dimanche 23 novembre 2025

Découverte du Protestantisme : trois manières d'entendre l'Evangile

Prédication pour le Culte « Découverte du protestantisme 2025 » : voir plus bas (après les lectures)

Lectures bibliques : Luc 15,1-3. 11-24 ; Éphésiens 2, 4-5. 8-9 ; Romains 10, 9-10 ; Philippiens 2,12-13 ; Apocalypse 3,20 ; Jean 10,10

Thématique : Marcher dans la Grâce : trois manières d’entendre l’Évangile
Prédication de Pascal LEFEBVRE - le 23/11/25 à Bordeaux (temple du Hâ)


Introduction

Quelques mots d’introduction avant de nous mettre à l’écoute de la Bible. Puisque nous avons un culte particulier aujourd’hui…  de « découverte du protestantisme »… je voudrais saisir cette occasion, pour vous présenter trois manières de comprendre des grands thèmes chrétiens : A. la grâce, / B. la foi,  / C. la liberté et la responsabilité…. 

Nous allons essayer d’entendre trois façons nuancées… dont l’Evangile peut résonner selon nos traditions et nos sensibilités : 
    •    la manière catholique,
    •    la manière luthéro-réformée (ou protestantisme « classique »),
    •    et la manière du protestantisme libéral, qui lit la foi - de façon plus libre, avec un regard moins dogmatique. 

Je ne dirai pas laquelle est la meilleure. Car toutes cherchent à rendre fidèlement témoignage à l’Évangile de Jésus-Christ. Chacune éclaire une facette, comme les couleurs d’un vitrail.

Nous allons écouter différents passages bibliques qui serviront de base à cette méditation. Ces textes vont nous guider comme des balises, pour comprendre comment Dieu nous parle encore aujourd’hui. 

LECTURES BIBLIQUES

Luc 15,1-3. 11-24 
1 Les collecteurs d'impôts et les pécheurs s'approchaient tous de [Jésus] pour l'écouter. 2Et les Pharisiens et les scribes murmuraient ; ils disaient : « Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » 3 Alors il leur dit cette parabole : […]
11[…] « Un homme avait deux fils. 12Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir.” Et le père leur partagea son avoir. 13Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre. 14Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l'indigence. 15Il alla se mettre au service d'un des citoyens de ce pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs. 16Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. 17Rentrant alors en lui-même, il se dit : “Combien d'ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! 18Je vais aller vers mon père et je lui dirai : Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. 19Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers.” 20Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut ému aux entrailles [fut pris de pitié] : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. 21Le fils lui dit : “Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils…” 22 Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.”

Éphésiens 2, 4-5. 8-9
4 Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, 5alors que nous étions morts à cause de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ […] 8C'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi ; vous n'y êtes pour rien, c'est le don de Dieu. 9 Cela ne vient pas des œuvres, afin que nul n'en tire fierté.

Romains 10, 9-10
9 Si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé. 10En effet, croire dans son cœur conduit à la justice et confesser de sa bouche conduit au salut.

Philippiens 2,12-13
12 Ainsi, très chers amis, vous avez toujours été obéissants quand je me trouvais auprès de vous. Eh bien, soyez-le encore plus maintenant que je suis absent ! Agissez pour votre salut [travaillez / mettez en œuvre votre salut] humblement, avec respect, 13 car c'est Dieu qui agit en vous et qui vous donne le vouloir et le faire selon son projet bienveillant.

Apocalypse 3,20
20 Voici, je me tiens à la porte et je frappe.
Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte,
j'entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui et lui avec moi.

Jean 10,10
10 je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu'ils l'aient en abondance.


PRÉDICATION

Pour les Chrétiens… le dessein de Dieu est d’apporter « le salut » à l’humanité… en offrant sa Grâce… Quelles sont les différentes façons de le comprendre et les nuances… entre catholiques, protestants classiques, et protestants libéraux ?

