Mt 25, 14-30
Lectures
bibliques : Jn 14, 1-14 ; Mt 25, 14-30
Thématique :
une parabole de la confiance, pour naître à la foi du Christ
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 04/12/16
La période de
l’avent, c’est le temps de l’attente dans la perspective de l’avènement de
Jésus Christ.
C’est la période
qui précède Noël, où nous nous préparons à fêter la manifestation de Dieu –
l’incarnation de la confiance totale en Dieu – dans un être humain : dans
un enfant, en Jésus.
Mais, Noël n’est
pas seulement une vieille histoire qui est arrivée il y a 2000 ans. Elle nous
concerne encore et toujours : nous sommes, nous aussi, appelés à incarner
l’amour de Dieu dans notre existence, comme Jésus Christ l’a réalisé. Nous
sommes invités à laisser le Christ naître en nous, dans notre cœur, dans notre
intériorité et dans toute notre vie.
Pour ce faire,
la parabole des talents peut être précieuse. Elle nous donne des indications,
pour réaliser cette vocation, pour répondre à cette mission.
Pour la
décrypter et trouver le message central au cœur de l’enseignement de Jésus, il
faut la relire attentivement et chercher la surprise de l’histoire. Car il
s’agit d’une parabole du Royaume (comme la parabole des dix vierges qui la
précède) : alors, qu’est-ce qui est vraiment étonnant dans cette
comparaison proposée par Jésus ? C’est en nous posant cette question que
nous trouverons peut-être des moyens d’avancer et de progresser dans la foi.
Deux choses
peuvent nous étonner :
- Dune part, la
réaction du maître vis-à-vis du serviteur qui rend son bien intact.
- D’autre part,
la conclusion ou la morale de l’histoire : « A tout
homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui
qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré » (v.29)
Voyons cela en
détail :
* Première chose
dans cette parabole : examinons le dialogue entre le maître et le
serviteur timoré.
Tout d’abord, puisqu’il
s’agit d’une petite histoire qui sert de comparaison, on peut imaginer que
l’homme, le maître de cette histoire, représente la figure du « Fils de
l’homme », c’est-à-dire de ce personnage dont Jésus parle un peu plus tôt
(Mt 24, 36-44 et aussi ensuite Mt 25, 31-46), qui est, d’une certaine manière,
le Représentant de l’humanité appelé par Dieu à juger les hommes.
C’est une figure
eschatologique (des derniers temps) ou apocalyptique (c’est-à-dire, de
révélation) qui représente Dieu au moment de faire le point sur la vie des
humains.
En tout cas, ici,
il a une fonction d’arbitre. C’est lui qui qualifie les comportements des
protagonistes de serviteur « bon et fidèle » ou de serviteur « mauvais
et timoré (hésitant, craintif, peureux) ».
L’idée d’un
jugement a une fonction d’enseignement pour le lecteur /auditeur qui découvre
l’histoire. Elle lui permet – à travers un récit – de prendre conscience de ce
qui était attendu des humains – et de ce qui est encore et toujours attendu
d’eux, en tout temps.
C’est la
fonction « mythique » du jugement : On raconte une histoire qui
se déroulerait à la fin des temps, pour dire, en fait, ce qui était attendu de
la vie / durant l’existence.
Grâce à cette
histoire, le lecteur/ auditeur reçoit une information cruciale sur le sens et
le but de l’existence.
Les mythes de la
fin des temps ont ainsi la même fonction que les mythes de la création (sauf
qu’on se situe à la fin et qu’on regarde en arrière). Ils permettent à celui
qui en prend connaissance, de découvrir une vérité. Ils révèlent le sens de
l’existence, de façon rétrospective.
En ce sens, le
mythe est un langage, qui déploie une vérité dans /et par une histoire. Et qui
appelle une prise de conscience, un changement, de la part de l’auditeur.
Mais, revenons à
notre parabole :
On n’est pas
tellement surpris que les deux personnages qui ont reçu respectivement 5 et 2
talents et qui ont su les faire fructifier, reçoivent des compliments du
maître.
