dimanche 23 octobre 2022

Lc 19, 1-10

 Lectures bibliques : Ac 20, 17-24 & 33-35 ; Lc 19, 1-10 (voir en bas de cette page) 

Thématique : le bonheur de Zachée et le nôtre…

Prédication de Pascal LEFEBVRE -  le 23/10/22 - Bordeaux (temple du Hâ)


* Celles et ceux qui ont gardé quelques souvenirs de l’école biblique ou du catéchisme, connaissent forcément cette petite histoire de la rencontre de Jésus avec Zachée ! 

C’est un bref récit (10 versets) qu’on peut appréhender à différents niveaux… mais surtout c’est une jolie histoire qui finit bien… et qui est très accessible pour les enfants. 


« Aujourd’hui, le salut est venu pour cette maison ! » dit le Christ.


Quel bonheur pour Zachée ! Et quelle bonne nouvelle pour son entourage !


Et pourtant – à bien y regarder – les choses n’étaient pas gagnées d’avance pour le riche Zachée, qui souffrait d’un triple handicap :


  • - D’abord - nous dit le texte - il est un collecteur d’impôts, il est même le chef des collecteurs de taxes. Il est certes un homme puissant et craint, mais il travaille pour l’occupant romain. Il est donc considéré (pour les Juifs de Judée) comme un « collabo », voire un traitre aux yeux de ses coreligionnaires. C’est donc un homme seul, méprisé, qui vit en marge de la communauté juive. Il est vu comme un « impur » ou un « pécheur », quelqu’un qu’il ne faut mieux pas fréquenter. 


  • - Deuxième handicap : il est riche ! Bien sûr, ce n’est pas forcément un handicap sur le plan matériel - me direz-vous. C’est vrai !… Bien qu’on ne sache pas trop comment il a acquis cette richesse : est-ce parce qu’il prend des commissions ou des marges sur les impôts qu’il collecte ? est-ce honnêtement ou plutôt malhonnêtement (de façon illicite) : on ne sait pas trop. Mais la richesse risque d’être un handicap, sur le plan spirituel. 


Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Jésus qui le rappelait aux disciples dans l’épisode précédent (cf. Lc 18, 18-30) : « Qu’il est difficile – disait-il – à ceux qui ont des richesses de parvenir dans le Royaume de Dieu ! Oui, il est plus facile à un chameau d’entrer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ». Ce genre d’affirmation a dû effrayer les auditeurs de Jésus. Pourtant, on peut comprendre qu’une personne riche est forcément préoccupée par la gestion de ses biens… et souvent par le désir d’en avoir toujours plus. Du coup, l’avidité guette… et surtout le manque de temps et de disponibilité pour s’intéresser aux réalités du règne de Dieu, aux valeurs du monde nouveau de Dieu. Alors, oui, pour Jésus, la richesse peut être un handicap spirituel… et même un obstacle quand elle devient une fin, plutôt qu’un moyen. 


  • - Enfin, troisième handicap, physique cette fois. L’évangéliste précise que Zachée est « de petite taille ». Il est possible qu’il ait souffert de ce handicap physique… qu’il a peut-être essayé de compenser par un désir de reconnaissance, un engagement professionnel important, et un poste de pouvoir… pour lutter contre le fait de se sentir petit, et peut-être jamais « à la hauteur ». D’ailleurs, il est obligé de grimper sur un arbre pour voir Jésus. 


Les choses n’étaient donc pas gagnées pour Zachée. 

Luc laisse même entendre qu’il faisait partie des causes perdues :


« En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdu » (v.10)


Zachée était donc perdu : 

Il était un « winner » sur le plan matériel et économique, mais un « looser » sur le plan relationnel et spirituel : seul, méprisé de tous, sans ami… séparé des autres et séparé de Dieu, puisque étant exclu de la communauté, il était aussi en marge de la vie cultuelle et religieuse. 


Mais voilà que tout change grâce à cette rencontre avec Jésus. 


Jésus prend l’initiative : l’initiative de la rencontre, l’initiative du bien… 

Contre toute attente, et au risque d’essuyer des critiques et des reproches de tous les bons juifs pieux et des religieux autour de lui… au risque d’être mal vu et considéré, à son tour, comme « impur », Jésus décide de s’inviter chez celui qui est repoussé de tous, le paria de service, le petit chef des collecteurs d’impôts. 


Jésus fait donc quelque chose d’extraordinaire, au sens de « tout à fait inhabituel ». 

En prenant cette initiative, il crée le changement. 

Il manifeste la grâce de Dieu. 