A - La Grâce (et les sacrements) : Comment Dieu s’approche de nous et agit dans notre vie ?

1) La vision catholique : la grâce comme vie… qui transforme et qui guérit (en vue d’une vie sanctifiée)


Dans la vision catholique, le dessin de Dieu est de nous guérir. Il nous transforme et nous appelle à une vie sanctifiée.

La Grâce, c’est cette force vivante de Dieu qui nous sauve, qui nous transforme intérieurement.
 Elle est, en quelque sorte, une médecine, un souffle, un feu qui change le cœur.
 Elle agit dans les sacrements, dans la prière, dans la charité.

Dans la lettre aux Philippiens, quand Paul affirme : « C’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire. » (Ph 2,13), la tradition catholique entend : Dieu agit en nous, pour nous guérir et nous rendre capables d’aimer.

Quand les catholiques entendent la parabole de Jésus, l’histoire du fils prodigue (cf. Luc 15, 11-24), ils voient avant tout un Dieu qui guérit. Il ne se contente pas de pardonner : il relève, il restaure, il redonne une dignité.

Après son éloignement du père, le fils prodigue revient honteux, affamé, brisé… et le père lui dit : « Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le! » (cf. Luc 15, 22)

Ce n’est pas seulement un pardon que le père lui offre, c’est une transformation.
Il répare ce qui a été blessé par le péché. Il restaure le fils et lui offre une guérison, pour l’ouvrir à un nouvel avenir, pour le rendre « participant » à une « vie nouvelle » avec lui. 

Le salut s’opère quand le fils est transformé… quand il reçoit l’amour du père et devient capable d’aimer, à son tour. 

Pour un catholique, la Grâce est cette force intérieure qui nous répare en profondeur… pour nous permettre de devenir saint. 

Le théologien catholique Karl Rahner affirme ainsi que le salut n’est pas extérieur à l’homme. C’est Dieu qui se donne, qui s’auto-communique… qui communique son être au cœur de l’homme.

Les sacrements : 

C’est dans le même sens que sont compris les sacrements, dans la foi catholique (qui sont au nombre de 7). Ce sont « des moyens de grâce »… c’est-à-dire que Dieu agit réellement à travers eux, pour communiquer sa vie divine au croyant.

Ainsi, le baptême efface le péché (il purifie du péché originel) ; il fait de la personne un enfant de Dieu. 

Dieu utilise des signes visibles (l’eau, l’huile, des paroles, des gestes, le pain, le vin…) pour transmettre une réalité invisible : la vie divine. La « grâce », c’est cette vie divine communiquée à l’être humain.

Dans la vision catholique, le prêtre est au service de la médiation du Christ. Quand il baptise, il absout, il consacre l’eucharistie, le prêtre agit « dans la personne du Christ », comme un instrument de sa présence. 

Nous en venons maintenant à la vision du protestantisme luthéro- réformé… 

2) La vision luthéro-réformée : la grâce comme don immérité… qui offre réconciliation et libération

Pour Luther et Calvin (les Réformateurs phares du XVIe siècles), le cœur de la Grâce est présenté dans l’épitre aux Éphésiens - au chapitre 2 :

« C’est par grâce que vous êtes sauvés… ce n’est pas par les œuvres. » (cf. Ep 2)

La grâce précède tout. Elle est première. C’est un don gratuit - un cadeau immérité - indépendant de nos bonnes actions. Nous n’y sommes pour rien.

C’est ce qui se joue dans la parabole de Luc : Le fils prodigue n’a encore rien fait, ni rien dit… Il n’a pas eu le temps de se racheter, ni de prouver quoi que ce soit… que, déjà , le père « court vers lui… pour se jeter à son cou… et le couvrir de baisers » (cf. Luc 15,20). 
 

Il ne pose pas de conditions. Il ne demande pas d’explications. Il ne fait aucun reproche. Il enlace son fils cadet de sa tendresse et sa bienveillance. 

