dimanche 9 octobre 2022

Mc 10, 13-31

 Lecture biblique : Marc 10, 13-31 (voir en bas de cette page)

Thématique : faire du vide pour entrer dans le monde nouveau de Dieu

Prédication de Pascal LEFEBVRE – 09/10//2022 / Bordeaux – temple du Hâ


« Bon Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage ? » (v.17)


La « vie éternelle » dans la Bible, ce n’est pas seulement une vie sans fin, une vie pour après, après la mort… comme nous avons tendance à le penser… mais plutôt une vie sauvée, la vie qu’on mène dans le monde de Dieu… et cela peut commencer ici et maintenant, dans la vie présente… même, si bien sûr, nous avons l’espérance que cette vie présente – si elle est en lien avec Dieu, avec l’éternité de Dieu – puisse se prolonger sous une autre forme dans l’au-delà.  


Il y a donc une sorte de malentendu dans la question posée :


  • - Nous serions en droit de l’entendre pour aujourd’hui : comment avoir accès, dès maintenant, à la vie véritable ? à la vie pleine et entière que Dieu propose ? 


  • - Mais la question semble formulée au futur, pour un avenir lointain : l’homme riche demande ce qu’il faut « faire » pour « hériter » la vie éternelle… pour la « recevoir ».


Il imagine que l’accès à cette vie dans le monde de Dieu, est pour après… et que son accès sera le résultat de son « agir »… comme un mérite, une récompense, à obtenir… pour ainsi dire, au paradis, s’il a bien agi. 


Or, dans la suite du dialogue avec les disciples, la réponse de Jésus est claire : ce n’est pas par un « faire » qu’on peut arracher son salut. C’est un don de Dieu !


A la question « qui peut être sauvé ? » Jésus répond : « Aux hommes, c’est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu. » (v.27)



Le problème de cet homme, c’est qu’il pense que les actes ou la religion (comprise comme un « faire », un « agir » religieux, comme le fait d’accomplir la Loi et les commandements) peut le sauver… alors que Jésus dit partout dans l’Evangile qu’il ne s’agit pas de « faire » mais de « vivre »… qu’il ne s’agit pas de religion mais de spiritualité… autrement dit, qu’il s’agit d’abord d’entrer dans une relation de confiance avec Dieu… entrer dans une nouvelle manière de vivre.


C’est la foi – comme relation personnelle avec Dieu – qui nous permet de vivre et de réaliser de bonnes choses (des œuvres bonnes)… mais ce n’est pas un « faire » (un « agir ») qui nous permet de « mériter » une récompense, fut-elle éternelle. 


Nous en avons partout des traces dans l’évangile, lorsque Jésus dit à telle ou telle personne rencontrée sur son chemin (y compris des individus considérés comme malades, impurs ou pécheurs) : « t’a foi t’a sauvé » ! 

Il signifie à son interlocuteur que la relation de confiance, dans laquelle celui-ci est entré, lui ouvre un chemin salutaire : un chemin de libération et de guérison. 


C’est aussi ce chemin qu’il propose au jeune homme riche : 

vivre la loi d’amour (de Dieu et du prochain) et entrer dans la confiance, en se libérant de ses attachements, de tout ce qui le préoccupe, à commencer par ses biens et son argent, qui prennent toute la place. 


Parce que Jésus a deviné, en le regardant et en l’aimant, que c’est cela dont il a besoin ; c’est cela qui fait barrage chez lui : sa richesse qui capte son attention et son énergie. 


Pour réaliser ses vraies aptitudes et toutes ses possibilités, il lui propose d’accepter d’ouvrir les mains, pour pouvoir ouvrir son cœur… il l’appelle à donner largement, pour se libérer et se dépréoccuper…  il lui propose de changer quelque chose, pour quitter ses soucis et se rendre disponible à Dieu… il l’invite à franchir le pas de la confiance, en acceptant un lâcher-prise radical… en acceptant d’abandonner ses biens et sa richesse, qui le retiennent captif. 


