jeudi 6 avril 2023

Jeudi saint

Lectures bibliques : Jean 19.17-30 / Jn 4.7-15 (voir en bas de cette page)

Thématique : J’ai « soif »… Quelle est ta soif ?

Prédication de Pascal LEFEBVRE / Jeudi saint – 6 avril 2023, temple du Hâ, Bordeaux



Peu de temps avant sa mort, Jésus a partagé un dernier repas avec ses disciples. 

Selon l’évangéliste Jean, il leur a même lavé les pieds (cf. Jn 13). 


Par ces signes forts, il voulait leur livrer des enseignements :


  • - L’importance de l’humilité et du service (cf. aussi Mc 10, 42-44). Être « grand » signifie se mettre au service des autres… devenir serviteur de tous. Et donc renoncer à la domination, à l’oppression ou à la violence. 
  • - L’importance aussi du don de soi. Il disait : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Marc 10, 45) ou encore « Qui veut sauver sa vie la perdra, qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera » (Lc 9,24 / Mc 8,35). Il apprenait ainsi à ses disciples que la vie se trouve en s’y engageant, en la risquant, en la donnant. 

Vivre, ce n’est pas survivre, ce n’est pas économiser la vie… c’est, au contraire, accepter de s’y engager, de s’y offrir pleinement (avec ses dons et ses charismes), d’oser la perdre, …. 


Pour trouver la vie, il faut franchir le pas de la confiance : renoncer à garder la vie pour soi, se dépouiller de son égo et son égoïsme, se détacher peut-être aussi de la quête des biens matériels, il faut oser lâcher ce qui risque de nous rendre esclave… renoncer à nos façons de penser… et accepter le lâcher-prise, pour trouver la liberté… et entrer dans le don de soi et le service. 


L’homme ou la femme libre est celui ou celle qui se jette dans la vie, et en fait quelque chose de généreux et de bon pour lui-même et pour les autres. C’est celui qui accepte le risque de « perdre » pour « trouver ». 


C’est précisément ce que Jésus a fait lui-même : il donné sa vie, pour enseigner, pour guérir, pour changer les mentalités, pour remettre les hommes et les femmes debout, en chemin vers Dieu… pour les inciter à s’engager pour autrui, pour le prochain. 

Il a changé notre manière de penser Dieu et nous a entrainé dans le chemin de la confiance, de la foi en un Dieu, Père, bon, tendre et compatissant : un Dieu d’amour. 


Jésus s’est offert pleinement par amour de Dieu… et par amour, il a fait des choses exceptionnelles, inouïes… jusqu’à donner sa vie. Il a ainsi exprimé toute la démesure de l’amour de Dieu. 


Le texte de l’évangile que nous venons d’entendre (cf. Jn 19) resitue Jésus à la fin de sa vie : 

Jésus est arrêté et crucifié. Il vit le supplice de la croix. 

Et là, comme un simple humain qui subit la souffrance extrême, il a « soif ». 


Il a soif d’eau, certainement… de quelque chose pour désaltérer sa bouche et pouvoir s’hydrater… mais il a soif aussi de retrouver son Père, de surmonter la souffrance et la mort… pour retrouver la paix de l’âme dans la communion avec le Père céleste. 


Il a accompli sa mission sur terre, par le don de soi, par l’offrande de sa vie : il a soif de retrouver la maison du Père. 


Cette « soif » fait écho à un autre texte de l’évangile : celui de la rencontre avec la Samaritaine (cf. Jn 4). 

Lorsque Jésus avait croisé son chemin au bord d’un puits, à Sychar, en Samarie, cette femme aussi avait soif. 

Elle avait soif d’eau, certainement… puisqu’elle était au puis pour cela… mais elle avait soif de bien plus que cela :


Elle avait soif de vérité… de pouvoir faire le point sur sa vie… 

Elle avait soif de reconnaissance… de bienveillance et de confiance… et Jésus lui a donné, en s’adressant à elle. 

Elle avait soif de spiritualité… et de pouvoir comprendre que Dieu est Esprit… et qu’on peut l’adorer partout, en esprit et en vérité… et pas seulement à Jérusalem ou sur le mont Garizim…

Elle avait soif, en vérité, d’une eau vive, d’une eau qui étanche sa soif en plénitude et en profondeur…


Ce jour-là, Jésus lui a fait comprendre qu’il peut lui donner accès à cette eau vive, capable de répondre à son véritable désir : 

Cette eau vive qui est l’Esprit saint, le Souffle de Dieu… que Jésus lui-même avait reçu, dont il était le porteur… et qu’il a pu transmettre, après sa mort et sa résurrection, à ses disciples (cf. Jn 7, 37-39 et Jn 20, 22).


A travers cette épisode de l’évangile, une question nous est posée, à nous aussi :

De quoi avons-nous soif ?

Quelle est ta « soif » ?

