mercredi 23 octobre 2024

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Les méditations proposées sur ce Site se situent dans l'horizon d'une Spiritualité chrétienne... Elles se fondent sur l'interprétation de l'Evangile comme "Bonne Nouvelle", qui nous rappelle qu'une Grâce originelle nous est offerte... laquelle nous ouvre à la liberté et la confiance !

Lors des cultes du dimanche, les Protestants essaient de mettre en lien leur vie présente avec l'Evangile... Il s'agit de se laisser inspirer par l'Esprit au quotidien... de s'ouvrir à quelque chose de Nouveau... 

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Bonne lecture !

dimanche 13 octobre 2024

Que peut-on demander à Dieu ?

Lectures bibliques : Proverbes 16 (v.1-3) ; LUC 11 (v.1-13) ; LUC 18 (v.1-8) = voir textes en bas de cette page
Thématique : La prière de demande / Que peut-on demander à Dieu ?
Prédication de Pascal LEFEBVRE - le 13/10/24 à Bordeaux et le 20/09/24 à Sauveterre de Béarn


Nous sommes tous très occupés… Je ne sais pas si vous prenez le temps de prier dans votre quotidien… Mais les textes que nous venons d’étendre nous invite à la prière personnelle avec Dieu… et ils nous posent aussi des questions…

« Confie au Seigneur ce que tu fais, et tes projets se réaliseront » (Prov 16,3).  En écoutant l’auteur du livre des Proverbes, tout parait simple.
Il suffirait de confier nos projets à Dieu… pour obtenir leur concrétisation.
L’expérience nous montre que les choses ne se passent pas toujours ainsi.

En même temps, ces versets nous interrogent : est-ce que vraiment nous faisons toujours cette démarche de confier nos projets à Dieu ?
Rien n’est moins sûr ! Le fait est que Dieu n’est pas toujours intégré dans l’équation de nos plans et nos voeux.

Pourtant Jésus insiste, lui aussi, dans l’évangile : « Demandez et vous recevrez ! »  Mais peut-on demander tout et n’importe quoi ?

Que peut-on demander à Dieu ? Et comment Dieu répond-il ?
Ce sont les deux questions qu’une amie protestante m’a posées, il y a quelques jours…

Et j’avais envie de les partager avec vous aujourd’hui… parce que ce ne sont pas les questions d’une seule personne … mais ce sont peut-être aussi les vôtres.

Il y a plusieurs réponses possibles :

1) La première réponse qu’on pourrait faire… qui est peut-être un peu frileuse… mais juste, en même temps.
C’est NON ! On ne peut pas tout demander à Dieu.

Dieu n’est pas un distributeur automatique… qui viendrait combler tous nos besoins… et obéir à nos moindres désirs… surtout nos désirs les plus personnels… les plus égoïstes… et les plus matériels.

Penser qu’on pourrait tout demander à Dieu… pose la question du sens de la prière : à quoi sert-elle ? Qu’elle est son rôle ?
Dans la prière, est-ce que c’est nous qui demandons à Dieu une transformation ou est-ce que c’est la prière qui nous transforme ?

Et puis, la prière ne consiste pas à dire à Dieu ce qu’il devrait faire !
Nous ne sommes pas les consultants de Dieu !… les « McKinsey » de Dieu…  Certains ont peut-être besoin de cabinets conseils, mais Dieu - quand même - on peut en douter !

De toute façon, l’Eternel - notre Père céleste - ne nous a pas attendu pour créer ce qu’il a créé… ni pour faire ce qu’il fait.

Donc… il me semble contestable… et sans doute assez basique (ou enfantin)… de demander à Dieu… par exemple, des choses purement matériels… comme gagner au loto… d’attendre qu’il m’aide à réparer mon ordinateur ou le fer à repasser que j’ai fait tomber l’autre jour… ou qu’il aide mon camp politique ou mon équipe de rugby favorite à remporter la victoire, ou encore mon pays à gagner la guerre contre un adversaire ou un ennemi.

Ce type de demande où l’on met Dieu partout - et « à toutes les sauces » (si j’ose dire) - parait problématique pour trois raisons au moins :

d’une part, elle révèle une conception utilitariste de Dieu. Finalement, à travers ces demandes, Dieu serait à mon service. La prière serait quelque chose de forcément intéressé. Elle n’aurait rien d’une relation gratuite, d’une relation de confiance.

D’autre part, elle pose une question sur la vision sous-jacente de Dieu qu’elle déploie : celle d’un dieu magicien ou d’un grand Manitou - qui interviendrait selon son bon plaisir - ou si possible selon le mien… en agissant depuis l’extérieur des choses, comme par miracle !

Enfin, elle pose une question d’équité : pourquoi Dieu soutiendrait-il plus mon camp que le camp d’un rival ? Pourquoi m’aiderait-il, moi, à gagner un concours…  ou un conflit…  au risque de laisser beaucoup d’autres sur le carreau.

Donc, je crois qu’on ne peut pas demander quelque chose à Dieu qui nous placerait les uns en face des autres… et qui ne ferait qu’accroître les séparations, les tensions ou les divisions entre les êtres humains.

En même temps, vous pourriez me dire : c’est vrai… on ne peut pas demander n’importe quoi à Dieu… mais - quand même - dans les Psaumes, il y a bien des prières où le psalmiste demande des choses très concrètes à Dieu … par exemple, la victoire sur l’adversaire… ou même la vengeance ou pire : l’extermination de l’ennemi… comme dans le Psaume 58, où l’auteur du Psaume crie vers l’Eternel en parlant du méchant. Je cite : « Dieu ! Casse- leur les dents dans la gueule ; Seigneur, démolis les crocs de ces lions […] qu’ils soient comme le foetus avorté, qu’ils ne voient pas le soleil ! […] Le juste lavera ses pieds dans le sang des méchants ».

J’espère que vous ne priez pas comme ça à la maison !

Comment faut-il entendre ces cris du Psalmiste ? Comment peut-il demander de telles choses à Dieu ?
J’avancerais une interprétation : En voulant l’anéantissement de l’ennemi, le psalmiste, n’est-il pas surtout en train d’exprimer un appel au secours ? … En disant sa propre souffrance face à une situation d’injustice, n’est-il pas en train de dire son incompréhension, sa colère et son désarroi… face à la violence ou aux crimes qu’il voit autour de lui ?

Je comprends ces demandes d’intervention auprès de Dieu avant tout comme des cris de détresse… pour que cessent enfin la souffrance et l’injustice… bien plus que comme des demandes d’actions divines.

2) Peut-être - pourrirez-vous encore me dire… mais - quand même - Jésus dit de demander à Dieu… et il insiste : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira ». (Luc 11), Il est donc bien permis de demander à Dieu ce dont nous avons besoin ?

C’est vrai ! Vous auriez raison de rappeler ces paroles que nous venons d’étendre ce matin !  Mais il ajoute à la fin de cette exhortation : « Combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Luc 11).

Cela signifie que ce que nous pouvons vraiment lui demander relève du domaine spirituel :
C’est son Souffle, sa Lumière, son inspiration, son discernement, pour qu’il nous guide dans notre vie et dans nos choix décisifs.

