L’Esprit saint, source de
transformation et de fécondité
Lectures bibliques : Lc 1, 26-45 ;
Ep 3, 14-21
Thématique :
Marie, figure exemplaire du croyant / Accueillir l’Esprit saint, pour
laisser le Christ naître en soi.
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 18/12/16.
* Qu’est-ce que
raconte cette histoire qu’on appelle « l’Annonciation » et qui est
suivie de « la Visitation » ?
Un messager de
Dieu, un ange – l’évangéliste précise qu’il s’agit Gabriel : un personnage
qui, dans le livre de Daniel, est l’annonciateur du temps du salut – … un
messager annonce à une jeune fille, Marie, mariée à un certain Joseph, qu’elle
va être enceinte et enfanter un fils, auquel elle donnera le nom de Jésus, ce
qui veut dire « Dieu sauve ».
Bien sûr, nous
connaissons tous ce récit que beaucoup interprètent comme l’annonce d’une
naissance miraculeuse. Il y a au moins deux éléments qui expliquent qu’on
s’arrête souvent à l’aspect extraordinaire de la conception de Jésus. Nous
allons les évoquer dans un instant. Mais, j’aimerais vous montrer, aujourd’hui,
que ce récit dit autre chose – ou, en tout cas, plus de choses – que cela.
La lecture
habituelle – l’interprétation traditionnelle – de ce texte repose en grande
partie, d’une part, sur un problème de traduction : parce que le mot grec
« parthenos » (dans la version grecque du N.T. que nous avons et qui
reprend le vocabulaire de la LXX) désigne une jeune fille vierge, alors que le
mot hébreu correspondant désigne simplement une jeune fille, fertile, pleine de
vie.
Mais, elle
s’appuie aussi, d’autre part, sur ce qu’affirme le messager de Dieu : « l’Esprit Saint viendra sur toi et la
puissance du Très Haut te couvrira de son ombre ». Beaucoup ont
compris ce verset de façon littérale, comme si l’Esprit saint, d’une certaine
manière, fécondait biologiquement Marie… comme s’il était, en quelque sorte, le
père de l’enfant.
Or, nous devons
percevoir que ce qui est dit ici est, en réalité, très éloigné des récits
païens de générations divines, souvent imprégné d’érotisme, ou encore des
récits de la mythologie grecque où un dieu rend une femme enceinte.
Il me semble que
pour envisager l’enjeu et la richesse de ce passage du Nouveau Testament, il
nous faut dépasser la question du miracle surnaturel.
La vraie question
n’est pas de savoir si Marie était ou non vierge ou moment de la conception ou
au moment de la naissance de Jésus. Elle n’est pas non plus de savoir qui est
le père biologique de l’enfant : l’Esprit saint, Joseph ou quelqu’un
d’autre. Tout cela, ce sont des questions secondaires qui tombent à côté des
vrais sujets.
Je crois que
notre passage veut plutôt nous parler de 1) qui est Jésus et 2) de ce qui se
joue dans le cœur du croyant, dont Marie est ici une figure exemplaire.
* La première
affirmation de ce passage concerne concrètement Jésus, l’enfant qui va naître.
En racontant cette visite de l’ange à Marie, l’évangéliste Luc annonce la venue
du Messie et nous livre ainsi l’identité de celui qui sera le protagoniste de
l’Évangile.
Nous apprenons
déjà, à travers son prénom, Jésus – Dieu sauve – que cet homme manifestera et
apportera le salut de Dieu.
Le messager
précise également qu’il « sera grand
et sera appelé fils du Très Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de
David son père ». Et il est dit, un peu plus loin : « celui qui va naître sera appelé
saint, Fils de Dieu » (v.35).
Aussi bien l’inscription
dans la filiation du roi David que le titre « Fils de Dieu » (ou
celui de Seigneur (v.43)) correspondent, pour Luc, comme pour le premier
Testament, à une désignation du Messie.
Ce qui est
affirmé ici, de façon explicite, c’est que cet enfant va répondre aux promesses
de Dieu et aux attentes des croyants : il sera le Messie, celui qui sera choisi
par Dieu, pour manifester son salut aux hommes. Selon Luc, ce choix – cette
élection particulière – a été fait par Dieu avant même la naissance de Jésus
(comme l’affirme le messager qui s’adresse à Marie.)
Les termes « fils du très-Haut » comme « fils de Dieu » désignent
celui qui vient de Dieu, celui en qui Dieu se révèle, par qui il parle et en qui
il agit.
Jésus révélera
et manifestera la Parole de Dieu ; il sera l’incarnation de la volonté de
Dieu.
Bien sûr le
lecteur/auditeur de l’évangile peut se poser la question : « comment cela se
fera-t-il ? ». C’est précisément la question que Luc met dans la
bouche de Marie. Et le messager y répond : c’est l’œuvre de l’Esprit
saint, du souffle de Dieu.