Grâce à leur confiance,
leur imagination et leur travail, ils ont respectivement gagné 5 et 2 autres
talents : des nouveaux talents.
Ce qui est
étonnant, en revanche, c’est que celui qui n’en avait qu’un et qui le rend
parfaitement intact à son maître, reçoive des reproches. Car, après tout, il
n’a rien perdu, ni dépensé. Il rend son bien à son maître. Il n’a rien fait de
mal, rien perdu, ni volé.
Mais, à travers
le commentaire du maître, on comprend ce qui lui est reproché. En réalité, ce
qui cloche, c’est que ce serviteur rend ce qu’il a reçu à l’identique, sans
l’avoir utilisé. Je cite :
« Mauvais serviteur, timoré ! […] Il te fallait donc
placer mon argent chez les banquiers : à mon retour, j’aurais recouvré mon
bien avec un intérêt ». (v.26-27)
Nous comprenons,
à travers la réaction du maître, que celui-ci ne se satisfait pas de récupérer
ce qu’il avait donné. Il avait une autre attente, une autre espérance.
En fait, ce
qu’il avait donné initialement, avait été confié à ses divers serviteurs dans
un but précis : être utilisé, être activé, pour en faire quelque chose de
nouveau.
Ce qui distingue
ce dernier serviteur des deux premiers, et même ce qui le différencie du
banquier (dont l’argent placé produit un intérêt), c’est que ce qu’il a reçu
n’a pas été employé et donc n’a rien produit : aucune récolte, aucun fuit.
On peut en
déduire une première conclusion :
Jésus nous
révèle, à travers cette parabole, que Dieu n’entend pas récupérer ce qu’il nous
confie, ce qu’il nous donne. Ce qui nous est donné est une grâce.
En revanche, ce
qu’il veut, c’est que nous le transformions. C’est que nous assumions nos
propres choix, par notre créativité, notre inventivité. Nous sommes là pour
créer notre vie, pour mettre à profit les potentialités qui sont en nous.
Ce qui est
attendu de notre Créateur – qui confie à chaque créature des talents, des dons
particuliers, des charismes différents – c’est que nous les employons pour en
faire quelque chose.
Du coup, cette
parabole nous interroge sur ce fait : avons-nous conscience des dons que
nous avons reçus dans notre vie ? Les utilisons-nous pour les transformer…
pour en faire quelque chose, pour nous-mêmes, pour les autres et pour le
monde ?
Le drame, mis en
scène par cette parabole (dans une sorte de jugement où le maître revient pour
faire le point avec ses serviteurs), se manifeste dans le fait de ne pas
utiliser ce qui a été donné :
Quel dommage
d’avoir reçu des trésors, des dons, des charismes, de ne pas les avoir
découverts et de ne pas les employer. Quel gâchis humain !
Malheureusement,
cette histoire n’est pas seulement une fiction. Nous savons que cela existe
réellement :
Ne nous
arrive-t-il pas de voir, autour de nous, des jeunes, des hommes et des femmes
qui ont des capacités, des dons, des potentialités, mais, qui, pour différentes
raisons, n’en font rien ?
C’est souvent parce que ces personnes ont rencontré
des obstacles : une éducation perturbée ou destructrice, une rupture
sentimentale ou professionnelle, l’épreuve de la maladie ou du deuil, ou autre
chose, qu’elles ont, en fait, abandonné tout projet de développement, de
transformation des dons qu’elles possèdent.
Souvent, ce qui
a fait « barrage » à l’utilisation de ces potentialités (de nos
propres potentialités), c’est une expérience difficile ou malheureuse, mais
c’est aussi la peur : peur des autres, peur de la souffrance, peur de
l’échec, peur du lendemain, peur de la mort, etc.
C’est le manque
de confiance en soi, en la vie, en Dieu… qui empêche ces personnes
d’entreprendre la transformation des dons reçus en quelque chose d’autre.
C’est d’ailleurs
un autre point souligné par la parabole. Car, elle appelle le lecteur / auditeur
à s’interroger sur la cause du comportement du « mauvais » serviteur :
pourquoi a-t-il agi ainsi ?