Pour la 1ère fois, Zachée se sent enfin reconnu et digne : il se sent être, lui aussi, un « enfant de Dieu », « un fils d’Abraham », au même titre que les autres, reconnu sans condition, pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il fait. 


Il se sent digne, malgré l’indignité que les autres projetaient sur lui. Car c’est Jésus, le maître, le guérisseur, le « fils de David » comme l’appelait l’aveugle de Jéricho (dans l’épisode précédent), c’est l’Homme de Dieu qui vient loger chez lui. 


Qu’elle bonne nouvelle pour lui ! et quelle joie !


Cette reconnaissance est même contagieuse :


Il reçoit cette visite à domicile du Christ, comme un don, un cadeau de Dieu. 

Et le fait d’être reconnu gratuitement, à part entière… le fait de recevoir toute la bienveillance et la compassion du Christ… le transforme. 

A son tour, il devient bienveillant.


Il se passe donc quelque chose d’inattendu… d’inespéré… un changement radical :  

Quelque chose s’ouvre et se libère. 

A son tour, il ouvre son cœur et son porte-monnaie… il dévient généreux… et il décide de donner aux pauvres la moitié de ses biens. 


Et Jésus de s’exclamer : « Aujourd’hui, le salut est venu pour cette maison ! »


* Le mot « salut » : « salvus » en latin, peut être traduit par « guéri » 

Le salut, c’est la guérison, la libération, la délivrance, qui sont venus chez Zachée.


Mais, à bien y regarder, on peut se poser la question :

Quel est donc, précisément, ce salut qui est entré dans la maison de Zachée ?


Il y a sans doute plusieurs niveaux de réponse :


Le salut, c’est d’abord Jésus – le porteur du Souffle de Dieu – qui est entré chez lui, et qui apporte cette guérison… comme un vent de nouveauté.  


Le salut qui est entré avec Jésus dans cette maison, c’est justement cette nouvelle mentalité que Zachée va recevoir et adopter aussitôt : la mentalité du don et du partage. 


Expérimentant le don de Dieu – le bonheur du don de Dieu – il veut donner en retour. 

Il entre dans la nouvelle mentalité du règne de Dieu : c’est comme une conversion !


Le salut, c’est donc le monde nouveau de Dieu qui est entré dans cette maison avec Jésus. 


C’est le résultat d’une transformation, d’une conversion. 

Recevant toute la considération et l’amour du Christ, Zachée se libère et s’ouvre à l’amour. 


Finalement, c’est comme si le geste gratuit du Christ était contagieux… comme si l’amour du Christ lui donnait des ailes… puisque Zachée va devenir un homme bon et généreux. 


* Alors, pour nous, 2000 ans plus tard… que pouvons-nous retenir de ce récit bien connu… quelles pourraient être les conséquences de cette belle histoire, de cette bonne nouvelle ? 


  • - D’abord que, nous aussi (comme Zachée), nous pouvons prendre conscience et recevoir l’amour du Christ dans notre vie. Cet amour nous transforme et nous convertit. Il fait de nous des personnes meilleures, plus libres, plus confiantes, plus généreuses, plus aimantes. 


Le « Bien » dans notre vie vient par la renaissance de l'amour, par la bonté, la liberté, le pardon, la paix, et l'intelligence spirituelle.


Pour nous laisser transformer par Dieu, chaque jour, nous devons prendre conscience de l’amour et de la confiance qu’Il nous fait… pour l’accueillir dans notre vie…  pour nous l’approprier, et pour la transmettre à notre tour. 


La confiance en Dieu, c’est une confiance qui engage : c’est, bien sûr, la foi, l’assurance de la fidélité et de l’amour de Dieu, mais c’est aussi l’accomplissement du Bien auquel il nous appelle : la foi et l’accomplissement du bien sont inséparables. 


  • - Deuxième point, nous voyons que tout se passe pour le mieux pour Zachée, depuis qu’il a rencontré Jésus…. Mais ça n’a pas toujours était le cas dans sa vie d’avant… et ce n’est pas toujours le cas pour nous non plus. 

Nous traversons aussi, à certains moments, des passages difficiles, des temps d’épreuve ou de solitude. 


On voit bien que la rencontre avec le Christ a été un élément déterminant, pour cet homme riche mais mal-aimé… Jésus a été le vecteur d’une transformation…mais, à bien y réfléchir, ce changement aurait pu se produire bien avant, si Zachée avait pris un peu de recul sur sa vie.  


N’est-ce pas la même chose pour nous ? 


Parfois, nous sommes insatisfaits de certains aspects de notre vie, comme Zachée devait l’être avant de rencontrer Jésus. 


Mais alors, pourquoi n’a-t-il rien fait pour changer les choses, plus tôt ? 