C’est l’Esprit
saint qui va agir, l’Esprit de Dieu que Marie va recevoir dans son intériorité
et qui va insuffler en elle, en son cœur et en son âme, un Souffle nouveau, un
Souffle de vie nouvelle.
Pour dire cela,
le messager emploie même une expression typique de l’Ancien Testament qu’on
trouve dans les livres de l’Exode et des Nombres (cf. Ex 40,34-35 ; Nb 9, 18.22 ;
10,34) : « la puissance du Très
Haut te couvrira de son ombre »… une expression qui veut simplement
dire la « présence efficace de Dieu », qui va agir dans le cœur et la
vie de Marie, afin qu’elle soit emplie de la lumière de Dieu et que son enfant
soit élevé dans la confiance et la fidélité au Seigneur.
Ce qui est donc
dit d’important dans ce passage biblique, c’est que Dieu va agir et qu’il va manifester
la puissance de son amour dans cet enfant qui va naître. D’où le nom qui est
aussi évoqué ailleurs (dans l’évangile selon Matthieu (cf. Mt 1,23)) : « Emmanuel » : « Dieu
avec nous ». En Jésus, Dieu se révèle comme un Dieu avec nous / pour nous.
Pour conclure
sur ce premier aspect, on peut donc dire que : c’est l’Esprit saint qui va
faire de Jésus, le Messie, le Christ.
C’est quand
l’Esprit saint s’incarne et prend chair dans la vie des humains que le salut de
Dieu se manifeste.
* Le deuxième
point important concerne Marie, et nous concerne également, car le dialogue entre
le messager et Marie met en scène ce qui se joue dans le cœur du croyant, dont
Marie est une figure importante.
Projetons-nous
un instant sur le personnage de Marie… et essayons de visualiser la situation à
travers /à partir ce qui arrive à cette jeune femme :
Imaginez… Vous êtes une jeune fille, pleine de
projets, vous allez bientôt vivre et vous installer avec votre époux. Et puis,
tout à coup, vous vivez une expérience spirituelle inouïe – vous êtes déplacée
dans votre foi et vous avez même une vision : un messager de Dieu se
révèle à vous et vous invite à vous réjouir, parce que Dieu est avec vous,
parce que vous savez que la faveur et la bienveillance de Dieu vous sont
acquises, parce que vous sentez que vous êtes en communion avec Dieu.
Bien sûr, cette
expérience spirituelle extraordinaire vous bouscule et vous bouleverse. Mais,
voici que ce messager vous rassure et apaise vos craintes. Il vous révèle que
Dieu va agir dans votre vie et dans votre famille. Et que l’enfant qui va
naître dans votre couple sera le Messie tant attendu des croyants. Il sera le
révélateur de l’amour et du salut de Dieu.
Alors, bien
évidemment, vous êtes complétement retournée par tout cela : l’expérience
spirituelle, l’apparition d’un messager, et maintenant cette nouvelle
extraordinaire qui va changer tout le cours de votre vie : Dieu a un
projet pour vous ; vous avez une vocation particulière : vous allez
accueillir dans votre famille, participer à la naissance et à l’éducation de
celui qui sera le Messie de Dieu, le Sauveur des hommes.
Imaginez le trouble et le chamboulement
dans la vie de Marie !
Bien souvent… en
lisant ce texte… nous ne réalisons plus cela :
Tout, dans ce
récit, paraît lisse et facile, car nous connaissons par cœur cette belle
histoire…
Mais nous devons
nous rendre compte à quel point cette expérience de foi a dû complétement
chambouler la vie de Marie. Car, après tout, ce n’est pas forcément de cette
façon que cette jeune femme envisageait son avenir. Ce n’est sans doute pas ce
qu’elle attendait de son mariage. Elle était tranquille. Elle s’apprêtait
vraisemblablement à vivre une vie paisible avec son mari Joseph. Ils avaient
sans doute des projets communs.
Mais voilà que
Dieu – par son Esprit, par son Souffle (v.35) – vient bouleverser sa vie, mais
aussi la transformer, la féconder.
Alors, c’est vrai :
on ne sait pas si tout ça s’est vraiment passé en détail comme le raconte
l’évangéliste Luc. Il n’y a pas eu de témoins oculaires de cette scène, puisque
ce dialogue a eu lieu dans l’intimité d’une relation de foi, et puis des
anges ou des messagers de Dieu : on en voit pas tous les jours !!
Mais, au-delà
des images et des mots, ce qui est raconté ici, c’est le fait que Marie ait
vécu une expérience spirituelle inattendue et extraordinaire : une
expérience spirituelle susceptible de changer tout le cours de sa vie. Et ce
qui est étonnant, c’est sa réponse toute simple, son adhésion : « Je suis la servante du Seigneur. Que
tout se passe pour moi comme tu l’as dit ».