Voilà la Grâce, pour les Réformés : Un amour qui précède tout effort… un pardon offert, sans condition.

La grâce justifie le pécheur, avant même qu’il ne parle et ne confesse son péché…
Ce père qui court vers son fils bien-aimé : c’est l’Évangile pur ; la bonne nouvelle de l’amour premier de Dieu.

Pour le réformateur Martin Luther, le salut, c’est cet acte gratuit : 
En Christ, Dieu surmonte le péché. Il accepte le pécheur et le déclare juste, malgré sa culpabilité.


C’est le moment où le père du fils prodigue affirme : « Mon fils était perdu et il est retrouvé » (cf. Luc 14,24).

Le salut vient uniquement de l’initiative du Père. 
[La transformation et la sanctification viendront après.]

Être sauvé, c’est avant tout être réconcilié par Dieu et libéré du poids du péché.

Les sacrements :

L’approche des sacrements (qui sont au nombre de 2) est un peu différente chez les luthériens et les réformés. Sans entrer dans le détail, on peut dire que : les sacrements sont « des signes visibles de la Grâce invisible ». Ils manifestent la Grâce… par la parole attachée au signe… quand ils sont reçus dans la foi.

C’est l’Esprit saint qui agit. C’est la promesse de Dieu qui donne la grâce. 

« Le sacrement est la Parole visible » disait Luther. Sans la Parole, il n’y a pas de sacrement.

Le Saint-Esprit peut se servir du sacrement pour communiquer la Grâce divine. - Ainsi le Christ est présent au moment de la Ste Cène, soit avec l’élément pain, pour les Luthériens, soit spirituellement présent, pour les Réformés - Mais l’Esprit peut aussi donner la Grâce indépendamment du rite. 

Dieu n’attend pas les sacrements, pour communiquer sa Grâce ! Il est totalement libre et souverain dans la façon dont il apporte le salut. 

Par ailleurs, en vertu du sacerdoce universel, le pasteur est reconnu dans une fonction : il a reçu une formation biblique et théologique ; il annonce la Parole et administre les sacrements. Mais il n’est pas un médiateur du Christ. En réalité, tous les croyants sont appelés à s’engager à la suite du Christ. 

3) La perspective du protestantisme libéral : la grâce comme accueil inconditionnel, qui ouvre notre conscience et libère nos potentialités

Le protestantisme libéral se positionne différemment. D’abord, il ne croit pas à la doctrine classique du « péché originel » telle que l’a développée St Augustin.  L’être humain n’a jamais été parfait, avant une hypothétique « chute ». Depuis le début, l’homme est limité, faillible et vulnérable,… mais il évolue peu à peu, il progresse…

Pour les protestants libéraux, la grâce n’est pas une réparation du péché. Ce n’est pas seulement un pardon, c’est une libération de ce qui nous empêche de vivre… en vue d’une transformation.

Les libéraux observent autre chose dans la parabole de Luc (chap. 15) : ils voient un père qui ouvre un espace de vie. Il ne fait pas qu’accueillir et habiller son enfant retrouvé, avec son plus beau vêtement, il lui rend sa dignité et sa place de fils. Il est accueilli pour le partage et la communion de la fête… c’est comme « une résurrection », l’offre d’« une vie nouvelle ».


Ils entendent ainsi résonner ce que Jésus affirme ailleurs dans l’évangile de Jean, au chapitre 10 : « Je suis venu pour que les êtres humains aient la vie… la vie en abondance. » (cf. Jn 10,10)

Quand le fils prodigue retrouve la maison du père, il découvre qu’elle est un lieu où il n’a pas besoin de jouer un rôle. Il y est accueilli tel qu’il est. 
Il est aimé, malgré ses failles, ses errances, ses peurs et ses limites. 
Il prend conscience de l’amour infini du père. Et ce faisant, il prend conscience de sa propre dignité d’être humain, de fils. 