La
réponse nous est donnée par ses propres paroles : « Maître,
je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu
ramasses où tu n’as pas répandu ; par peur, je suis allé cacher ton
talent dans la terre : le voici, tu as ton bien. » (v.24-25)
S’il n’a rien
fait, s’il n’a pas agi, c’est par peur.
L’immobilisme du
serviteur (qui enfouit son talent, au lieu d’en faire usage) vient de son
manque de foi.
Ce manque de foi
vient de sa peur, de son angoisse face à l’échec.
Cette peur vient
de sa mauvaise image de Dieu.
Depuis le début,
cet homme ne croyait pas au « Bon Dieu ». Il croyait en un dieu juge,
capable de punir et de châtier… un dieu
finalement injuste et tyrannique, qui récolte là où il n’a pas semé.
Son immobilisme
est lié à sa peur viscérale, à sa crainte de la vie et de Dieu.
En d’autres
termes, ce dernier serviteur était complétement à côté de la plaque. Il s’est
trompé sur/de Dieu ; il s’est mépris sur l’intention profonde dans
laquelle un talent lui avait été confié.
Son manque de
foi, de confiance, fait qu’il a tout raté : il n’a pas utilisé son seul
talent. Il n’a fait preuve d’aucune créativité, aucune inventivité… pour la
seule raison qu’il est resté figé, bloqué, terrorisé.
Le paradoxe,
c’est que pour nous dire cela – pour nous révéler que Dieu n’est pas à l’image
de ce Dieu tyrannique imaginé par ce serviteur… mais qu’il est en réalité un
Dieu d’amour : le Dieu révélé par Jésus Christ – la parabole met en scène
un personnage qui est une sorte d’arbitre, une sorte de juge.
Il y a donc là
une sorte de paradoxe étonnant : la parabole met en scène un jugement pour
nous dire que Dieu – en fait – n’est pas un Dieu juge, mais un Dieu bon, qui
dispense ses biens gratuitement.
* Cela nous le
découvrons – et c’est le 2ème point – à travers la deuxième surprise
de la parabole, qui nous est livrée dans une sorte de leçon, de morale de
l’histoire. Je cite :
« Retirez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les
dix talents. Car à tout homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance ;
mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré » (v.28-29).
Le lecteur/
auditeur a de quoi être étonné par cette conclusion qui vient interroger, à la
fois, la logique et la justice :
Pourquoi donc
donner à celui qui a déjà ? Et retirer à celui qui avait déjà si
peu ? Cela peut nous sembler surprenant et même injuste.
(Sauf, bien sûr, si vous êtes un
ultra-capitaliste ou un trader… et que vous trouvez « juste » que les
plus riches s’enrichissent toujours davantage… et pourquoi pas sur le dos de
ceux qui n’ont pas grand chose… et qui finissent par perdre le peu qu’ils ont.
Mais – je vous rassure – cette parabole
n’a pas pour objectif de faire l’apologie du capitalisme, ni de la méritocratie.
C’est autre chose qui est en jeu.)
La surprise conclusive
reçoit une explication, quand on comprend que le talent confié dans un deuxième
temps, l’est, en réalité, selon le seul critère de la foi.
Celui qui avait
déjà des talents en reçoit davantage, non pas en raison de ses mérites – parce
qu’il aurait travaillé plus que les autres. Cela, nous ne le savons pas – mais
en fonction de sa foi :
C’est parce
qu’il avait « confiance », parce qu’il croyait en lui-même, en Dieu,
en la vie, qu’il a pu oser utiliser ses talents, s’en servir et les faire
fructifier, pour en produire de nouveaux.
Finalement, son
seul mérite : c’est d’avoir eu confiance en Dieu. Il croyait en un Dieu
d’amour, un Dieu bon, généreux et compatissant… et du coup il a eu confiance en
ses propres capacités. Il savait qu’il avait le droit à l’erreur, puisque Dieu
est bon. Cela lui a donné des ailes, pour avancer dans la vie et mettre à profit
ses propres potentialités.