Il me semble tout à fait légitime - face à une décision importante à prendre - de demander au Seigneur qu’il nous guide… qu’il nous éclaire, nous donne de la lucidité, pour nous permettre de faire les bons choix ou pour accompagner un ami au mieux…
Ou encore, face à une situation vraiment difficile ou éprouvante, de lui demander qu’il nous communique sa force et son courage, pour sortir de l’impasse ou pour aider quelqu’un d’autre de la façon la plus adaptée et la plus pertinente.

Dans cette façon de voir, il y a trois points intéressants :

D’une part, c’est de croire que Dieu peut agir et nous aider… mais que son action est spirituelle. C’est-à-dire qu’il n’intervient pas directement - de façon extérieure - sur la dimension matérielle (comme une sorte de magicien), mais de façon intérieure, discrète et cachée. Personnellement, je crois à l’action spirituelle de l’Esprit, agissant sur un autre plan de la réalité / dans une autre dimension / que celle de la physique ordinaire. (Car certainement, notre réalité n’est pas que physique et chimique, il y a d’autres dimensions de la vie / d’autres plans plus subtils).

D’autre part, cette façon d’envisager la prière, à travers la demande du Saint Esprit, me parait beaucoup plus humble que la façon directe de demander à Dieu telle ou telle chose concrète et matérielle. Car la question qui se pose, dans la prière, est de savoir si ce que nous demandons est vraiment toujours ce qui est préférable pour nous ou pour quelqu’un d’autre ? Je veux dire : nous pouvons désirer telle ou telle chose importante et croire que cette chose serait bonne pour nous ou pour autrui… Mais est-ce que nous en sommes bien certains ? Est-ce si évident ? Est-ce vraiment le meilleur que nous désirons ?

[[ Je prendrais un exemple très concret : si plusieurs personnes (des petits enfants) - autour de moi - demandent au Seigneur la guérison d’une grand mère de 95 ans, fort appréciée et aimée, qui est à l’hôpital, parce qu’elle vient d’avoir des complications médicales… et que finalement la mort l’emporte tranquillement quelques jours après…  Certaines de ces personnes pourront penser que c’est bien triste… et peut-être se dire que Dieu semble ne pas avoir entendu toutes leurs prières… Mais comment savoir ce qui était « bon » pour cette dame : poursuivre sa route sur cette terre, ou poursuivre sa route autrement, dans l’au-delà ?

Je crois, pour ma part, que toutes les prières exprimées dans les coeurs pour autrui, trouvent forcément un écho et une résonance, d’une manière ou d’une autre, car nos pensées sont des vibrations qui influencent la réalité.

Dieu - qui est Esprit - entend et reçoit certainement cette belle énergie d’amour que toutes ces personnes ont voulu envoyer à cette grand mère, par leurs pensées et leurs prières.
Il perçoit l’intention qui était derrière ces prières de survie : c’était que cette dame soit bien et sereine… qu’elle soit paisible… qu’elle ne soit pas seule dans son coeur, mais remplie de l’amour de ses proches.

Pourtant, il est difficile - pour nous - de ne pas juger l’action de Dieu ou de nos prières - aux résultats obtenus ou escomptés… mais de simplement faire confiance à Dieu.
C’est pourtant à cela que nous appelle la foi : croire que Dieu agira et qu’il fera au mieux ! Croire que Dieu sait et pourvoit ! ]]


Aussi, si je demande à Dieu son Esprit saint, sa force, son courage, son Esprit de calme, de clarté et de discernement (pour moi ou pour autrui) … je ne lui demande pas un résultat… je lui demande un moyen - une Lumière, un soutien - pour discerner ce qui est bon et faire au mieux.

Je ne prétends pas « savoir » ce qui est bon par moi-même (ni pour un autre), mais je demande à Dieu son Souffle / son inspiration pour me montrer la bonne direction et me soutenir dans ce choix.
Il y a donc là une posture d’humilité qui me parait bien plus conforme à notre « non-savoir »… conforme à notre situation fragile et éphémère d’être humain, pris dans une réalité plurielle et complexe.

En vérité, nous ne savons pas toujours qu’elle est la meilleure voie à suivre et comment la suivre (je pense à la voie des Béatitudes : la voie de la compassion, de la bonté, de la douceur, de la paix, de la justice).
Demander à Dieu son Esprit saint, c’est, en réalité, non pas seulement lui demander que notre volonté soit faite… mais que sa volonté, à lui, éclaire la nôtre.
C’est lui demander de nous orienter vers sa volonté, vers son Règne.

Enfin, 3ème point, je dirais aussi que cette demande du St Esprit nous libère du résultat attendu. Car si Dieu nous donne son Inspiration, les choses se passeront à sa manière… selon son plan… et non selon celui que nous avons nous-mêmes pensé ou imaginé.

Penser ainsi est en réalité libérateur. Car, bien souvent, quand nous demandons quelque chose, nous avons l’impression que la réponse de Dieu n’est pas celle que nous attendions, qu’elle est imperceptible ou que cette réponse tarde à venir.

Mais, nous devons accepter que si le St Esprit agit… alors les choses se passeront d’une autre façon que celle de notre volonté… à la manière de Dieu.

Nous en avons un bon exemple dans les évangiles avec le moment où Jésus sait qu’il va bientôt être arrêté et sans doute crucifié. Il vit un moment d’angoisse à Gethsémani face à cette souffrance - cette coupe - qu’il l’attend.
Et il adresse à Dieu cette prière : « Abba, Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe ! Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Cf. Mc 14, 32-42).

A vues humaines, on peut penser que la réponse de Dieu n’est pas venue… puisque Jésus va mourir crucifié… Mais, la résurrection, montre que la réponse sera bien apportée, même si elle viendra plus tard, d’une façon inattendue et dans une autre dimension de la réalité.
Cette manière de répondre de Dieu aura un impact bien plus grand sur l’humanité… que s’il avait simplement entendu l’interrogation de Jésus de pouvoir éviter la Croix.

Pour répondre à la question qui était posée initialement… je récapitule donc ce que nous avons partagé :
En écoutant l’évangile de ce jour, je pense donc qu’on ne peut pas demander à Dieu tout et n’importe quoi… mais qu’il est judicieux de lui demander son Esprit saint, pour nous guider, nous éclairer, nous transformer positivement.

3) Enfin, j’en viens à dernière partie de notre méditation…

Car, après avoir dit tout cela… j’aurais aussi envie de relativiser ce propos - et tout ce que je viens de vous dire - en affirmant qu’en réalité, le plus important n’est pas ce que nous demandons / l’objet de nos prières… que surtout l’être de la prière / le fait d’être en relation avec Dieu.

La prière est d’abord écoute et dialogue… c’est une conversation avec un ami… et ce meilleur ami que nous avons tous : c’est Dieu !
On peut donc lui parler en toute confiance.

C’est sur ce point que les 2 paraboles que nous venons d’entendre insistent : peu importe, finalement, si nous demandons quelque chose d’une façon correcte, bien formulée ou non… peu importe si nous semblons déranger Dieu… Dieu (notre meilleur ami) saura entendre notre intention et notre coeur… et il répondra à sa manière.

Ce qui est mis en relief dans ces paraboles - de façon imagée et audacieuse - c’est bien qu’il nous est permis de « déranger » Dieu et même d’insister… tant que nous avons foi en lui.