La grâce reçue a une dimension existentielle : elle ouvre la possibilité de vivre pleinement, d’oser être soi-même, de se libérer de ce qui nous écrase… pour découvrir et vivre nos plus belles potentialités.

Le salut… c’est une transformation de la conscience, qui s’ouvre et qui s’élargit… pour accéder à une vie plus libre, plus authentique, plus abondante (cf. Jn 10,10). 

Le salut, c’est le chemin qui permet au fils de sortir de la peur, d’oser revenir à la maison, jusqu’au moment où il est accueilli… et retrouve sa dignité et sa place… son humanité profonde et sa liberté intérieure.

Les sacrements : 

Dans le protestantisme libéral, les sacrements occupent une place différente. Ce ne sont pas des moyens objectifs de grâce. Ils sont perçus comme des symboles vivants, au service de la foi et de la communauté.

La grâce n’est pas liée aux rites, mais à l’expérience religieuse intérieure. 
C’est par sa conscience, sa foi, sa relation intérieure à Dieu - et non par un acte rituel - que le croyant reçoit la Grâce divine. 

En d’autres termes, les sacrements sont reçus comme des signes symboliques et existentiels de la foi et du salut offert. Ils expriment publiquement ce que le croyant pense, espère et cherche.

La Sainte Cène, par exemple, est perçue comme un espace d’interprétation personnelle. Chacun peut y trouver : un symbole d’amour gratuit (où l’on fait mémoire de Jésus-Christ qui a incarné l’amour radical), … un appel éthique au partage et à la fraternité… un encouragement spirituel… et une invitation à se recentrer ensemble sur l’essentiel.

Nous en venons maintenant à la question de la foi…  de façon un peu plus brève…
Pour les Chrétiens, la foi est vue comme un don (un don de Dieu), mais elle contient aussi un aspect réceptif (elle appelle une réponse humaine)…. Voyons les différentes nuances : 


B - La foi : Comment l’être humain répond à Dieu ?

1) La vision Catholique : la foi comme adhésion vivante et coopération


Pour les Catholiques, la foi est un don, qui appelle une réponse. C’est un « oui »  libre, qui s’exprime en actes.

Dans l’épitre aux Romains, quand l’apôtre Paul appelle à « croire dans son cœur … et confesser de sa bouche… en vue du salut » (cf. Rm 10, 9-10)… les catholiques entendent que la foi consiste à répondre « oui » à Dieu, avec tout son être : son cœur, son intelligence, ses paroles et ses gestes. 

La foi est un chemin quotidien… une confiance qui grandit… et qui doit se manifester par des oeuvres bonnes. 

2) La vision Luthéro-réformé : la foi comme confiance qui se reçoit

Pour les Réformés, la foi n’est pas liée à nos mérites, c’est une relation. 
C’est le moment où l’on accueille la Grâce de Dieu… le moment où l’on laisse Dieu être un Dieu d’amour pour soi… où on le reçoit ainsi… et on se repose en Lui ! 

Comme le souligne le théologien Paul Tillich : « On accepte d’être accepté, bien qu’on soit inacceptable ».

Dans la parabole de Luc… la foi, c’est le moment où le fils prodigue cesse de se débattre avec sa honte et sa culpabilité… et se laisse tomber - avec confiance - dans les bras de son père. Il s’abandonne à Lui. 

La foi, c’est ouvrir son coeur, lorsque le Christ « frappe à notre porte » (cf. Apocalypse 3,20). 

3) La perspective du protestantisme libéral : la foi comme chemin intérieur et ouverture

Pour le Protestantisme libéral, la foi est un cheminement… C’est un éveil… 

C’est ce qui se joue, d’une part, quand on « rentre en soi-même » comme le fils prodigue (Luc 15,17) et, d’autre part, quand on s’ouvre à l’accueil inconditionnel du père (Luc 15, 22-24). 