En d’autres termes, le Christ propose à cet homme de laisser derrière lui, à la fois, ses biens et ses acquis religieux, pour entrer libre dans cette vie nouvelle, en marchant à sa suite. 


Bien sûr, cela n’a rien de facile… et le dialogue qui suit le montre : « Qu’il est difficile à ceux qui ont les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » (v.23). 


Cette affirmation interroge forcément les auditeurs de l’évangile. 


Précisément … Qu’en est-il pour nous ?


Y a-t-il des choses dans notre vie ou notre quotidien – des attachements – qui nous empêchent d’avancer sur notre chemin spirituel, dans notre relation de confiance avec Dieu ?


N’aurions-nous pos besoin, nous aussi, de faire du vide… de nous libérer de certaines choses… pour entrer dans le règne de Dieu, le monde nouveau que Dieu nous propose ?


Ne devrions-nous pas, nous aussi, tourner la page… et laisser des choses derrière nous ?... des choses qui « mangent » notre temps et « captent » notre énergie… des choses qui nous empêchent d’entrer dans cette vie véritable – cette vie nouvelle – avec le Seigneur ?


Car ce passage de l’évangile nous le montre :

Entrer dans une nouvelle manière de vivre fondée sur la confiance et l’amour de Dieu, implique un lâcher-prise… 

il faut accepter de changer la nature de notre trésor… puisque « là où est notre trésor, là aussi est notre cœur » (cf. Mt 6,21). 


Comme cet homme… nous aurions certainement tous besoin de changer des choses, d’abandonner certaines de nos préoccupations ou nos soucis, pour nous rendre davantage disponible à une véritable relation avec Dieu… pour nous connecter à Lui… pour lui laisser davantage de place dans notre vie et notre cœur… afin que Lui-même nous inspire et nous transforme. 


Il me semble que cette rencontre de l’évangile a été conservée dans la mémoire des disciples comme un épisode marquant, pour nous le rappeler :


Il y a parfois un pas à franchir… un attachement à abandonner… quelque chose à lâcher… pour emprunter un nouveau chemin… un chemin de salut et de guérison… et ce n’est pas forcément facile !


Il faut bien l’avouer, comme le jeune homme riche, cela peut nous faire « peur »… car pour quitter sa zone de confort… accepter de lâcher nos sécurités ou nos habitudes… il faut oser faire un pas de côté … pour entrer dans une nouvelle aventure, où nous acceptons de dépendre entièrement de Dieu … Tout cela nécessite un peu de courage… et de confiance. 


C’est peut-être cela qu’il a manqué au jeune homme riche ?


Il n’a pas osé quitter ses sécurités… il a eu peur de perdre… il n’a pas osé prendre ce risque. 


Pourtant Jésus avait prévenu : 

Parfois, vouloir sauver sa vie, c’est courir le risque de la perdre… alors que prendre le risque de la perdre, pour l’Evangile, c’est certainement la trouver et la sauver (cf. Mc 8,35).


Disons que cet homme a raté le coche … c’est pour cela qu’il repart tout triste… il a perdu l’occasion d’entrer dans la vie véritable et nouvelle que justement il recherchait. Et c’est bien dommage : 


Il croyait, dur comme fer, au salut, dans une vie future… et il n’a pas saisi l’occasion d’y entrer, dans la vie présente, alors que cela lui était offert.


C’est bien sur point que cet épisode – cette rencontre – attire notre vigilance :  


elle nous fait comprendre que « la vie éternelle », ce n’est seulement pour plus tard… quand on sera mort… c’est ici et maintenant qu’il nous est offert d’y entrer. 

Et ce n’est pas par un « faire », par des « efforts » que nous pouvons la recevoir comme une sorte de récompense… mais c’est en suivant Jésus, en entrant avec lui dans le monde nouveau qu’il appelle « le règne de Dieu ». 