Ces petites paraboles nous livrent plusieurs enseignements sur la prière :
d’abord, ne pas se décourager et continuer à faire confiance à Dieu ;
et, d’autre part, elles nous parlent de la prière d’intercession : la prière pour un ami.

* La parabole du juge et de la veuve (du Chapitre 18 de l’évangile de Luc) place le disciple du Christ devant deux dangers : la lassitude et le découragement face à une situation d’attente :

Dans cette petite histoire, la veuve représente une personne humble, démunie, en situation fragilité sociale. Elle est confrontée à un juge qui traine à s’occuper de son affaire et à rendre justice.
Le juge semble avoir une moralité douteuse - puisqu’il est présenté comme un homme qui ne respecte personne, ni Dieu, ni les hommes.

Or, c’est l’obstination et la persévérance de la veuve qui auront finalement raison de sa nonchalance et de son obstruction.
Le juge finit par céder pour un motif purement égoïste : elle lui casse la tête / il n’en peut plus / il veut avoir la paix !
Il finit par obtempérer et lui donner raison, uniquement à cause de son insistance et de sa persévérance !

Est-ce à dire que Dieu serait comme ce juge ? Certainement pas !

Ce que veut dire Jésus avec cette parabole, c’est que si un juge dépourvu d’éthique (et se moquant de tout) finit par céder à une plaignante obstinée… à combien plus forte raison, Dieu - l’Eternel - Lui qui est juste, entendra et écoutera les supplications de ses fidèles.

Alors, certes… dans la réalité… on peut avoir l’impression qu’une réponse de Dieu se fait souvent attendre… mais soyons tenaces et confiants : la justice de Dieu est déjà en chemin ! Elle finira par se faire entendre !…

En même temps… le texte de l’évangile finit par un point d’interrogation adressé à l’auditeur ou au lecteur :
Qu’en est-il pour nous ? Saurons-nous vivre cette attente… Saurons-nous garder la foi dans cette espérance ?
Que restera-t-il de la confiance en Dieu tout au long du chemin… jusqu’à l’accomplissement des temps… jusqu’au retour du Fils de l’homme, figure qui annonce le jugement final ?

Nous entendons bien l’appel adressé ici aux disciples à tenir bon dans la foi et l’espérance… à persévérer dans la prière.

La figure de la veuve est intéressante, car elle a tellement de constance et de ténacité qu’elle oblige son juge à lui rendre justice…
Personnellement j’y entends ce message : « Si vous aussi, vous avez cette persévérance… soyez certains que Dieu vous entendra ! »

* L’autre parabole (au chapitre 11) est également intéressante, car elle nous met dans la situation de la prière d’intercession, où un ami vient demander quelque chose à un ami, pour un autre ami.

C’est, en effet, une histoire à 3 personnages : un ami en dérange un autre en pleine nuit, parce que lui-même accueille un ami voyageur et n’a rien à lui offrir à manger.

L’ami dérangé pourrait refuser le service en invoquant l’heure tardive et le sommeil de ses enfants. Mais il accédera quand même à la demande en raison du sans gêne du demandeur.

Le texte dit qu’il est « sans vergogne », c’est-à-dire sans peur, sans honte, sans pudeur…  Autrement dit : il ose… il fait preuve d’audace, d’un esprit d’entreprise… il est sans retenue, sans crainte.

Cela signifie-t-il qu’il faille faire la même chose avec Dieu ?
Ne pas hésiter à lui faire parvenir nos demandes - même mal formulées… même imparfaites ?
Certainement ! C’est comme cela qu’on peut entendre cette parabole.

Bien sûr, cette parabole n’est pas une allégorie, ni une personnification.
Dieu n’est pas à l’image d’un « dormeur bougon » qu’on vient réveiller en pleine nuit.

Mais, peut-être, est-il comparable à un ami qui obtempère… en se laissant un peu forcer la main… à cause de l’audace du demandeur.

Le message de la parabole - avec l’explication qui suit - pourrait donc nous inciter à faire preuve d’audace envers Dieu… à « demander », à « chercher », à « frapper »… d’autant qu’il s’agit ici de l’histoire d’un homme qui en dérange un autre, parce qu’il est lui-même saisi de compassion et interpellé par le malheur d’un troisième.

Cela correspond à la prière d’intercession, lorsque nous demandons à Dieu d’agir en faveur d’un proche ou de soutenir un ami qui en a besoin.
C’est bien sûr une façon de porter devant Dieu les difficultés ou les détresses des autres… et de s’associer à leurs situations avec tout son coeur.

On peut penser - comme le laisse entendre la parabole - que cette prière du coeur est recommandée… car Dieu n’est pas insensible à nos demandes et aux souffrances que nous lui présentons.

Si Dieu est compatissant et plein d’amour… s’il est comme un Père céleste qui nous aime (pour reprendre l’image donnée par Jésus)… il donnera son Souffle, son courage, sa force, sa paix et sa belle énergie spirituelle à ceux que nous lui confions.

On peut penser - en effet - qu’il se passe quelque chose de spirituel et d’invisible quand nous prions pour d’autres personnes :
Par des phénomènes de communication à distance… des pensées positives… certainement, nous envoyons de l’énergie à ceux pour lesquels nous prions… pas seulement la nôtre, mais l’énergie spirituelle et les hautes vibrations que Dieu nous donne lui-même et qui nous traversent, nous inspirent et passent par le coeur, pour aller vers d’autres…

Car se connecter à Dieu par la prière, finalement, c’est peut-être recevoir sa puissance créatrice et régénératrice… et c’est peut-être même devenir canal de son énergie… et transmettre à d’autres cette vitalité dont Dieu est la Source.

On pourrait - en effet - envisager Dieu comme une force spirituelle cosmique (la conscience universelle), à laquelle nous pouvons nous exposer, nos connecter… et qui peut nous transformer de l’intérieur.

* Quelques mots pour conclure… 

 
La méditation d’aujourd’hui ne suffit évidemment pas à épuiser le vaste sujet de la prière… car nous n’avons même pas abordé la version du « Notre Père » proposée par Luc.

Ce que nous dit la Bible sur la prière, c’est qu’on ne peut sans doute pas tout demander à Dieu (tout et n’importe quoi) parce qu’il n’est pas à notre service. Mais, en revanche, on peut tout lui dire.

Nous avons un certain nombre d’exemples dans la Bible :
Dans le livre de l’Exode, Moïse parle avec Dieu et même il négocie avec lui. Il vit une sorte de bras de fer avec le Seigneur.
Auparavant, dans le livre de la Genèse, il y a aussi l’histoire d’Abraham qui se lance dans une négociation avec Dieu, pour essayer de sauver la ville de son neveu Lot.

Nous pouvons encore penser - dans l’évangile - au récit de la Cananéenne qui tente aussi de discuter et de négocier avec le Christ (Mt 15, 21-28). Elle n’a pas peur et finalement - grâce à sa persévérance, son audace et son humilité - elle obtient ce qu’elle était venue chercher : la guérison de sa fille.

Ce qu’indiquent ces récits, c’est qu’il faut du courage…il faut oser et persévérer dans la prière.
La prière, ce n’est pas une petite récitation tranquille d’un « Notre Père » … de façon un peu automatique… et hop, c’est fini !