Personne n’est cantonné au malheur !

Si nous sommes malheureux dans telle ou telle situation, qu’est-ce qui nous interdit d’en prendre conscience et d’essayer de changer les choses ?


C’est peut-être le manque de foi… le manque d’imagination… le manque de courage… peut-être un peu de tout cela… ou le poids de la routine… qui fait que nous résignons à accepter certaines choses même insatisfaisantes.  


Mais, nous qui savons que Dieu nous aime, qu’est-ce qui nous interdit de faire comme le Christ, c’est-à-dire de tenter quelque chose de nouveau, de sortir de nos habitudes, de tester quelque chose de différent. 


C’est bien cela qui a été déclencheur pour Zachée : le Christ a agi différemment de tous les autres… et du coup, Zachée a agi, lui aussi, autrement. 


En fait, Jésus a juste appliqué la règle d’or : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites le vous-mêmes d’abord pour eux »… et il a pris l’initiative du bien… pour susciter du changement. 


Le récit de cette rencontre nous invite donc à suivre le Christ pour nous inscrire dans la nouveauté… capable de nous ouvrir au bonheur. 


* Voyez-vous cette semaine – justement – nous avons partagé sur la thématique du « bonheur » avec le groupe de jeunes (18-25 ans). 


Et nous nous sommes posé la question : qu’est-ce que c’est vraiment le bonheur ?... pour nous… pour moi ?

Qu’est-ce qui me rend vraiment heureux dans cette vie ? 


Est-ce que je peux seulement être heureux quand tout se passe comme prévu ?... ou est-ce que je peux choisir d’être heureux, malgré tout… malgré – parfois – des événements contraires ? 


Quelqu’un a écrit : "Le bonheur c’est parfois de regarder la vie autrement."

"Le bonheur est un état d'esprit. Il s'agit de la façon dont vous regardez les choses." (Walt Disney)


C’est en permanence ce que fait le Christ : il regarder les gens et les choses autrement… et de ce fait, il ouvre des portes, il surmonte les préjugés, les jugements hâtifs, les déterminismes et les destins mortifères. 


En écoutant le Christ – qui rappelle inlassablement que nous sommes aimés et soutenus par Dieu, quelle que soit notre situation – nous pouvons nous dire que le bonheur est à notre portée. 


Peut-être le ressentons-nous dans notre vie à certains moments… ou peut-être pas ? 

Nous sommes parfois comme le Zachée d’avant, seul et un peu perdu… et parfois, comme le Zachée d’après : sauvé et généreux !


Alors deux questions peuvent surgir pour éclairer notre quotidien : 


Si, parfois, je me sens insatisfait…

  • - Qu’est-ce que je fais pour augmenter le bonheur dans ma vie ?
  • - et surtout, qu’est-ce que je fais pour augmenter le bonheur dans la vie des autres autour de moi ? … dans la vie des personnes qui me sont chères ? 


Car la certitude que nous donne l’Evangile, c’est que le bonheur, c’est comme le salut : c’est contagieux !

Si je donne du bonheur autour de moi, je vais forcément en récolter. 

C’est ce que Zachée est en train de découvrir. 


Édouard Pailleron, un poète et dramaturge du 19e siècle (qui a occupé un poste à l’académie française) a écrit : « Le seul bonheur qu'on a vient du bonheur qu'on donne ». 


Je ne sais pas s’il était chrétien, ni même s’il connaissait le Nouveau Testament. Mais il n’était pas très loin de cette citation de Jésus dans le livre des Actes des apôtres. L’Apôtre Paul écrit : 

« Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir ! » (Ac 20,35). 


Pour Paul, l’apôtre des Nations, le bonheur, c’était de s’engager pour autrui, c’est de donner, de transmettre, c’était d’aimer… et, bien sûr, c’était, certainement aussi, d’être aimé, en retour. 


Albert Schweitzer écrivait lui aussi : "Le bonheur est la seule chose qui se double si on le partage."  

Précisément, Jésus nous montre qu’il faut être audacieux pour faire du neuf… pour entrer dans cette nouvelle mentalité du don. 

Comme il le dit dans l’évangile, « on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres… mais dans des outres neuves » (Lc 5, 37-38). 


Ça signifie qu’il faut avoir l’audace de changer des choses, si on veut obtenir des résultats différents et nouveaux. 


C’est une leçon pour nous et pour notre monde. Car il y aurait tant de choses à changer !... pour que les hommes et les femmes soient un peu plus heureux sur notre terre… et parfois, ça commence avec un petit rien… un geste ou une parole nouvelle !