Comment y entrer alors... si, pour nous, c’est impossible ? (v.27)


En faisant confiance à Dieu, puisque pour Lui, c’est possible !... puisqu’il rend l’impossible possible !


D’ailleurs, cet impossible, il l’a fait pour les disciples et pour Pierre… puisque ceux-ci ont osé franchir le pas… et accepté de quitter ce qu’ils avaient, pour se mettre en route avec le Christ et vivre l’Evangile. 


Bien sûr, aujourd’hui, nous n’avons plus Jésus, en chair et en os, qui nous demande de tout quitter pour marcher à sa suite… mais nous avons – quand même – l’Evangile qui nous appelle à suivre le Christ, c’est-à-dire à entrer dans le monde nouveau de Dieu. 


Et c’est pour ça que le christianisme n’est pas simplement une religion qui nous proposerait un salut pour après … un salut post-mortem.


Être chrétien, c’est un engagement pour maintenant ! 


C’est s’engager à entrer dans une nouvelle mentalité, adopter un nouveau style de vie, c’est mettre au centre la relation à Dieu et au prochain… c’est entrer dans une spiritualité, c’est-à-dire dans une relation de confiance avec Dieu, qui est Esprit, qui est Amour. 


Entrer dans ce monde nouveau de Dieu, ça consiste d’abord par faire de la place, dans notre vie et notre intériorité, pour accueillir cet Esprit d’amour et de bonté, en nous… pour le laisser nous inspirer au quotidien et dans toutes nos relations… et lui faire confiance… alors, il pourra transformer les choses en nous et autour de nous. 


Si Jésus prend l’exemple des enfants, ce n’est pas un hasard :

« le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux – disait-il. En vérité, je vous le déclare, qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. » (v.14-15)


Ce qui caractérise les enfants, c’est certes leur disponibilité et leur confiance. Un enfant n’est pas méfiant. Il est naturellement plein d’entrain et de confiance. Ce qui semble un bon début pour suivre le Christ et vivre l’Evangile. 


Mais plus encore – et c’est ce qui distingue l’enfant de l’adulte, et en particulier de l’homme riche – un enfant ne possède rien : 


Il n’a ni « pouvoir » ni « avoir ». Il n’a donc pas d’obstacle pour entrer dans le règne de Dieu. 


Car c’est bien là le problème des adultes. Ils sont trompés par l’idée que plus de pouvoir et plus d’avoir va les sauver… 


L’« avoir », c’est potentiellement disposer de plus de choses, plus de biens, plus de possessions. 

Le « pouvoir », c’est disposer de plus de moyens, plus d’autorité, plus de gens à son service. 

« Avoir » et « pouvoir » sont ce que les humains ont toujours et partout recherchés pour eux-mêmes… dans l’illusion d’avoir plus de confort, de bonheur… et surtout plus de sécurité et de puissance.


Il suffit de voir comment, dans notre monde, on pratique la course au pouvoir et aux profits maximums, aussi bien au niveau des individus que des nations. 

Ou comment notre économie s’entend, la plupart du temps, à faire passer prioritairement l’argent avant les êtres humains. 


Chacun est persuadé, au fond de lui-même, qu’il ne peut pas s’en tirer – c’est-à-dire qu’il n’y a pas de salut pour lui – s’il ne dispose pas d’un minimum d’avoir et d’un certain pouvoir. 


Seulement, Jésus est persuadé du contraire. 

Car tout cela (cette course inlassable à plus d’avoir et de pouvoir) crée sans cesse des rivalités entre les individus, ou entre les États (les intérêts nationaux). Du fait que ce que nous devons gagner, se fera forcément au détriment des autres. 


De même quand nous avons quelque pouvoir, n’est-ce pas pour le faire jouer prioritairement à notre avantage, en notre faveur, et même au dépend des autres ?