Comme la Bible nous l’enseigne : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée… et Tu aimeras ton prochain comme toi-même.… » (cf. Mt 22), je crois que le Christ veut nous dire au sujet de la prière :
« Quand tu pries… fais le avec tout ton cœur, de toute ton âme, et toute ta pensée ! »  - 

Amen !

Lectures bibliques


Proverbes 16 (v.1-3.9). 1Les humains forment des projets, mais c'est le Seigneur qui a le dernier mot.
2Chacun pense agir toujours correctement, mais le Seigneur examine le fond du cœur.
3Confie au Seigneur ce que tu fais, et tes projets se réaliseront. […]
9Les humains tracent leur chemin, mais c’est le Seigneur qui assure la marche.


LUC 11 (v.1-13). 1[Jésus] était un jour quelque part en prière. Quand il eut fini, un de ses disciples lui dit : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean l'a appris à ses disciples. » 2Il leur dit : « Quand vous priez, dites :
Père,
fais connaître à tous qui tu es,
fais venir ton Règne,
3donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour,
4pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous,
et ne nous conduis pas dans la tentation. [Et permets que nous ne soyons pas emportés dans l’épreuve] »

5Jésus leur dit encore : « Si l'un de vous a un ami et qu'il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire : “Mon ami, prête-moi trois pains, 6parce qu'un de mes amis m'est arrivé de voyage et je n'ai rien à lui offrir”, 7et si l'autre, de l'intérieur, lui répond : “Ne m'ennuie pas ! Maintenant la porte est fermée ; mes enfants et moi nous sommes couchés ; je ne puis me lever pour te donner du pain”, 8je vous le déclare : même s'il ne se lève pas pour lui en donner parce qu'il est son ami, eh bien, parce que l'autre est sans vergogne, il se lèvera pour lui donner tout ce qu'il lui faut.
9« Eh bien, moi je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. 10En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira. 11Quel père parmi vous, si son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu de poisson ? 12Ou encore s'il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? 13Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent. »


LUC 18 (v.1-8). 1Jésus leur dit une parabole sur la nécessité pour eux de prier constamment et de ne pas se décourager. 2Il leur dit : « Il y avait dans une ville un juge qui n'avait ni crainte de Dieu ni respect des hommes. 3Et il y avait dans cette ville une veuve qui venait lui dire : “Rends-moi justice contre mon adversaire.” 4Il s'y refusa longtemps. Et puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu ni ne respecte les hommes, 5eh bien ! parce que cette veuve m'ennuie, je vais lui rendre justice, pour qu'elle ne vienne pas sans fin me casser la tête.” »
6Le Seigneur ajouta : « Ecoutez bien ce que dit ce juge sans justice. 7Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Et il les fait attendre ! 8Je vous le déclare : il leur fera justice bien vite. Mais le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

 

dimanche 6 octobre 2024

Accéder au chemin resserré qui mène à la vie

 Lectures bibliques : Mt 5,3 ; Mt 5, 43-45 ; Mt 6,33 ; Mt 7, 1-2 ; Mt 7, 13-14 ; Mt 16, 24-27 = voir texte en bas de cette page.
Thématique : Accéder à la porte étroite et au chemin resserré qui mène à la vie
Prédication de Pascal LEFEBVRE - Bordeaux, le 06/10/2024 (temple du Hâ)


L’Évangile est une « Bonne Nouvelle » : celle de l’amour de Dieu… cet amour qui nous est offert… et que Jésus-Christ est venu manifester.

Pour autant, nous l’entendons aujourd’hui… cette Bonne Nouvelle n’est pas seulement une information à entendre qui s’adresse à notre intellect… Elle est une Parole à recevoir au creux de notre existence… une Parole qui appelle un changement de mentalité, une ouverture du cœur, une transformation profonde de notre existence et de notre vie relationnelle (impliquant un nouveau rapport à soi-même, à Dieu et aux autres).

On entend aujourd’hui à travers les textes de ce jour - essentiellement un petit florilège de paroles du sermon sur la montagne - une certaine radicalité, dans cet appel à suivre le Christ.

Au chapitre 7 de l’évangile de Matthieu, Jésus semble présenter deux voies distinctes :
D’une part, une route large - une sorte d’autoroute facile d’accès - mais qui ne mène nulle part.
Et, d’autre part, un sentier étroit et resserré qui, lui, mène à la vie.
Comment comprendre cette image ? Quel est donc ce chemin qui conduit à la vie ?

Évidemment celui qui connait un peu la Bible, a envie de répondre : "Et bien ! C’est le Christ lui-même !"… puisqu’il a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (cf. Jn 14,6).

C’est vrai ! Mais il serait bon de pouvoir en dire un peu plus…
Quel est donc ce chemin que propose Jésus ?

Bien sûr, c’est une question difficile… car pour y répondre, il faudrait relire ensemble tout l’évangile… et à minima les 3 chapitres du sermon sur la montagne (cf. Mt 5 à 7).

Je vous propose de nous arrêter sur quelques points susceptibles de nous éclairer un peu… en se souvenant que Jésus - en tant que Christ - est pour nous le modèle à suivre… puisqu’il a lui-même emprunté ce chemin qui l’a mené à la vie avec l’Eternel… et donc à la vie éternelle.

1) Je dirais, premièrement - en suivant aussi bien les paroles de Jésus que ce qu’il a vécu - cette porte étroite - ce chemin resserré, c’est d’abord le chemin du don de soi.

J’en veux pour preuve ce que Jésus exprime un peu plus loin - au chapitre 16 (v.24-25) dans l’évangile de Matthieu - je cite :
« Si quelqu'un veut me suivre, qu'il s'abandonne lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive.
En effet, celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. »


Que signifie s’abandonner / se renier soi-même ?
N’est-ce pas d’abord renoncer à l’image que l’on a de soi-même ?
Ne s’agit-il pas de lâcher ce « moi », cet « ego » qui prend tant de place ?… et parfois toute la place ?
Ne faut-il pas entendre ici la nécessité d’un lâcher-prise, d’entrer dans un forme de « déprise », une dé-préoccupation de soi-même ?

Il me semble que c’est ce que l’on fait dans le geste même de la prière - on se décentre de soi-même pour se tourner vers un Autre, vers Dieu - ou mieux encore dans la méditation : il s’agit d’accepter de lâcher son égo, son mental… ses soucis, ses préoccupations… de s’abandonner totalement… pour entrer dans une confiance… où le « moi » s’éteint… et laisse place à une part intérieure plus profonde : le vrai Soi qui est connecté au Divin.

Ce lâcher-prise du moi… cette dé-préoccupation de l’égo (avec ses soucis, ses ressassements, son mental, ses projections, ses jugements, …) a une vertu : c’est qu’il ouvre, en nous, un espace pour accueillir autre chose que soi-même : il permet d’une part, de se tourner vers Dieu - vers une altérité - qui nous ouvre à la nouveauté… et, d’autre part, de se tourner vers les autres, de s’intéresser à eux, de pouvoir les regarder, les aider et les aimer.

La dé-préoccupation de soi, nous ouvre à l’amour.

En d’autres termes, ce lâcher-prise, cette dé-préoccupation de soi est un geste d’abandon de l’égo - Ce qui peut faire peur, bien évidemment ! Car notre égo, lui, veut exister et garder sa place -… C’est un geste de don de soi… Car il va créer en nous une ouverture… qui va élargir notre conscience vers Dieu et vers les autres.