C’est cette nouveauté que Jésus inaugure… lui qui vient toujours à contre-courant des mentalités primitives ou des habitudes ancestrales… pour proposer du neuf. 


C’est ce qu’il a fait avec Zachée en s’invitant simplement chez lui. 


* Participer au salut que Dieu nous offre, c’est « entrer dans cette nouvelle mentalité » qui nous appelle à faire advenir quelque chose de vraiment nouveau dans notre monde. 


Cette nouveauté ne peut naître que des actes bons, inspirés par l’amour de Dieu. 

Mais il nous revient d’avoir le courage de les mettre en place dans notre vie et de les expérimenter autour de nous… même s’ils sont à contre-courant. 


Je terminerai cette méditation par une dernière citation sur le bonheur, celle de Baden Powell, le fondateur du scoutisme, qui était un homme original, qui n’a pas eu peur de faire confiance à la jeunesse et de tester des comportements nouveaux. 


Il écrivait ou disait : « Le bonheur ne vient pas à ceux qui l’attendent assis ». 

Et il avait raison !


Le Seigneur nous relève et le Seigneur nous envoie : 

il nous relève et nous envoie pour faire advenir le monde nouveau de Dieu… en initiant la nouvelle mentalité du don et du don de soi… que Jésus nous a transmise, afin de propager partout le salut de Dieu… et le bonheur de donner et d’aimer !


Amen. 



Lectures bibliques : Ac 20, 17-24 & 33-35 ; Lc 19, 1-10 


Ac 20, 17-24 & 33-35 

17 Paul envoya un message de Milet à Éphèse pour en faire venir les anciens de l'Église. 

18 Quand ils furent arrivés auprès de lui, il leur parla en ces termes : « Vous savez comment je me suis toujours comporté avec vous, depuis le premier jour de mon arrivée dans la province d'Asie. 

19 J'ai servi le Seigneur en toute humilité, dans les larmes et les peines que j'ai connues à cause des complots des Juifs. 

20 Vous savez que je n'ai rien caché de ce qui devait vous être utile : je vous ai tout annoncé et enseigné, en public et dans vos maisons. 

21 J'ai appelé les Juifs et les gens des autres peuples à se convertir à Dieu et à croire en notre Seigneur Jésus. 

22 Et maintenant, je me rends à Jérusalem, comme l'Esprit saint m'oblige à le faire, et j'ignore ce qui m'y arrivera. 

23 Je sais seulement que, dans chaque ville, l'Esprit saint m'avertit que la prison et des souffrances m'attendent. 

24 Mais ma propre vie ne compte pas à mes yeux ; ce qui m'importe, c'est d'aller jusqu'au bout de ma mission et d'achever la tâche que m'a confiée le Seigneur Jésus : proclamer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. […]

32 Et maintenant, je vous remets à Dieu et à la parole de sa grâce. Elle a le pouvoir de vous fortifier dans la foi et de vous accorder l'héritage qu'il réserve à tous ceux qui lui appartiennent. 

33 Je n'ai désiré ni l'argent, ni l'or, ni les vêtements de qui que ce soit. 

34 Vous savez vous-mêmes que j'ai travaillé de mes propres mains pour gagner ce qui nous était nécessaire pour ceux qui m'accompagnaient et pour moi. 

35 Je vous ai montré en tout qu'il faut travailler ainsi pour venir en aide aux personnes faibles, en nous souvenant de ce que le Seigneur Jésus a dit lui-même : “Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir !” »


Luc 19, 1-10 

1 Jésus entra dans Jéricho et traversait la ville. 

2 Il y avait là un homme appelé Zachée ; c'était le chef des collecteurs d'impôts et il était riche. 

3 Il cherchait à voir qui était Jésus, mais comme il était de petite taille, il n'y arrivait pas à cause de la foule. 

4 Il courut alors en avant et grimpa sur un arbre, un sycomore, pour voir Jésus qui devait passer par là. 

5 Quand Jésus arriva à cet endroit, il leva les yeux et dit à Zachée : « Dépêche-toi de descendre, Zachée, car il faut que je demeure chez toi aujourd'hui. » 

6 Zachée se dépêcha de descendre et le reçut avec joie. 

7 En voyant cela, tous critiquaient Jésus ; ils disaient : « Cet homme est allé loger chez un pécheur ! » 

8 Zachée, debout devant le Seigneur, lui dit : « Écoute, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai pris trop d'argent à quelqu'un, je lui rendrai quatre fois autant. » 

9 Jésus dit à son propos : « Aujourd'hui, le salut est entré dans cette maison, parce que lui aussi est un descendant d'Abraham. 

10 Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. »




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