dimanche 11 septembre 2022

La conversion selon Luc15

 Lectures bibliques : Lc 11, 34-36 ; Lc 15, 1-32

Thématique : se laisser convertir et changer de regard

Prédication de Pascal LEFEBVRE – 11/09/22 – temple du Hâ – Bordeaux 


Nous connaissons bien ces passages de l’Évangile de Luc, qui traitent, entre autres, du thème de la conversion. 


Il y est d’abord question de l’image que nous avons de Dieu.


La bonne nouvelle de l’Évangile – transmise par le biais des paraboles – consiste en premier lieu en la présentation de Dieu, comme une Force d’Amour, quelqu’Un de bon et de miséricordieux… qui nous appelle à adopter la même attitude que Lui, dans notre rapport à autrui. 


* Dans la parabole de la brebis perdue et retrouvée, Dieu est présenté comme celui qui porte attention à ses brebis.

Il prend soin de chacune d’entre elles, au point d’aller à la recherche de celle qui s’est égarée, de la porter sur ses épaules. 

Et ils se réjouit avec tous de l’avoir retrouvée.


La conclusion de la parabole, ne porte pas seulement sur Dieu et la joie dans le ciel, mais sur le fait que cette joie est provoquée par la conversion – le retour à la maison – de la brebis perdue. Puisque celle-ci est revenue avec le troupeau sur le bon chemin : celui de la relation avec Celui à qui elle appartenait. 


La parabole présente Dieu à la manière d’un Bon Berger – ce qui n’est pas nouveau (on peut penser au Ps 23) – mais l’accent porte ici sur la nécessité de la conversion : l’auditeur est invité à changer d’état d’esprit, changer de regard. 


Cette parole s’adressait initialement aux auditeurs de Jésus… à commencer par ceux qui peuvent se penser « justes », comme les Pharisiens et les Scribes, du fait qu’ils accomplissaient les prescriptions de la Loi et qu’ils avaient sans doute une bonne moralité. 


Mais, tout cela ne suffit pas… et ne veut pas forcément dire grand-chose. 

Le regarde Jésus porte sur le cœur… au-delà des apparences. 

La justice ne vient pas seulement de la réalisation d’actes extérieurs (apparents), encore moins d’actes religieux prétendument salutaires. 

Mais de l’intentionnalité, de l’ouverture du cœur, de la pureté du regard. 


Jésus dira ailleurs que la lampe du corps, c’est l’œil (cf. Lc 11, 34-36).

Je cite : « quand ton œil est sain, ton corps tout entier est aussi dans la lumière ».

Il est question de s’examiner, pour voir si notre lumière intérieure ne risque pas d’être polluée par quelques zones d’ombre, capables de nous égarer. 


Il est donc question de purifier l’intérieur, plutôt que de s’arrêter à l’extérieur et aux apparences.

L’auditeur de la parabole est appelé à changer quelque chose… et peut-être à se voir, lui aussi, comme quelqu’un qui peut parfois s’égarer… qui a besoin de convertir son regard… et d’être aussi plus indulgent avec les autres… n’étant pas à l’abri, lui-même, de faire fausse route. 


La brebis perdue et retrouvée est celle qui a pu prendre conscience de son éloignement – du fait de la vigilance de son maître, qui vient à sa rencontre.

Reconnaissant son égarement dans les ténèbres, sur de mauvais chemins… elle décide – à l’appel du Berger – de revenir à lui… de reprendre le chemin de la relation à Dieu. 


* La parabole de la pièce perdue et retrouvée, double la thématique et permet la même conclusion :


Dieu est présenté comme Celui qui espère toujours.

Il croit en nous… puisqu’il espère retrouver la pièce… comme la brebis, ou le fils perdu.  


L’espérance de Dieu est inscrite dans sa patience et sa persévérance. Et vous remarquerez que Dieu est ici comparé à une femme qui cherche sans relâche : Elle allume la lumière… elle remue ciel et terre… toute la maisonnée… pour retrouver ce qui est égaré.

Dieu est celui / ou plutôt celle / qui cherche inlassablement. 


Avoir été retrouvé signifie revenir dans une relation avec celui (ou celle) qui cherche.

La restauration de cette relation conduit à la joie partagée avec les autres. 


* La parabole du fils prodigue est la plus connue.

Celui qui s’égare – le fils prodigue – est présenté comme celui qui s’éloigne, dissipe son bien dans une vie de désordre, et se retrouve misérable. 


La conversion est présentée comme un travail d’introspection, qui commence par une prise de conscience : celle du péché… présenté ici comme un éloignement. 