Pour Jésus, il y a une promesse dans ce geste de déprise… de don de soi… c’est qu’en se donnant… en apprenant à lâcher son égo, pour s’ouvrir à Dieu et aux autres… on va trouver le chemin vers la vie… on va finalement se trouver soi-même… en trouvant « la perle précieuse », « le trésor caché dans le champ » (cf. Mt 13, 44-46), à savoir le vrai Soi connecté au Divin.

Aussi, je crois qu’on pourrait traduire librement ce passage de l’évangile de la façon suivante :
« Qui veut sauver sa vie (et la conserver pour lui-même) la perdra… mais qui osera la perde / qui osera la donner, la trouvera vraiment »
Ou pour le dire encore autrement : Qui reste dans l’égo perdra son temps, parce qu’il ne trouvera rien d’autre que lui-même (ou plutôt l’apparence ou le masque de lui-même)…
Qui osera lâcher son égo et risquer sa vie en la donnant - en entrant dans le don de soi - celui-là la trouvera véritablement.


Il faut se souvenir, en effet, dans quel contexte Jésus prononce ses paroles :
Alors qu’il annonce pour la première fois sa passion (sa mort et sa résurrection)… il prévient ses disciples qu’il va devoir entrer dans le don de soi le plus radical… il s’expose immédiatement à une réprimande de Pierre, qui lui dit : « Que Dieu t’en préserve ! ».
Jésus l’interpelle alors fortement en disant : « Arrière, Satan ! (Derrière moi Tentateur !) Tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (cf. Mt 16, 21-23).

Le premier point à retenir, peut-être - pour emprunter ce sentier étroit et resserré que Jésus propose à ses disciples - c’est l’acceptation d’entrer dans le don de soi !

2) Deuxième élément de ce chemin, c’est l’entrée dans la pleine confiance en Dieu. En fait, les deux choses sont liées…
On ne peut accepter de pleinement lâcher prise et de se donner… que parce qu’on sait que Dieu lui-même est don… qu’il se donne… en nous offrant son amour et sa confiance.

Ce chemin resserré dont parle Jésus, c’est donc le chemin de la confiance en Dieu… confiance en la Providence de Dieu.

Et, bien sûr, nous avons en mémoire le texte du sermon sur la montagne au chapitre 6, où Jésus appelle ses disciples à sortir des soucis matériels… à dépasser leurs préoccupations quotidiennes (centrés sur leurs besoins, sur la nourriture ou le vêtement)… pour « chercher le règne de Dieu et sa justice » (cf. Mt 6, 24-35).

Ce qui fonde cette élargissement de conscience, cette quête de Dieu et de la justice… parallèlement à cette dé-préoccupation du « moi »… C’est - nous dit Jésus - la foi en la Providence de Dieu.

Si effectivement Dieu connait nos besoins… si Dieu veille incognito… s’il agit de façon secrète et cachée… s’il nous soutient, d’une façon ou d’une autre… nous pouvons lui faire confiance et sortir du souci de nous-mêmes… pour prendre soin, à la fois, de notre relation à Dieu et de nos relations aux autres…

Sachant que Dieu veille… nous pouvons agir - et entrer dans la confiance et le don de soi - en offrant au monde et aux autres plus d’attention et de douceur, plus de compassion, de consolation, de paix… afin d’apporter de la justesse et de justice… et de la fraternité… là où il en manque… face aux misères, à l’égoïsme, aux violences ou aux injustices de toutes sortes.

3) On rejoint là, dans cette voie - et c’est le 3ème point - le chemin des Béatitudes - qu’on retrouve au début du sermon sur la montagne.

Et on se souvient que sur le chemin des béatitudes, le premier enseignement concerne l’humilité.
« Heureux les pauvres de coeur - les pauvres en eux-mêmes - le royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3).

Là encore, Jésus nous fait comprendre que si nous vivons dans l’orgueil… si nous sommes plein de nous-mêmes… il n’y aura pas vraiment de place possible pour Dieu dans notre coeur et notre vie.

Le chemin avec le Christ commence donc par l’humilité : reconnaitre que nous ne sommes pas « auto-suffisants »… que nous ne pouvons pas compter sur nos seules forces… que nous avons besoin de Dieu, de sa confiance et de son amour, pour trouver le chemin de la vie véritable.

Cette route (ce sentier) avec Dieu - qui commence par l’humilité - nous permet d’accepter et de reconnaitre notre non-savoir et notre non-maitrise… et, par là-même, notre vulnérabilité, nos fragilités et nos failles… et donc de laisser Dieu agir, pour nous permettre de progresser dans le chemin de l’ouverture du coeur.

C’est ce que les réformateurs ont appelé la « Sanctification », comme processus de transformation sous l’effet de l’Esprit saint… qui sans cesse nous offre courage, inspiration et discernement… nous permettant ainsi de nous améliorer dans la voie de l’amour.

4) & 5) Ce chemin d’humilité - et ce sont les 4ème et 5 ème points - nous conduit à deux attitudes complémentaires : D’une part, à sortir du jugement. Et, d’autre part, à entrer dans la gratuité.

Effectivement, si nous sommes assez humbles et conscients de notre condition humaine (toujours faillible et imparfaite), nous savons que nous ne sommes pas meilleurs que les autres.
Et cela nous amène à faire preuve de bienveillance et d’indulgence à l’égard d’autrui. Car personne n’est à l’abri d’une chute, d’un déséquilibre, d’une faille ou d’une faiblesse…

Cela nous conduit à vivre ce que Jésus nous propose au début du chapitre 7 du sermon sur la Montagne, à savoir : à ne plus nous poser en juge vis-à-vis des autres… car nous ne sommes pas parfaits, et nous ne sommes pas à la place de Dieu (cf. Mt 7, 1-5).

Ce que propose Jésus est en réalité libérateur… libérateur pour soi-même et pour les autres… car sortir de son intransigeance et de ses exigences… pour entrer dans la bienveillance et l’indulgence… évite d’avoir des attentes démesurées vis-à-vis de soi-même, aussi bien que vis-à-vis des autres.

Enfin, l’humilité nous permet également de développer un nouveau regard sur la réalité : non pas sur ce qui manque ou ce qui fait défaut - mais sur ce qui est bon… y compris en nous-mêmes.

La voie de l’humilité nous permet d’envisager ce qui est « bon » sous un nouvel angle :  La bonté relève de l’action de Dieu en nous.

Si nous comprenons que la spiritualité - la relation que nous entretenons avec le Divin - nous permet d’accéder à la meilleure part de nous-mêmes… nous comprenons que c’est Dieu qui réalise toute chose bonne en nous - par l’inspiration et l’énergie d’amour qu’il nous offre…  et nous prenons conscience - par là-même - que ce que nous pouvons donner - en matière d’amour - vient en réalité de Dieu lui-même (qui est Amour).

Ainsi, si nous ouvrons notre coeur à Dieu… s’il nous fait croitre, s’il nous fait grandir… c’est grâce à lui que nous pouvons - dès lors - offrir le meilleur qui est en nous … et c’est grâce à lui que nous entrons dans une nouvelle dimension qui est celle de la gratuité.

Ce faisant… nous sortons du système courant - qui est la logique du monde - fondée sur la réciprocité.

