Lectures bibliques : Jn 13, 1-17 (autre lecture possible : Ph 2, 1-11) = voir texte en bas de cette page
Thématique : L’humilité et le service, pour se mettre à l’écoute de Dieu et des autres
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bordeaux, le 13/04/2025 - culte avec les jeunes
Nous écoutons aujourd’hui ce récit surprenant de l’évangile de Jean (cf. Jn 3, 1-17) où Jésus lave les pieds de ses disciples : un geste choquant pour ses contemporains… et toujours étonnant pour nous.
À l’époque, ce geste était réservé aux esclaves, aux personnes qui étaient tout en bas de l’échelle sociale. Alors pourquoi Jésus - le Maître - fait-il cela ? Quel signification donne-t-il à cet acte ? Et comment ce geste peut-il encore nous parler et nous concerner 2000 ans plus tard ?
Jésus, l'exemple d’une humilité radicale
Imaginons d’abord la scène… comme si nous y étions : Jésus, l’envoyé de Dieu, celui qui enseigne avec autorité et qui accomplit des signes extraordinaires, se met à genoux pour laver les pieds de ses compagnons de route. Un geste aussi simple qu’inattendu. Pourquoi cet acte de soumission volontaire auprès de ses disciples ?
Certainement pour leur transmettre un exemple d’humilité avant sa mort prochaine. Car Jésus est conscient de sa mort imminente, il prépare ses disciples à ce qui va arriver…
« Un serviteur n’est pas plus grand que son maître, tout comme un envoyé n’est pas plus grand que celui qui l’envoie » (v. 16). Jésus n’a cessé d’être au service de son Père, à l’écoute de la volonté divine… Il s’est fait le chantre et le serviteur du Royaume de Dieu.
Après lui, les disciples ne devront pas faire autrement… Ils ne devront pas entrer dans des discussions ou des tensions, pour savoir qui aura la préséance ou le privilège de la première place, quand Jésus ne sera plus là. « Si quelqu'un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » C’est une parole que nous entendons aussi dans l’Evangile de Marc (cf. Mc 10, 43-44).
Pour nous, au XXIe siècle, la notion de service et d’humilité peut paraître démodée - à contre-courant même ! - dans un monde où nous sommes plutôt encouragés à paraître, à briller, à « réussir » selon des critères de performance et d’apparence. Jésus, lui, renverse cette mentalité courante… en affirmant que la véritable grandeur ne se mesure pas à la position qu’on occupe, mais à la manière dont nous acceptons de servir les autres, quitte à lâcher notre égo et à nous abaisser.
Le monde dans lequel nous vivons nous pousse souvent à l’individualisme et à la compétition. Chacun doit prouver sa valeur et réussir par ses efforts. C’est le règne du « chacun pour soi ». Il faut sans cesse passer des évaluations, des examens, des concours, des entretiens. Nous recevons cette injonction récurrente… de devoir nous dépasser et nous battre… pour avoir plus, pour gagner davantage et mériter notre place. Qu’on le veuille on non, notre monde et nos mentalités reposent souvent sur des rapports de force, de rivalité ou de domination.
Mais dans ce passage, Jésus nous invite à voir les choses autrement… à renverser ces valeurs. En incarnant une humilité radicale, il nous invite à ne pas nous contenter des apparences et de l’extériorité, mais à être attentif à notre intériorité… C’est un choix du coeur de s’ouvrir aux autres, de s’engager pour eux, de vivre dans le don de soi, de donner gratuitement, sans forcément attendre quelque chose en retour.
Dans cet épisode avec ses disciples, Jésus veut montrer que le service est un moyen relationnel d’exprimer de la reconnaissance, de la considération et de l’amour pour ceux qui nous entourent.