C’est l’instant où la conscience s’ouvre à quelque chose de nouveau… à quelque chose de plus vrai que nos peurs.

Pour les libéraux, la foi n’est pas d’abord adhésion à des dogmes, mais ouverture intérieure… expérience de profondeur… où l’on se laisse saisir par l’Esprit du Christ… pour accueillir sa vérité qui libère (cf. Jn 8,32).

C’est « le courage d’être » - dirait Paul Tillich - le courage de dire « oui » à son existence, en s’appuyant sur la Grâce de Dieu… malgré le sentiment de culpabilité ou l’angoisse qui nous étreint.  

Nous abordons à présent 2 thématiques pour la dernière partie cette méditation : la liberté et la responsabilité, dans les différentes traditions ou sensibilités… 

C - La liberté et la responsabilité : Comment Dieu libère ? A quoi appelle-t-il l’être humain ?

1) La vision Catholique : la liberté restaurée par la grâce / la responsabilité comme coopération


Dans la vision catholique, Dieu apporte le salut, pour que l’homme puisse répondre librement.

En apportant son salut, en guérissant la liberté… la Grâce rend la responsabilité humaine possible.
L’être humain est appelé à répondre à l’amour de Dieu. 

C’est ce que Paul rappelle aux Philippiens (cf. Ph 2,12-13) : « Agissez / Travaillez à votre salut… car Dieu agit en vous ».
Puisque Dieu agit en nous et pour nous… nous sommes appelés à œuvrer dans le même sens…

Les croyants sont invités à coopérer efficacement avec Dieu…. à collaborer avec Lui.


Comme le fils prodigue accueilli par son père, va réapprendre à vivre dans la maison paternelle… nous sommes appelés à marcher avec Dieu… à vivre et à agir, selon sa volonté… 

Nos actes sont appelés à entrer « en synergie » avec le projet de salut divin.

2) La vision Luthéro-réformé : la liberté comme fruit de la justification / la responsabilité comme gratitude active

Nous l’avons vu… pour les Réformés… le salut est une initiative divine. Nous n’y sommes pour rien ! 

Martin Luther pense que, sans la grâce, l’être humain est « captif »… « esclave » du péché…
Mais une fois justifié par la grâce de Dieu, il devient libre dans la confiance.

Par l’accueil inconditionnel du père, le fils prodigue est libéré de sa honte et de sa culpabilité.

La vraie liberté commence quand on comprend qu’on n’a plus à se justifier soi-même… qu’on n’a rien à prouver… rien à mériter. 

En conséquence, nous pouvons agir gratuitement… non pas pour être sauvés (car ça ne dépend pas de nos mérites)… mais parce que nous sommes aimés…. Nous désirons répondre à l’amour de Dieu, pour exprimer notre gratitude. 

Ainsi, les œuvres ne sauvent pas… Elles sont seulement des fruits… une façon d’agir - dans le sens de l’Évangile - pour exprimer notre reconnaissance.

3) La perspective du protestantisme libéral : la liberté comme don premier… à réveiller / une responsabilité éthique : suivre Jésus- Christ, pour vivre une humanité accomplie

Pour le christianisme progressiste, la liberté est de toujours ! 
Dieu ne donne pas la liberté après la conversion : il la donne dès le début, dès la création. 

Puisqu’il est libre… l’être humain peut faire un mauvais usage de cette liberté …et se laisser « aliéner »… Il peut aussi revenir vers le père, comme le fils prodigue…

La liberté est donc déjà au fond de nous… dès le départ… 
L’Évangile vient nous éclairer… nous sortir de nos impasses, de nos mauvais pas, de nos conditionnements, de notre égoïsme… en élevant notre niveau de conscience. 


Jésus vient réveiller (ressusciter) la liberté qui est en nous… et l’élever… pour nous permettre de vivre notre « véritable humanité ».