La cause initiale de l’éloignement n’est pas explicitée.

Nous ne savons pas pourquoi le plus jeune fils décide au départ de partir, pour faire sa vie loin de son père : 

Est-ce parce qu’il n’a pas confiance en celui-ci ? 

Est-ce parce qu’il se fait des idées sur son père et ne se sent pas libre ?

Est-ce que c’est parce qu’il croit que l’herbe est plus verte ailleurs ?... qu’il sera plus heureux en vivant en toute autonomie : en étant à lui-même sa propre loi ?


N’est-ce pas la prétention de tout être humain de pouvoir se réaliser par lui-même ? 

De ce point de vue, nous sommes tous des enfants prodigue. 


Quoi qu’il en soit – au cours de son périple – les choses se gâtent : l’indigence dans laquelle il se retrouve, lui rend finalement sa lucidité.


La conscience du péché est présentée ici comme une douleur physique et morale.

La souffrance liée à la pauvreté, lui permet d’ouvrir les yeux. 


L’homme rentre en lui-même, pour réaliser un constat d’échec.

Alors que la richesse de l’héritage et des biens de son père, mêlée à sa prétention d’autonomie, l’avait aveuglée… il finit par se rendre compte de son illusion, de ce qu’il a perdu, de son égarement. 

L’éloignement du père, l’a conduit sur un chemin d’errance. 


Il éprouve alors un sentiment d’indignité… il réalise qu’il a gâché quelque chose… qu’il est à côté de la plaque.

C’est cela le péché : prendre conscience qu’on est à côté de la plaque ! que les choses auraient pu être autrement, si seulement on avait agi différemment.   


Par calcul, parce qu’il faut bien manger… ou par désir sincère de changement… – on ne sait pas très bien – il décide de revenir à son père.


Quand le changement d’état d’esprit débouche sur une décision : c’est une conversion !

Ce qui est sûr, c’est que la misère lui a permis d’apprendre l’humilité. 


Comme dans les autres paraboles, l’attitude du père – figure de Dieu - est exemplaire :

Il est celui qui attendait secrètement le retour de son fils. 

Il ému aux entrailles lorsqu’il l’aperçoit.  

Il accueille son fils cadet sans un mot de reproche

Sans se soucier des convenances, il se jette à son cou et le couvre de baisers. 


Le fils repentant n’a même pas le temps de dire tout ce qu’il avait préparé intérieurement, que son père – dans sa joie – souhaite le couvrir de la plus belle robe, et organiser une fête pour son retour. 


La conversion, synonyme de changement, de retournement, est définie ici comme un retour à la vie : « mon fils que voici était mort - dit-il - et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé. » 


Retrouver le chemin de Dieu – qui nous accueille toujours dans sa bonté : tel est l’enjeu de ces paraboles. 

Ce cheminement commence par un regard honnête porté sur soi : accepter de s’examiner… regarder sa situation en face… en vue de retrouver le lien, de restaurer une véritable relation avec notre Père céleste. 


Le cheminement du fils prodigue n’a pu se réaliser qu’au prix de cet examen de conscience, d’une ouverture du cœur, d’un regard lucide sur lui-même… nécessaire pour restaurer la confiance que lui-même avait perdue.


La conversion est présentée ici comme une réorientation, qui permet un retour à la vie.


En ce sens, je voudrais vous citer quelques phrases d’un ouvrage du théologien André Birmelé – L’horizon de la grâce – qui définit la conversion (p.260-261). 

Pour lui, c’est le souffle de l’Esprit saint qui est à l’origine de nos conversions : il nous permet de prendre conscience de nos illusions. 


« L’Esprit saint dévoile la raison dernière de l’expérience humaine du néant et de l’illusion humaine, le péché qui conduit à la mort. […]


Ce faisant, le saint Esprit convertit les humains à Dieu. 

Conversion ne signifie ni retour en arrière, ni apologie d’un passé idéalisé. La conversion est ré-orientation. […] C’est le chemin de retour vers Dieu, une absolue nécessité de tout itinéraire chrétien. 

La conversion libère les croyants de leur besoin d’autoréalisation qui les condamne à tourner sur eux-mêmes. 


Pardonnant les péchés, l’Esprit de Dieu décentre les croyants d’eux-mêmes et leur confère une identité nouvelle. 

Il est l’Esprit de l’ex-centricité qui fait prendre conscience de la présence du Christ et des possibilités que Christ nous donne ici et maintenant. 