Et quelle est ta Source ? 


Aujourd’hui, notre contexte et notre mode de vie sont très différents de ceux du temps de Jésus… en tout cas en France : il est beaucoup plus facile de répondre à notre soif… inutile d’aller au puis… il suffit d’ouvrir le robinet. 


Et comme nous vivons dans une société de l’immédiateté, on peut facilement étancher nos soifs : par plus de matérialité, plus d’achats et de consommation, plus de confort, plus d’avoir ou de possessions… 


Mais est-ce que toute cette profusion étanche véritablement notre soif. 

Ce n’est pas certain ! c’est même sûr que « non » !


Notre véritable soif est ailleurs…. 

Et c’est ce que Jésus a fait percevoir à la samaritaine. 


Notre véritable quête… nos désirs les plus profonds… ne pourront jamais être assouvis par des biens matériels… car notre soif est en réalité infinie, spirituelle, immatérielle : 


Nous avons soif d’amour… nous avons soif de communion avec Dieu et avec les autres… nous avons soif de lumière, de paix intérieure… nous avons soif de fraternité, de douceur, de tendresse, de relations authentiques… nous avons soif de pouvoir être nous-mêmes… sans jugement… soif d’aimer et d’être aimés… soif de liberté et de justice. 


Et si Dieu est amour… comme le dit Jésus ou l’auteur de l’épitre de Jean (cf. 1 Jn 4)… alors, en vérité, notre soif est celle de Dieu : 

Elle a la dimension de l’infini. 

Nous avons soif, nous aussi, d’une eau vive, du Souffle d’amour et de vie qui vient de Dieu. 


« Si tu connaissais le don de Dieu – disait Jésus - et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. » (Jn 4, 10)


L’Evangile de ce jour vient donc nous interroger : 

Et toi… quelle est ta soif ?

Dans ta vie… que cherches-tu ?... Quelle est ta quête ?


Quand tu viens participer au culte et à la sainte-cène, quelle est ta soif ?


Bien sûr… si notre vie est déjà pleine et quelle déborde… si on est déjà rassasié, en apparence… alors, il est possible qu’il n’y ait plus beaucoup de place pour Dieu. 


Pour entendre sa véritable soif, les désirs de notre âme… il faut accepter de faire un peu de vide… Pour se mettre en situation d’écouter ce qu’il y a au fond de nous… il faut accepter de changer de mentalité et de posture : accepter d’emprunter le chemin de l’humilité et de la pauvreté de cœur : 


Heureux ceux qui ont faim et soif… ils seront rassasiés….  dit Jésus, dans les Béatitudes – Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eaux (cf. Mt 5). 


Tout croyant est ainsi invité à se reconnaitre « pauvre en lui-même »… pour pouvoir se tourner et s’orienter vers Dieu… vers son Souffle d’amour… et lui laisser de la place dans sa vie… le mettre au centre de ses préoccupations. 


Il est invité à reconnaitre qu’il a soif… soif d’une eau vive… d’une eau vraiment vivifiante !


Lorsque nous participons à la Ste Cène, nous manifestons notre désir pour cette Source véritable qu’est le Christ, le porteur de l’Esprit saint. 

Nous manifestons notre désir de recevoir en nous cette source d’amour qui vient de Dieu. 

Et nous affirmons notre souhait de prendre part, de participer à la vie du Christ… lui qui a vécu dans l’amour de Dieu, le don et le service. 


Car le Christ nous a révélé un paradoxe :

C’est en recevant cet amour infini de Dieu, en nous, dans notre intériorité, que nous pouvons le donner ; et ce n’est qu’en le donnant, à notre tour, que nous pouvons le recevoir à nouveau. 


L’amour, il n’est pas possible de l’économiser. C’est en le donnant qu’on le reçoit. 


En ce jeudi saint, nous célébrons ensemble le repas auquel le Seigneur nous invite. 


Prendre la sainte cène, c’est entrer dans la communion avec « le don de soi »… avec Celui qui s’est fait don, offrande, partage, communion. 


Ainsi, la bonne nouvelle de Jésus-Christ et l’exemple de sa vie tout entière orientée par le don de soi, nous invitent à faire de la place en nous-mêmes, pour nous ouvrir à ce qui nous dépasse : 

Un amour infini, qui aspire à être accueilli, à se recevoir et à se donner… à se donner en nous, à travers nous et autour de nous. 


Toute la vie de Jésus est là : elle est récapitulée par le « don de soi ».  

Jésus est celui qui a trouvé la source de la vie en Dieu le Père… cette Source vive l’a ouvert à l’amour infini… qui se manifeste dans le don et le partage. 