Quelle réponse
extraordinaire de foi ! Elle dit à Dieu et à son messager : « je
vais me rendre prête et disponible. J’accepte ! Je suis prête à te suivre,
Seigneur : qu’il soit fait selon ta volonté ! »
Un appel de Dieu
vient retourner la vie de cette jeune femme et, elle, elle dit
« oui » tout simplement.
Je me demande si nous aurions fait la
même réponse ?
Oui… nous devons
nous poser cette question. Que ferions-nous si le Saint Esprit venait frapper à
notre porte ?
Car, voyez-vous,
il me semble que, si ce récit nous est conté par l’évangéliste Luc, c’est pour
nous dire le « oui » de Marie… mais c’est également pour nous dire
que, nous aussi, nous pouvons être des hommes et des femmes de foi, qui font
confiance au Seigneur. C’est pour nous encourager à faire comme cette petite
femme – cette jeune fille – qui accepte la vocation, la mission que Dieu lui
confie.
Soyons certains –
chers amis – que Dieu frappe aussi à la porte de notre cœur. D’une manière ou
d’une autre, il est déjà venu frapper à notre porte, que nous en ayons
conscience ou non, que nous ayons entendu et accepté son appel (à telle ou
telle occasion) ou que nous l’ayons remis à plus tard. Dieu nous fait signe par
nombreux biais et de bien des manières. Il ne cesse de nous attendre et il n’est
jamais trop tard pour Dieu.
Alors… acceptons-nous
/ accepterons-nous – comme Marie – de nous laisser déplacer par Dieu ? Acceptons-nous
de revoir nos projets et nos désirs, comme elle a eu le courage de le faire…
simplement en vivant dans la confiance ?
La suite du
passage nous montre que les choses ne s’arrêtent pas là.
Fort de cette
expérience spirituelle, Marie ne continue pas sa vie comme avant – ça ce serait
impossible –. Elle quitte tout et « part en hâte » à des kilomètres
de là, dans une ville de Judée (alors qu’elle est en Galilée, dans la région
voisine), pour aller voir Élisabeth, sa cousine.
Et là, elle
reçoit la confirmation de sa vocation : « Bienheureuse, celle qui a cru : ce qui lui a été dit de la
part du Seigneur s’accomplira ! »
Autrement dit,
l’annonciation de la vocation de Marie et la nouvelle extraordinaire de la
naissance du Messie a créé dans le cœur de Marie un envoi, un
déplacement : Elle part en hâte et là, au loin, elle reçoit la
confirmation de sa mission.
Nous voyons bien
que le personnage de Marie est l’exemple même de la figure du croyant fidèle et
plein de confiance. Marie est une figure de la foi.
Et du coup, nous
voyons aussi que cette histoire raconte plus que la jolie histoire qui prépare
le récit de Noël : elle raconte, en réalité, ce qui se joue dans le cœur
du croyant.
Ce qui est dit,
à travers Marie, c’est ce qui se passe dans le cœur de celui qui dit
« oui » à Dieu. Et l’évangéliste Luc raconte, à travers Marie, ce que
l’Esprit saint, le Souffle de Dieu, peut accomplir dans la vie de celui qui vit
dans la confiance en Dieu :
Il nous dit, à
travers l’exemple de cette jeune fille, que, nous aussi, nous pouvons recevoir
de Dieu une force susceptible de soulever et même de bousculer notre vie, une
force, un Souffle, capable de nous transformer. Car c’est bien ce que Dieu
fait : il vient insuffler, soulever, transformer, féconder l’existence de
cette jeune croyante.
Ce que raconte
ce récit c’est que l’Esprit saint accomplit, pour autant que nous soyons à son
écoute, et pour autant que nous acceptions de l’accueillir : Par son
Souffle, Dieu peut venir féconder notre vie et la transformer.
* Alors....
certes, nous ne verrons peut-être jamais de messager ou d’ange de Dieu, mais
soyons certains que Dieu nous parle de bien des manières : par sa Parole,
par son Évangile, par des témoins… il nous parle à travers les personnes que
nous rencontrons… à travers les événements et les visages que nous croisons… à
travers les livres que nous lisons… à travers la nature que nous
contemplons : Dieu nous parle et il nous appelle.
Il vient nous
dire : « reçois ma confiance et mon Esprit d’amour ! Sois mon
témoin ! Ne crains rien ! Si tu accueilles mon Esprit, le Christ peut
naître en toi ! »
C’est cela que
raconte ce récit de l’avent : une femme, un jour, a accepté d’ouvrir son
cœur à Dieu … L’Esprit saint est venu habiter en elle et féconder son
existence. Il fait germer la vie. C’est le miracle de la foi.
« Heureux celui qui croit ! Les
projets de Dieu s’accompliront en lui / par lui » (cf. v.45).
Amen.
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