Aujourd’hui, on a parfois tendance à réduire l'amour à une émotion ou à sentiment passager. On aime celui qui est « dans le vent »… celui qui est beau et « cool »… celui ou celle qui nous fait rire ou qui dégage quelque chose de séduisant… ou encore celui qui peut nous apporter de la reconnaissance, de l’estime ou une forme de « plus value ». Mais, dans cet épisode, Jésus nous propose un amour gratuit… qui se manifeste par des gestes quotidiens d’aide, d’attention, de présence, de soutien. « Aimer », c’est avant tout aider, c’est rendre service, c’est faire grandir l’autre.
Dans un monde où l’on se sent parfois seul… où la surface des relations, les apparences, deviennent souvent plus importantes que la profondeur du cœur… Jésus nous invite à retrouver l’essence même de l’amour : un amour simple et actif… qui se donne sans calcul.
Par ailleurs, ce récit de l’évangile, nous délivre aussi un autre enseignement : Lorsque Pierre - le bras droit de Jésus - refuse que son Maitre lui lave les pieds, celui-ci lui répond : « Si je ne te lave pas, tu ne partageras rien avec moi / tu n’auras pas part avec moi. » (v.8). Cela veut dire que ce geste ne revêt pas seulement une dimension physique ou rituelle, mais une dimension spirituelle : il s’agit d’un acte de purification.
C’est comme si ce geste traduisait un appel à une purification du cœur : Jésus veut purifier ses disciples… et nous aussi… Il veut nous purifier de notre orgueil, de notre égoïsme, de notre mentalité de domination… de nos préjugés… de tout ce qui nous bloque et nous empêche d’aimer pleinement.
Accepter d’occuper la position de serviteur, c'est accepter de lâcher son égo et de se mettre en position d’écoute… pour se mettre au service d’un autre… en l’occurence de Dieu… comme Jésus l’a fait. Mais aussi, de se mettre vraiment à l’écoute des autres.
Ce n’est pas un hasard si, dans notre société, celles et ceux qui sont souvent à l’écoute des autres, ce sont des professionnels du service : les coiffeurs, au service de notre visage et notre beauté… les médecins au service de notre santé… les éducateurs au service des jeunes… les aides soignantes au service de la toilette et du corps des plus âgés…
Pour rencontrer Dieu et les autres, il faut faire preuve d’humilité… C’est en se mettant au service d’autrui qu’on peut vraiment le rencontrer. C’est ce qui fait dire à Paul dans l’épitre aux Philippiens : « ne faites rien par ambition personnelle ni par vanité ; avec humilité, au contraire, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. » (cf. Ph 2,3).
L’appel à nous « laver les pieds les uns aux autres » (v.14) est un appel à nous mettre à l’écoute des besoins d’autrui, un appel à la fraternité et à l’amour inconditionnel.
La liberté et le dépassement de la réciprocité
Enfin, ce passage nous interroge sur la véritable nature de nos relations avec Dieu et avec les autres : Jusqu’où peut-on aller par amour ?
Nous voyons dans cet épisode que Jésus lave aussi les pieds de Judas, celui qui va le trahir. Et cela - bien sûr - pose question : « Puis-je aimer et servir ceux qui peuvent me faire du mal ? » Est-ce que cet acte incroyable de Jésus ne constitue pas une mise en pratique du sermon sur la Montagne (cf. Mt 5,44), où le maître appelait ses disciples « à aimer même ceux qui nous traitent en ennemi » ? … ou « à bénir ceux qui nous maudissent » ?
C’est un nouveau chemin que Jésus nous propose d’expérimenter… un chemin qui appelle à une véritable liberté intérieure… Précisément, il est possible d’agir de la sorte - de façon gratuite - seulement lorsqu’on est libéré du soucis de soi-même : libéré du besoin de reconnaissance et du besoin d’avoir raison… libéré de son bon droit et des chaines du ressentiment.
Comme disait Martin Luther, dans un de ses fameux traité : « Le chrétien est l’homme le plus libre ; maître de toutes choses il n’est assujetti à personne. L’homme chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs ; il est assujetti à tous ».
