dans tout son
être, sa féminité, l'histoire de sa vie. Sentant le rayonnement de Jésus, elle
prend confiance et peut lui exprimer ouvertement son tourment.
Sa
situation n'était assurément pas facile dans une société masculine devenue
impure à cause d'elle ; celui qui touchait une femme dans cet état devenait
lui-même impur et devait se soumettre aux rites de purification. Mais Jésus la
relève : « Ma fille, ta confiance t'a
sauvée. Va en paix, sois délivrée de ton [mal] » (5,34). En lui adressant
ainsi la parole, il ne la traite pas en étrangère, mais établit avec elle une
relation de familiarité et lui confirme qu'elle a fait ce qu'il lui fallait
faire.
Quand
elle ne donnait que pour attirer l'attention, elle n'avait pas la foi ; elle
voulait tout [contrôler, tout] accomplir par elle-même et ne pouvait qu'aller à
sa perte.
Désormais
elle fait confiance à Jésus et prend de lui ce dont elle a besoin pour vivre ;
ainsi elle guérit et retrouve sa dignité. »[1]
* Ainsi
donc, l’histoire de cette femme nous montre que la foi est un chemin de lâcher-prise
et de confiance. Accepter de trouver le salut – la guérison – non pas seulement
par soi-même, par ses propres forces, mais à l’extérieur de soi ; accepter
de demander l’aide de Dieu et le laisser agir en soi ; se tourner en toute
confiance vers Celui qui nous aime tel que l’on est, sans condition… et qui
peut agir dans notre intériorité, pour autant que nous le laissions
faire : Tel est le chemin du salut proposé par le Christ.
Amen.
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