La réciprocité, c’est le système marchand du « donnant-donnant » et des relations de miroir : je donne pour recevoir… je fais telle chose contre telle autre.
Dans ce système, il n’y a que l’échange et des relations « commerciales »…  Rien ne se donne vraiment, tout doit se vendre ou se mériter… que ce soit avec Dieu ou avec le prochain.

En régime de gratuité, c’est différent !  
Nous pouvons offrir le meilleur de nous-mêmes sans attendre de retour…
Bien sûr, nous pouvons peut-être espérer intérieurement que les actes gratuits que nous offrons par amour, par bonté, par gentillesse, par ouverture du coeur trouveront peut-être un peu d’échos… et, pourquoi pas, un peu de reconnaissance ou de gratitude… - Après tout, peut-être que Dieu espère, lui aussi, un peu de gratitude de notre part - … mais ce n’est pas là l’objet du don.

Nous entrons dans le régime nouveau de la gratuité, car c’est ainsi que Dieu agit, par amour… lui qui est pure Grâce… Lui qui « fait lever son soleil sur les bons et les méchants… et pleuvoir sur les justes et les injustes » … gratuitement (cf. Mt 5, 43-48).

Nous entrons alors - comme Dieu - dans la joie… le joie de donner, la joie de la gratuité…

Et de ce fait, nous revenons au premier point évoqué au début de cette méditation : nous sommes dans le don de soi : tout simplement !  Car vivre, c’est aimer, c’est donner, c’est pardonner !

Quelques mots pour conclure…   Nous avons donc cheminé à travers quelques clefs du sermon sur la montagne… qui nous ouvrent la porte étroite… permettant d’emprunter le sentier resserré… qui conduit à la vie.

D’un côté… dit le Christ…vous pouvez choisir l’autoroute facile d’accès qui ne mène nulle part… et qui conduit même à se perdre.… Il suffit, pour cela, de rester dans la satisfaction de son égo, dans l’orgueil et le système de la réciprocité.

Ou, d’un autre côté, vous pouvez oser… vous risquer à vous dessaisir de vous-mêmes… laisser déployer le lâcher-prise, pour entrer dans la pleine confiance en Dieu et le don de soi… en ayant conscience que tout vient de Dieu… en restant humble… sans jugement à l’égard d’autrui… et donnant tout simplement le meilleur de vous-mêmes…

Et alors… si tel est le cas… vous marchez déjà à la suite de Jésus-Christ… sur ce chemin resserré - mais prometteur… qui mène à la vie.

Je vous propose de conclure par une prière inspirée de FRANÇOIS D’ASSISE

Seigneur, fais de moi un instrument de ta Paix.
 
Là où il y a de la haine (en moi), que je mette l’Amour.

Là où il y a l’offense (en moi), que je mette le Pardon.

Là où il y a la discorde (en moi), que je mette l’Union.

Là où il y a l’erreur (en moi), que je mette la Vérité.

Là où il y a le doute (en moi), que je mette la Foi (la confiance).

Là où il y a le désespoir (en moi), que je mette l’Espérance.

Là où il y a les ténèbres (en moi), que je mette Ta Lumière.

Là où il y a la tristesse (en moi), que je mette la Joie.

Ô Maître (Seigneur, Dieu de tout amour)
 
que je ne cherche pas (ne m’efforce pas) tant à être consolé.e 
qu’à consoler,
à être compris.e qu’à comprendre,

à être aimé.e qu’à aimer,

car c’est en donnant que l’on reçoit,

c’est en s’oubliant (soi-même) que l’on (se) trouve (soi-même),

c’est en pardonnant qu’on est pardonné.e, (on obtient le pardon)
 

c’est en mourant (à soi-même, à son égo) qu’on ressuscite à l’éternelle vie (dans le vrai Soi lié à ta divine présence).

Amen.

Lectures bibliques : Mt 5,3 ; Mt 5, 43-45 ; Mt 6,33 ; Mt 7, 1-2 ; Mt 7, 13-14 ; Mt 16, 24-27

Mt 5,3
3« Heureux ceux qui sont humbles de cœur, car le royaume des cieux est à eux !
 

Mt 5, 43-45
43Vous avez entendu qu'il a été dit : “Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.” 44Eh bien, moi je vous dis : aimez même ceux qui vous traitent en ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. 45Ainsi vous deviendrez les enfants de votre Père qui est dans les cieux. Car il fait lever son soleil aussi bien sur les méchants que sur les bons, et il fait pleuvoir sur ceux qui font sa volonté (les justes) et ceux qui ne la font pas (les injustes).

Mt 6,33
33Cherchez d'abord le règne de Dieu, cherchez à faire sa volonté (sa justice), et Dieu vous accordera tout le reste.

Mt 7, 1-2
1Ne portez pas de jugement afin que Dieu ne vous juge pas non plus. 2Car de la manière dont vous jugez, vous serez jugés. La mesure que vous employez pour mesurer sera aussi utilisée pour vous.

Mt 7, 13-14
13Entrez par la porte étroite ! Car large est la porte, facile est le chemin qui mène à sa propre perte (la perdition) et nombreux sont ceux qui s'y engagent. 14Mais combien étroite est la porte et difficile (resserré) le chemin qui mènent à la vie ; peu nombreux sont ceux qui les trouvent.

Mt 16, 24-27
24Puis Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu'un veut me suivre, qu'il s'abandonne lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive. 25En effet, celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la retrouvera. 26À quoi bon gagner le monde entier, si c'est au prix de sa vie ? Que donnerait-on en échange de sa vie ?
27En effet, le Fils de l'homme va venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon la façon dont il aura agi.

dimanche 29 septembre 2024

Dieu est-il interventionniste ?

Lectures bibliques : Lc 8, 22-25 ; Lc 15, 1-10 ; Lc 19, 10 = voir textes en bas de cette page.
Thématique : Dieu est-il interventionniste ?
Prédication de Pascal LEFEBVRE - Bordeaux, le 29/09/24 - temple du Hâ


* Quelle image de Dieu nous donnent les passages bibliques que nous venons d’entendre ? Ils nous posent bien des questions…

D’un côté, vous avez l’image stimulante et réconfortante offerte par les paraboles de Jésus qui nous présentent Dieu comme… une réalité attentionnée… une force d’amour… capable d’intervenir pour chacun… y compris pour des gens ni aimés, ni aimables… pour les pécheurs et les perdus (que nous-mêmes sommes parfois).

A l’image d’un Berger vigilant… Dieu veille… Il est celui qui part à la recherche de la brebis perdue…
Il a donc des égards, de l’attention et de la bienveillance pour chacun… même pour celui (ou celle) qui s’est éloigné(e) de lui.

Et - bonne nouvelle ! - ce Dieu-Berger obtient des résultats concrets : puisque dans la parabole, il parvient à retrouver cette brebis perdue… et à la persuader de revenir avec lui.

Que ce soit pour la brebis ou pour la pièce égarée, les petites paraboles décrivent la joie partagée des retrouvailles :
Il y a de la joie auprès de Dieu quand un homme pécheur admet que Dieu le cherche… et quand il accepte de se laisser trouver.