Il suffit de voir comment les plus riches se comportent dans notre monde… et même comment les grandes puissances se conduisent, que ce soit la Chine ou les États-Unis… qui est d’ailleurs le pays qui a mené le plus de guerre dans le monde, depuis la 2nde guerre mondiale.


Voilà pourquoi, il n’y a pas la moindre place dans le Règne de Dieu pour de telles « valeurs ». 


On n’entre pas le monde nouveau de Dieu, avec un cœur plein de convoitise, d’avidité, ou avec une mentalité du « toujours plus », capable d’écraser les autres. 


On ne peut y entrer, au contraire, qu’en étant dépouillés de tous nos avoirs et nos pouvoirs, en étant redevenus comme des enfants. 


Alors… oui… ce constat est radical… et même dérangeant. C’est vrai !


Mais il faut bien reconnaitre que c’est Jésus qui a raison. 


Il n’y a aucune chance que notre monde puisse aller mieux et trouver un jour « le salut », dans une course effrénée au « toujours plus »… plus d’avoir, plus de pouvoir… car c’est le « chacun pour soi » assuré… c’est la lutte, la concurrence, la violence et les conflits en perspective. 

C’est certainement la destruction de nos écosystèmes et de notre humanité, à moyen ou long terme, si on ne change pas de comportement. 


La seule manière d’expérimenter un salut pour tous, c’est d’entrer dans cette nouvelle mentalité que Jésus propose : 


Accepter de lâcher un peu de son avoir et de son pouvoir… ou même carrément tout, si on en est assez courageux et audacieux… 

pour enfin mettre l’humain et la relation à l’autre dans nos priorités… 

pour enfin cessez d’être dans une lutte constante… pour « gagner », pour « en avoir toujours plus »… 

pour enfin ouvrir notre cœur à l’amour, à la compassion et au partage. 


Il n’y a pas d’autre manière pour entrer dans le monde nouveau de Dieu, et recevoir son salut… il nous faut retrouver notre âme d’enfant… et accepter enfin de faire confiance à Dieu… en osant lâcher-prise.  


C’est aujourd’hui que Jésus nous invite à écouter cette Parole… et à entrer dans une vie nouvelle… car la vie éternelle : ça commence ici et maintenant. 


Amen. 



Lecture biblique : Marc 10, 13-31


13 Des gens lui amenaient des enfants pour qu’il les touche, mais les disciples les rabrouèrent. 

14 En voyant cela, Jésus s’indigna et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. 

15 En vérité, je vous le déclare, qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. » 

16 Et il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

17 Comme il se mettait en route, quelqu’un vint en courant et se jeta à genoux devant lui ; il lui demandait : « Bon Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage ? » 

18 Jésus lui dit : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul. 

19 Tu connais les commandements : Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne feras de tort à personne, honore ton père et ta mère. » 

20 L’homme lui dit : « Maître, tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse. » 

21 Jésus le regarda et se prit à l’aimer ; il lui dit : « Une seule chose te manque ; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi. » 

22 Mais à cette parole, il s’assombrit et il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. 

23 Regardant autour de lui, Jésus dit à ses disciples : « Qu’il est difficile à ceux qui ont les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » 

24 Les disciples étaient déconcertés par ses paroles. Mais Jésus leur répète : « Mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le Royaume de Dieu ! 

25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu. » 

26 Ils étaient de plus en plus impressionnés ; ils se disaient entre eux : « Alors qui peut être sauvé ? » 

27 Fixant sur eux son regard, Jésus dit : « Aux hommes, c’est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu. » 

28 Pierre se mit à lui dire : « Eh bien ! nous, nous avons tout laissé pour te suivre. » 

29 Jésus lui dit : « En vérité, je vous le déclare, personne n’aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l’Evangile, 

30 sans recevoir au centuple maintenant, en ce temps-ci, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et dans le monde à venir la vie éternelle. 

31 Beaucoup de premiers seront derniers et les derniers seront premiers. »


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