Ce n’est évidemment
pas le cas du dernier serviteur, qui a enterré son seul talent par trouille, et
qui, du coup, l’a perdu pour lui-même et pour les autres.
Ainsi donc, on
pourrait reformuler la leçon de la façon suivante… en ajoutant dans le texte le
mot « confiance ». Ce qui clarifierait les choses :
« A tout homme qui a confiance, il
sera donné et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas
confiance, même ce qu’il a lui sera retiré ».
Cette
reformulation met en évidence le fait que la leçon de la parabole porte en
réalité sur la confiance : confiance en un Dieu bienveillant, confiance en
un Dieu qui nous donne les moyens de développer nos propres potentialités.
Il ne s’agit
donc pas d’une récompense, ni d’une punition de la part de Dieu (ou du Fils de
l’homme, qui donne ici le verdict). La parabole expose seulement les conséquences
logiques de la foi : Ce qui arrive aux serviteurs de l’histoire dépend
simplement de leurs propres choix.
Le dernier
verset l’explique encore de façon plus parlante (v.30), en disant que ce
serviteur se retrouve dans « les
ténèbres du dehors »… autrement dit, qu’il n’est pas entré dans le
royaume de la confiance.
Ce n’est pas que
Dieu (ou le Fils de l’homme) le punisse. C’est la conséquence de ses
choix : c’est lui qui a décidé de ne pas entrer dans ce règne de la
confiance.
Ainsi, n’ayant
rien fait, il s’est privé de ce qu’il a avait reçu.
La réalité,
c’est que ce serviteur n’a jamais accepté le don qui lui a été fait. Il n’a
jamais reconnu la générosité gratuite de son maître. Et du coup, il n’a pas
compris que ce qui était attendu de lui n’est pas de savoir combien de nouveaux
talents il serait capable de produire (donc pas une question de quantité), ni
même de savoir s’il pourrait rater ou réussir (donc pas une question de
qualité), mais c’était simplement d’oser utiliser ce qui lui avait été offert,
pour le transformer en quelque chose d’autre, pour réaliser de nouveaux talents
(donc une question de foi, de courage et d’audace).
La peur a bridé
sa créativité, sa capacité d’imaginer, d’innover et de se projeter.
* Tout cela,
chers amis, doit nous faire réfléchir :
Ne vivons-nous
pas, parfois, comme ce dernier serviteur, dans la peur : peur de Dieu,
peur de l’échec, peur de perdre, peur du lendemain ?
Malheureusement,
les medias et les discours pessimistes nous conditionnent souvent dans l’anxiété
et l’angoisse, dans la morosité et la peur de l’avenir, au lieu de nous ouvrir à
l’espérance et à l’inventivité.
Au contraire, c’est
à la foi que nous porte cette parabole, à travers l’exemple des deux
premiers serviteurs, qui croient en Dieu et en eux-mêmes... et qui, du coup, entrent
dans un espace de confiance qui leur permet de faire valoir les dons reçus,
leurs charismes, leurs potentialités.
Le message de
cette parabole est finalement simple : elle nous appelle à la confiance.
Dieu nous aime ; il nous offre ses
dons pour les utiliser et les faire croître.
La seule
question qui vaille est de savoir si nous lui faisons vraiment confiance. Et,
parallèlement, si nous nous faisons confiance, car cela fonctionne ensemble.
Soyons assurés,
chers amis, que, non seulement, Dieu donne à chacun des talents insoupçonnés
que nous sommes appelés à découvrir et à faire émerger, mais, plus encore,
qu’il nous donne les moyens de les développer et de les faire croître, pour peu
que nous lui fassions confiance.
C’est précisément
ce qu’a vécu Jésus et c’est la raison pour laquelle il a fait des choses si
extraordinaires : il laissé Dieu agir en lui. Il lui a fait totalement
confiance.
C’est cette même
foi – cette foi de Jésus Christ – que
nous sommes appelés à vivre et à incarner chaque jour, afin de laisser le
Christ naître en nous.
Amen.
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