Conclusion
Cela peut paraître difficile dans un monde aux valeurs contraires… qui nous pousse le plus souvent vers l’individualisme, la combativité et la performance… Mais Jésus nous rappelle - paradoxalement - que c’est dans l’humilité, le service et le don de soi, que résident la véritable liberté et la possibilité de rencontrer l’autre en vérité.
Concrètement, cela pourrait signifier aider un ami ou un collègue en difficulté au travail… prendre soin des personnes les plus fragiles autour de nous…. aider quelqu’un dans le besoin… visiter des personnes âgées ou malades… soutenir des personnes sans-abri ou simplement un ami qui traverse une épreuve…
L’acte de « laver les pieds » pourrait également symboliser l’idée de prêter attention, de se rendre disponible et prendre du temps… pour écouter les autres… notamment ceux qui sont seuls ou isolés…
Dans le contexte d’aujourd’hui, cela pourrait encore signifier accepter d’offrir un pardon, oser se réconcilier, même avec ceux qui nous ont blessés… oser tendre la main à quelqu’un avec qui on a eu un conflit… ou offrir une seconde chance à quelqu’un qui a fait des erreurs… choisir la paix plutôt que l’amertume…
Enfin… « laver les pieds » des autres, cela pourrait encore signifier se lever contre les injustices et soutenir ceux qui souffrent d’exclusion ou d’inégalités sociales, raciales ou économiques… par exemple, à travers un engagement actif pour promouvoir la dignité, l’accès aux droits et la justice, pour ceux qui en ont besoin.
En bref… le Christ nous invite à changer de regard sur la vie… sur nos priorités… et nos rapports aux autres. Il nous invite à faire preuve d’audace et d’écoute, en entrant dans l’humilité et le service.
Qu’il en soit ainsi ! Amen.
Jn 3, 1-17 - Jésus lave les pieds de ses disciples (autre lecture possible : Ph 2, 1-11)
1C'était juste avant la fête de la Pâque. Jésus savait que l'heure était venue pour lui de quitter ce monde pour aller auprès du Père. Il aimait les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout. 2Jésus et ses disciples prenaient le repas du soir. Le diable avait déjà fait germer dans le cœur de Judas, fils de Simon l'Iscariote, l'idée de livrer Jésus. 3Jésus savait que le Père avait tout remis entre ses mains, que lui-même était venu de Dieu et qu'il retournait à Dieu.
4Il se lève de table, ôte son vêtement de dessus et prend une serviette dont il s'entoure la taille. 5Ensuite, il verse de l'eau dans une cuvette et se met à laver les pieds de ses disciples, puis à les essuyer avec la serviette qu'il avait autour de la taille. 6Il arrive à Simon Pierre, qui lui demanda : « C'est toi Seigneur qui me laves les pieds ? » 7Jésus lui répondit : « Tu ne saisis pas maintenant ce que je fais, mais tu comprendras plus tard. » 8Pierre lui dit : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! » Jésus continua : « Si je ne te lave pas, tu ne partageras rien avec moi. » 9Simon Pierre répliqua : « Alors, Seigneur, ne me lave pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » 10Jésus ajouta : « La personne qui a pris un bain n'a plus besoin de se laver, sinon les pieds, car elle est entièrement propre. Vous êtes propres, vous, mais pas tous cependant. » 11En effet, Jésus savait qui allait le livrer ; c'est pourquoi il dit : « Vous n'êtes pas tous propres. »
12Après leur avoir lavé les pieds, Jésus reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? 13Vous m'appelez “maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car je le suis. 14Si donc moi, le Seigneur et le maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. 15Je vous ai donné un exemple pour que vous agissiez comme je l'ai fait pour vous. 16Oui, je vous le déclare, c'est la vérité : un serviteur n'est pas plus grand que son maître, tout comme un envoyé n'est pas plus grand que celui qui l’envoie 17Maintenant que vous savez cela, vous serez heureux si vous le mettez en pratique.
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