D’un autre côté, dans l’autre texte - le récit de la tempête apaisée - l’image de Dieu proposée par Luc est sensiblement différente…
On a plutôt l’image d’un Dieu calme… trop calme - peut-être ? -…. qui navigue entre sérénité, confiance absolue… et insouciance - peut-être même inconscience - … puisqu’il brille par son apparente inactivité et son sommeil … Et il est nécessaire de l’appeler et de le réveiller, face aux dangers ou aux malheurs qui risquent de nous submerger.

Certes, le récit pointe sur la question de la confiance, de la foi…
Même face aux forces chaotiques du mal, le croyant sait qu’il peut compter sur Dieu et il est appelé à Lui faire confiance…
Mais, en même temps, ce récit révèle l’expérience du doute et de la peur : Comment se fait-il que Dieu semble parfois effacé voire inactif ?…
Que fait Dieu face au mal susceptible de nous tomber dessus ?

Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre de ces passages bibliques, la question posée est celle de l’intervention de Dieu dans notre monde :
Dieu intervient-il ? Et si oui, comment intervient-il ?

* C’est un fait : La Bible est pleine de miracles ! Mais faut-il croire à tous ces miracles ? Ne viennent-ils pas contredire ou contrarier notre expérience habituelle et ordinaire de la vie ?

Certains y croient… D’autres, non !
Le problème n’est pas tant de savoir si des choses incroyables, merveilleuses et incompréhensibles se produisent autour de nous… Car oui - elles se produisent ! - même si, parfois, nous ne le voyons pas forcément. Mais de savoir qui en est l’auteur : Dieu intervient-il dans notre réalité… si, oui, le fait-il directement… comme une extériorité qui s’imposerait avec force ? Ou le fait-il, de façon beaucoup plus subtile… par l’intériorité… de façon discrète et cachée ?

Ceux qui refusent de croire aux miracles devraient peut-être envisager que la vie elle-même est un miracle… que nous sommes nous-mêmes des petits miracles : la création toute entière (l’univers, le monde, la nature, dans tout ce qu’il a de beau et de bon) est un miracle… notre existence, nos relations, l’amour ou l’amitié que nous partageons, sont des miracles…

Pour la Bible, Dieu est créateur et régénérateur… il est « Dynamisme créateur »… Il est l’Eternel, le Vivant… la Source du monde visible et invisible.

Le fait de croire ou non aux miracles… pose la question de l’agir divin :
Y a-t-il une Providence divine qui veille ?
Dieu est-il interventionniste ? Et si oui, comment ?


L’enjeu de la foi chrétienne est d’essayer de sauvegarder, à la fois, la puissance de Dieu et la liberté humaine… face au bien (au bonheur), comme face au mal (ou au malheur).

On ne peut pas croire à l’impuissance de Dieu (sinon, il ne serait pas Dieu… et, alors, à quoi bon la foi et la prière)… On ne peut pas croire, non plus, que l’humain soit complètement déterminé ou manipulé (telle une marionnette) par une force supérieure et céleste qu’on appelle Dieu (sinon, il ne serait plus libre… et donc plus responsable de rien).

La réponse la plus pertinente - je crois - à cette question est de ne pas séparer le Créateur de ses créatures… de ne pas séparer Dieu et l’être humain…  de ne pas séparer le spirituel du matériel… et de ne pas non plus séparer la foi de la raison.
La foi est ce qui donne de la profondeur à la raison. Elle ne se prouve pas mais elle s’éprouve.

Je vous propose - ce matin - quelques éléments de réponses à toutes ces questions :

1) Premier point : Pour la plupart des auteurs bibliques, Dieu agit, il est puissant…
La Bible est à elle seule une petite bibliothèque portative de livres, qui montrent qu’il a été important pour leurs auteurs de transmettre aux génération successives ce qu’autrefois Dieu a réalisé pour nous et ce qu’il continue de faire pour chacun. Les récits miraculeux servent à le dire.


De nombreux textes de la Bible font mémoire des interventions de Dieu dans l’histoire humaine.
Il suffit de penser à quelques récits fondateurs et spectaculaires de l’Ancien Testament, comme dans le livre de l’Exode, où le peuple hébreux conduit par Moïse, est sauvé de l’esclavage des égyptiens et de la mort, grâce au passage - à l’ouverture - des eaux de la mer, qui permettent d’échapper à l’armée de Pharaon (cf. Ex 14)…

Ou encore, il suffit de songer au cycle de Joseph, à la fin du livre de la Genèse : une histoire pleine de rebondissements providentiels… où la famille de Joseph et tous ceux qui deviendront les fondateurs des futures tribus d’Israël sont finalement sauvés, grâce au fait que Joseph ait eu des rêves inspirés, qu’il ait été vendu et forcé d’aller en Egypte (cf. Gn 37 à 50).

Toutefois, en lisant ces textes, il faut comprendre quel est leur « statut » :
Il ne s’agit pas de comptes-rendus historiques objectifs. Ils servent avant tout à faire mémoire et à transmettre des informations essentielles aux générations suivantes :
Ce que les croyants juifs ont compris de leur alliance avec Dieu, est une relecture - a postériori - de leur histoire : ils ont discerné, dans leur parcours au fil du temps, la trace de la présence providentielle de Dieu…
Même au milieu des malheurs, Dieu était là avec eux… Il a ouvert des chemins, malgré les vicissitudes et les incertitudes.

En même temps, il est possible de penser que certains récits fondateurs ont pu être « amplifiés » au cours de leur transmission… au point de ne plus pouvoir distinguer - avec le temps - l’histoire réelle de ses aspects mythiques.

Comment croire, en effet, que Dieu ait ouvert les eaux en deux, de façon aussi spectaculaire que le montre, par exemple, le film épique américain « les dix commandements » (de Cecil B. DeMille)… vous savez ce fameux film sorti en 1956 avec Charlton Heston ?

Si Dieu est intervenu, les choses ne se sont certainement pas passées ainsi… mais davantage par un concours de circonstances.

Cela ne veut pas dire, bien sûr, que tout serait « légendaire »… mais que ce qu’on appelle « miracles » est souvent l’effet d’une relecture - après coup - qui tente de comprendre et de dire l’action bénéfique de Dieu pour soi et pour les croyants, dans une histoire personnelle et communautaire.

La foi consiste à dire - avec le recul - que Dieu était bien là avec nous… qu’il nous a guidé… influencé… malgré les obstacles… que d’heureuses coïncidences - peut-être inattendues, mais salvatrices - se sont présentées… et que tout s’est passé dans le sens du salut, d’une libération, d’une délivrance (face aux malheurs)… alors que les choses semblaient initialement perdues ou dans l’impasse.

Grâce à Dieu, une porte de sortie s’est ouverte… Dieu a insufflé une ouverture… Une solution miraculeuse est apparue… dans une situation a priori fermée et peut-être même mortelle.

L’enjeu est donc de transmettre cette confiance en l’action providentielle de Dieu à ceux qui suivront : les enfants, les petits enfants, et ceux qui viendront ensuite…

2) Deuxième point : il y a également un décalage culturel avec ces textes anciens. Notre vision du monde et notre rationalité ont évolué au cours du temps. Les récits qui autrefois ne posaient pas de problème, soulèvent aujourd’hui de grandes difficultés d’adhésion ou d’acceptation.
Ils nous imposent - d’une part - de développer une nouvelle vision des miracles… sans doute plus sensible, plus modeste et moins spectaculaire… - et, d’autre part - de réfléchir à notre vision du monde : Y a-t-il un monde spirituel au-dessus (ou à côté) de notre monde matériel ?