[Pour le dire avec les mots de Paul… « Si quelqu’un est uni au Christ, il est créé à nouveau (il est une nouvelle créature) » (cf. 2 Co 5, 17). Ainsi transformé, le croyant agit de façon nouvelle.]

La vie de Jésus-Christ est vue comme un modèle de vie à suivre… car il a vécu une vie unifiée (dans toutes les dimensions de l’être) et mue par l’amour. Il nous montre ce qu’est « être pleinement humain ». 

Pour les libéraux, la responsabilité chrétienne est éthique.
Les croyants sont appelés à aimer, à pardonner, à relever, à lutter contre l’injustice.
C’est le Royaume (le monde nouveau de Dieu) que nous sommes invités à vivre au présent.

Dieu nous confie la tâche de rendre le monde plus humain… plus fraternel, plus juste, plus paisible… en donnant le meilleur de soi. 

D - Des différences et des rapprochements :

Dans le cadre de cette méditation, nous ne pouvons pas faire une liste exhaustive des différences et des points de convergences. 

Il y a un certain nombre de divergences entre ces approches…. que nous n’avons pas toutes détaillées… en particulier sur :

    ⁃    La vision ecclésiologique, 
    ⁃    La question des ministères (le sacerdoce universel / le sacerdoce ministériel),
    ⁃    La conception des sacrements (2 sacrements / 7 sacrements),
    ⁃    La question de l’autorité et du rapport à la tradition (Sola scriptura / Ecritures + tradition + magistère),
    ⁃    Etc.

Mais il existe aussi des rapprochements :

    ⁃    Par exemple, au moment des Réformes, au XVIe siècle, les Luthériens et Calvinistes ont beaucoup insisté sur la justification par grâce, par le moyen de la foi / tandis que les Catholiques insistaient sur les mérites à acquérir, sur la nécessité de la charité et des œuvres bonnes. Aujourd’hui… avec le temps… la formulation catholique est devenue plus proche de celle de Luther : la foi est centrale ; la coopération humaine est seconde. Sur la question de la justification, il y a eu un rapprochement : les catholiques reconnaissent que la foi est le « pivot » du salut, comme le soulignaient les luthériens.

    ⁃    Les protestants classiques (Luthériens et surtout Réformés) ont aussi évolué. Au XVIe siècle, ils ont fortement insisté sur le « monergisme » : c’est-à-dire que le fait que Dieu seul sauve, que l’homme ne peut rien apporter. Ce fut une conviction forte des Protestants. Cependant, ils reconnaissent - comme le soulignait les Catholiques - que si la foi est un don de Dieu, elle nécessite une coopération humaine dans la réception. Sans en être l’auteur, le croyant est appelé à « participer » à la Grâce, en l’accueillant et en se laissant transformer par Dieu. [Sur ce point, les Protestants ont donc évolué : ils seraient peut-être plus proches aujourd’hui des convictions de Melanchthon, Arminius, Wesley, que de Luther, Calvin ou Zwingli.]

Sur la question de la liberté et de la responsabilité humaine, on constate une convergence théologique : Dieu initie toujours, mais l’homme répond librement.

E - Conclusion : Qu’est-ce que ça change pour nous aujourd’hui ?

J’aimerais maintenant dépasser ces distinctions, pour revenir au cœur de notre vie quotidienne… Car au fond, l’Évangile ne nous demande pas d’avoir raison, mais de sortir de la peur, pour mener une existence libre et aimante avec Dieu.

Alors, que faisons-nous de tout cela aujourd’hui ?

1) Recevoir la grâce comme une main tendue… comme un cadeau 


Dans nos existences souvent surmenées… à chaque étape de notre vie, depuis notre jeunesse, dans le monde professionnel, dans nos divers engagements, nous sommes appelés à faire nos preuves… pour réussir, pour trouver notre place dans la société… 

Autrement dit, nous cherchons sans cesse à prouver notre valeur… à être reconnu… à nous « justifier »… parce que nous vivons dans cette mentalité de la performance, de l’évaluation et du « chacun pour soi »… où chacun doit mériter ce qu’il peut obtenir… par la force de son travail. 