La vie dans l’Esprit, vie du pécheur pardonné, est un incessant retour vers Dieu, une réorientation constante. […]

En faisant entrer les croyants dans cette nouvelle réalité qui est communion avec et en Dieu, le saint Esprit réalise ici et aujourd’hui le salut, offert une fois pour toute en Christ. 

Une fois encore, il ne s’agit de rien d’autre que de la réalité de l’amour de Dieu. […]


Ce faisant, [le saint Esprit] rend les humains capables d’amour, capables de mener une vie exprimant la volonté de Dieu. […]

Aimé de Dieu, le croyant […] découvre sa véritable identité [d’enfant de Dieu] et devient capable d’aimer, de se donner entièrement à l’autre et aux autres, sans toutefois perdre son identité, mais en la redécouvrant constamment ». 


Enfin, pour finir, la parabole de Luc, nous donne de voir la réaction et la résistance du fils ainé :


Celui-ci se met en colère, parce qu’il ne comprend pas la miséricorde du père. Il ne parvient pas entrer dans la joie de la communion avec ses proches.  


Dans sa droiture, sa rigidité, le fils ainé – homme de devoir – a aussi besoin de conversion : Il a besoin de changer de mentalité et d’ouvrir son cœur à l’amour inconditionnel de Dieu. 


Les paroles du père, lui font comprendre que cette communion a toujours existé : « Mon enfant… toi tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi »

Il lui rappelle que l’accueil inconditionnel de son frère ne lui enlève rien.  Il l’invite à entrer dans la joie d’une relation de confiance retrouvée.


Il est donc question partout dans notre passage de changement d’état d’esprit et d’ouverture du cœur :

  • - C’est ce qu’a dû accomplir le fils prodigue, pour réaliser son éloignement et son égarement. 
  • - Celle que devra accomplir le fils ainé, pour entrer dans la joie miséricordieuse de son père.


La conversion n’est rendue possible que par l’accueil de l’Esprit saint… qui permet une modification du niveau de conscience, l’entrée dans une nouvelle mentalité et l’adoption d’un autre comportement. 


Elle est rendue possible par l’attitude du maître ou de père – c’est-à-dire de Dieu lui-même – qui accueille inlassablement le pécheur. 


La bonne nouvelle de ces paraboles, c’est bien sûre d’affirmer que Dieu nous aime quoi qu’il arrive… qu’il n’est jamais trop tard pour revenir à lui. 

Mais le chemin de la conversion nécessite aussi un travail d’intériorité, de retour en soi, de remise en question. 


La conscience du péché… c’est-à-dire d’un éloignement… capable de causer une souffrance… est présentée comme une condition nécessaire à la réorientation du croyant. 


C’est précisément sur ce terrain que Jésus veut amener ses auditeurs : 

Il veut conduire les Pharisiens et les Scribes à élargir leur cœur. Mais également les collecteurs d’impôts et les pêcheurs à changer de mentalité et de comportement, pour revenir à Dieu. 


* Aujourd’hui, au 21e siècle, le mot « conversion » n’est pas très à la mode. On l’emploie essentiellement, actuellement, pour parler de « conversion écologique » : ce qui implique la nécessité d’une prise de conscience et d’une transformation collective. 


Je ne m’étendrai pas sur le sujet de l’écologie ce matin, car les médias nous en parlent quotidiennement.  

Ce qui qui doit nous intéresser dans ce mouvement, c’est le processus de la conversion : 

Accueil du Saint esprit… permettant …

  • - Prise de conscience
  • - Ouverture du cœur
  • - Changement et réorientation… car cette dynamique doit aboutir à une décision. 


Tout cela est inspiré par la foi, par la confiance que Dieu nous aime, qu’il nous accueille quoi qu’il arrive… et qu’il nous offre la capacité et la force de changer. 


Cette espérance d’un changement possible se fonde sur l’espérance de Dieu lui-même, qui croit toujours en nous. 

Le croyant est ainsi conduit, inlassablement, à entrer dans la nouveauté de l’amour de Dieu. 


Retenons donc, chers amis, que c’est l’Esprit saint qui permet la conversion. 

C’est lui qui vient ouvrir notre conscience pour la réorienter. 


Le travail qui nous revient : c’est d’ouvrir notre cœur, pour nous mettre à l’écoute de son appel, et recevoir son inspiration. 


C’est l’enjeu de la foi chrétienne : s’ouvrir à la confiance de Dieu, ouvrir notre esprit et notre cœur à son Esprit saint, à son Souffle, pour se laisser transformer par Lui. 


Oui… laissons-nous transformer par Dieu… qui nous donne une intelligence nouvelle ! (cf. Rm 12,2).


Amen. 

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