C’est ce mouvement que symbolise la Ste Cène : 

elle nous fait entrer dans la dynamique de vie du Christ : 


Recevoir le pain et le vin, comme symbole de l’amour de Dieu et du don de soi que le Christ réalise lui-même… devenir participant de cette dynamique… et prendre conscience que l’Esprit saint – la source d’eau vive, l’amour de Dieu – qui nous est donné… nous abreuve et nous libère… pour nous entrainer, à notre tour, dans le don et le service… et ainsi nous permettre de trouver la vie véritable. 


Alors, c’est vrai : le don de soi vient aussi bousculer les logiques de ce monde. 

A cause de son amour infini et de sa liberté… le Christ a dénoncé les injustices, il chassé les marchands du temple, il a fait des guérisons le jour du sabbat, il a remis en cause la religion… et il est mort crucifié. 

Mais, dans le don de soi, il a trouvé la vie éternelle. 


Il l’avait annoncé : celui perdra sa vie à cause de moi et de l’évangile… l’évangile du don de soi… celui-là la trouvera… la sauvera ! 


Quelques mots… pour conclure…


Sur la croix… Jésus a eu soif…

En Samarie, il a croisé la route de cette femme et a dit : « donne-moi à boire … »


Cette demande simple et humble, nous apprend que chacun peut apporter à boire à quelqu’un d’autre.

Nous avons le droit d’écouter notre âme… d’exprimer notre soif… nos attentes… nos désirs profonds… et d’entendre ceux des autres. 


Chacun – s’il est inspiré par Dieu - comme Jésus l’a pleinement été – Chacun… peut apporter quelque chose à autrui… lui donner de l’amour, de la chaleur, du réconfort, de la confiance, du courage… nous pouvons, tout à tour, avoir soif… et donner à boire… 


Ce qu’a fait Jésus avec cette femme Samaritaine, c’est aussi ce que nous sommes appelés à vivre : 

Jésus lui a fait comprendre que sa véritable soif était ailleurs : 

Qu’elle avait soif d’amour, de confiance, de libération…  Soif de spiritualité, de vérité : 


Nous sommes, nous aussi, appelés à aider nos frères ou nos sœurs à être des hommes et des femmes devant Dieu… avec Dieu… à leur faire percevoir que la Source d’eau vivre se découvre dans la communion avec le Christ. 


Osons donc, chers amis, être des témoins du Christ crucifié et ressuscité, celui qui nous transmet l’Esprit saint, la source d’eau vive. 


Par ailleurs, en ce jeudi saint… ce jour particulier où nous commémorons le dernier repas de Jésus avec ses disciples… qu’il nous soit donné… en participant à la Ste Cène… de sentir et de recevoir tout l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ… pour étancher notre soif… 

Et qu’il nous soit donné de transmettre cet amour autour de nous… à toutes celles et ceux qui ont soif de vie en plénitude. 


Amen. 


Lectures bibliques : Jean 19.17-30 / Jn 4.7-15

Jean 19.17-30

17Portant lui-même sa croix, Jésus sortit et gagna le lieu dit du Crâne, qu’en hébreu on nomme Golgotha. 

18C’est là qu’ils le crucifièrent ainsi que deux autres, un de chaque côté et, au milieu, Jésus. 

19Pilate avait rédigé un écriteau qu’il fit placer sur la croix : il portait cette inscription : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs. » 

20Cet écriteau, beaucoup de Juifs le lurent, car l’endroit où Jésus avait été crucifié était proche de la ville, et le texte était écrit en hébreu, en latin et en grec. 

21Les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : « N’écris pas “le roi des Juifs”, mais bien “cet individu a prétendu qu’il était le roi des Juifs”. » 

22Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »

23Lorsque les soldats eurent achevé de crucifier Jésus, ils prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique : elle était sans couture, tissée d’une seule pièce depuis le haut. 

24Les soldats se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, tirons plutôt au sort à qui elle ira », en sorte que soit accomplie l’Ecriture : Ils se sont partagé mes vêtements, et ma tunique, ils l’ont tirée au sort. Voilà donc ce que firent les soldats.

25Près de la croix de Jésus se tenaient debout sa mère, la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas et Marie de Magdala. 

26Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » 

27Il dit ensuite au disciple : « Voici ta mère. » Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui.

28Après quoi, sachant que dès lors tout était achevé, pour que l’Ecriture soit accomplie jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif » ; 

29il y avait là une cruche remplie de vinaigre, on fixa une éponge imbibée de ce vinaigre au bout d’une branche d’hysope et on l’approcha de sa bouche. 

30Dès qu’il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est achevé » et, inclinant la tête, il remit l’esprit.


Jn 4.7-15


7Arrive une femme de Samarie pour puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 

8Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. 

9Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit : « Comment ? Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une femme, une Samaritaine ? » Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. 

10Jésus lui répondit : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive. » 

11La femme lui dit : « Seigneur, tu n’as pas même un seau et le puits est profond ; d’où la tiens-tu donc, cette eau vive ? 

12Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes ? » 

13Jésus lui répondit : « Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif ; 

14mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle. » 

15La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir puiser ici. »


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