Mais faut-il « mériter » quoi que ce soit, pour vivre ? 


A rebours de la société… l’Evangile vient nous redire qu’aux yeux de Dieu, il n’en est rien ! 
La parabole du fils prodigue nous rappelle que la Grâce est un don gratuit de Dieu. 
La vie est un cadeau ; l’amour de Dieu aussi. 

Dieu nous accueille, là où nous sommes, tels que nous sommes. 
Quelle merveilleuse nouvelle ! 

2) Ouvrir la porte de la confiance… pour goûter la liberté et l’espérance

Nous vivons aussi dans un monde… où la peur joue un rôle prépondérant. 

Inconsciemment, malgré nous… nous transmettons des peurs de génération en génération… à nos enfants…

Plus largement - et de tout temps - par différentes formes de pressions ou de propagandes… le pouvoir politique ou religieux nous manipule aussi par la peur… Celle-ci nous immobilise, nous paralyse… Elle nous culpabilise, nous limite et nous contraint… Ce qui permet de contrôler et d’assoir l’autorité de ceux qui la détiennent. 

A contrario, nous avons entendu que la foi est une confiance. 
La foi en Dieu constituerait donc une forme de contre-poids… de contre-pouvoir… susceptible de nous libérer de nos peurs. 

Dans la parabole de Luc… parce que le père est accueillant et compatissant (il est ému aux entrailles, au moment du retour de son fils), parce qu’il est bienveillant… le fils prodigue va pouvoir croire en lui et vivre dans la confiance. Il n’aura plus jamais peur… par ce qu’il se sait aimé… quoi qu’il ait fait auparavant… et quoi qu’il arrive à l’avenir.

La foi est ce mouvement intérieur par lequel nous laissons Dieu nous accueillir, nous guider et agir dans notre histoire… pour nous libérer et nous faire grandir. 

Dans le livre de l’Apocalypse  (Apo 3,20), le Christ ressuscité dit cette parole : « Je me tiens à la porte et je frappe. »
Il ne force rien. Il attend. Il espère. Il nous appelle à ouvrir la porte de notre coeur, pour nous faire entrer dans la voie de la confiance. 

Ce que le Christ nous offre : c’est la possibilité de surmonter toutes nos peurs primitives… liées à notre passé ou notre avenir…. C’est de ne pas nous laisser écraser ni par nos angoisses, ni par la fatalité, ni par les épreuves…. Mais d’oser croire en la Vie, en l’Amour, au Pardon… croire en quelque chose de plus grand… en une Réalité plus vaste… qui nous éclaire, nous relève et nous donne une espérance. 

Notre monde en a tellement besoin ! 

3) Laisser Dieu agir en nous… entrer dans un processus de transformation

Enfin, dernier point… Dans l’épître aux Philippiens, Paul lance un appel : « Agissez / travailler à votre salut… car c’est Dieu qui agit en vous … » 

L’apôtre affirme ainsi que nous ne marchons pas seuls… que Dieu nous accompagne… qu’il peut agir dans notre intériorité, pour nous transformer… nous permettre d’évoluer, de progresser dans la voie de l’amour et de la justice. 

Il suffit - si j’ose dire - de lui laisser de la place dans notre vie…
C’est une invitation à entrer dans une relation personnelle avec Dieu… non pas pour croire à des dogmes ou des choses incroyables… mais pour nous laisser guider par une Force d’Amour, qui veut notre bien. 

Ainsi… chers amis… puisque nous sommes aimés de Dieu… osons expérimenter cette confiance !

Quelles que soient nos convictions… que chacun de nous trouve son propre chemin vers la maison du Père.    

Amen.


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