Un autre point qui pose question dans la définition courante du mot « miracle », en tant que « fait extraordinaire qui porte à l’étonnement et à l’admiration »… c’est de savoir si Dieu qui est le Vivant - le « fondement de l’être » - à l’origine de la vie (en tant que potentialité et réalité)… Dieu qui serait Celui qui a posé un cadre au développement possible de la vie dans l’univers et sur la terre… par le fondement de lois naturelles : les lois de l’univers (dont nous connaissons certaines implications matérielles, comme la loi d’attraction)… si Dieu pourrait - d’une manière ou d’une autre - venir contrecarrer ou surmonter les lois physiques qu’il a lui-même fondées, par des actions particulières ou singulières.

Si Moïse a pu ouvrir les eaux… si Jésus a pu marcher sur l’eau… s’agit-il de récits symboliques ? Ou cela indique-t-il que ces hommes de Dieu ont trouvé la possibilité - en se connectant au divin / au monde spirituel - de surmonter provisoirement les lois de l’univers ? Est-ce vraiment possible ?

Des humains peuvent-ils initier ou provoquer du « surnaturel » ?
Ou faut-il penser que ce qu’on appelle « surnaturel » est seulement quelque chose au dessus du « naturel » que l’on n’explique pas encore… comme une incursion du « spirituel » (c’est-à-dire d’un autre plan invisible) dans le « matériel » ?

Dieu peut-il nous offrir - par le biais de la sphère « spirituelle » (par une élévation vibratoire) - la possibilité d’agir sur le monde dense de « la matière » (sur ce qui vibre de façon plus lente et plus lourde) ?
Au XXIe siècle, nous n’avons pas encore la réponse à cette question !  

Mais cette hypothèse est intéressante : Dieu agirait de façon mystérieuse et invisible, tout simplement parce qu’il agirait dans un autre plan… une autre dimension de la réalité… par la sphère spirituelle… et non directement de façon matérielle.

D’une certaine manière, cette façon de voir rejoint la pensée du théologien Rudolf Bultmann.
Pour lui, l’action de Dieu ne se situe pas directement dans l’ordre du matériel ou du scientifiquement démontrable.
Ce n’est pas en analysant les causes et les effets qu’on peut saisir les actions de Dieu. Ce n’est pas dans la production des évènements que Dieu se manifeste, mais en eux, de façon secrète.
L’action de Dieu est par définition cachée, puisqu’elle est d’un autre ordre que celui des évènements « mondains ».

En réalité, cette idée selon laquelle Dieu agirait de façon cachée n’est pas nouvelle. De façon imagée, une douzaine de Psaumes affirment que Dieu cache par moment son visage (voir aussi Es 45,15).

Aussi, la foi consiste… non pas à savoir… mais à s’en remettre à Dieu… et à lui faire confiance… en pensant qu’il peut créer et innover… qu’il a des solutions (que des potentialités insoupçonnées peuvent apparaitre) que nous n’avons pas… que les choses ne reposent pas seulement sur nous, sur nos forces humaines limitées… sur notre vision partielle et réduite de la réalité… mais sur un au-delà et un ailleurs - sur une altérité - capable d’ouvrir des portes … et de rendre possible ce qui semblait a priori impossible.

La foi consiste à oser croire en l’action providentielle de Dieu…
Même si nous ignorons encore comment les choses se passent, nous pouvons lui faire confiance : Si Dieu est vraiment l’Eternel… s’il est Esprit, s’il est Amour… il a possède des potentialités inouïes et inimaginables.

3) Troisième et dernier point : la foi est à comprendre comme une ouverture qui laisse place à Dieu … qui lui laisse la possibilité d’agir de façon discrète et cachée… par son Souffle, son Esprit saint.

En ce qui nous concerne, nous vivons dans un monde matérialiste et nous sommes des êtres doués de raison. Logiquement, nous voudrions comprendre : si Dieu agit ici-bas… comment fait-il ?
La Bible donnent quelques réponses. Remarquons qu’elle relie souvent ce qu’on appelle « des miracles » ou « des signes » à la question de « la foi ».

Le Nouveau Testament, en particulier, met en avant le rôle de foi dans la possibilité d’action du divin dans l’humain.  
« Qu’il te soit fait selon ta foi » ou encore « ta foi t’a sauvé » disait Jésus (cf. Mt 8,13 ; Mc 10,52 ; Lc 7,50 ; Lc 17,19…). Cela signifie que la confiance est une attitude d’ouverture favorable à l’action de Dieu.

Si je demande à Dieu sa force ou son inspiration… ou si j’ai besoin d’un courage particulier pour affronter une situation difficile… il faut aussi que je m’ouvre à Lui… que je lâche (au moins provisoirement) mon désespoir, mon égo, mes peurs, mes enfermements… et que je Lui laisse ouvertes les portes de mon coeur et de ma vie…
Car je ne vois pas bien comment la Providence divine pourrait agir de façon subtile et spirituelle… si je suis fermé à toute altérité et à toute aide.

Même si certains récits bibliques semblent spectaculaires… d’autres montrent que Dieu agit - non pas, comme par magie, d’un point de vue extérieur - mais en nous, dans l’humain, par l’intériorité… Il agit de façon cachée… par son Souffle, son Saint Esprit.

C’est la raison pour laquelle le Christ invite régulièrement ses interlocuteurs à ouvrir leur conscience et à élargir leur coeur…
Si Dieu est Amour, il intervient d’abord dans les coeurs les plus disponibles et les consciences les plus ouvertes…. à l’image de celles des enfants - disait Jésus (cf. Mt 19,14).

Penser que Dieu intervient en nous… avec l’ouverture du coeur… permet de sauvegarder la liberté humaine… et de comprendre que Dieu ne veut rien forcer.

Je pense, pour ma part, que la plupart des récits bibliques qui parlent de violence - y compris de la violence de Dieu - sont des interprétations humaines… qui - faute de mieux - plaquent sur Dieu des attributs humains, comme la vengeance, la colère, la punition… et que tout cela n’a rien à voir avec l’altérité de Dieu.

Jésus - de son côté - présente le Père, comme une réalité compatissante et pleine d’amour… comme un réalité qui nous appelle nous-mêmes à la non-violence.

C’est en ce sens qu’on peut comprendre la manière de voir de Jacques Ellul, qui a développé le concept de « non-puissance ».
Si le monde est tel que nous le voyons … ce n’est pas que Dieu soit impuissant : il pourrait décider d’imposer les choses par la force, mais alors, il ne serait plus un Dieu d’amour. Aussi Dieu choisit-il la « non-puissance ».  

Jacques Ellul écrit ainsi : « La non-puissance, ce n’est pas l’impuissance, mais la décision de celui qui la détient de ne pas s’en servir »…
en tout cas pas à la manière humaine, par la force qui écrase !

Aussi… je crois qu’on ne peut pas simplement balayer du revers de la main tous les récits de miracles, en disant que tout cela est vraiment trop « incroyable » pour être vrai… mais qu’on peut davantage revoir notre manière d’envisager l’intervention du divin dans l’humain… l’action du spirituel (de l’amour) dans l’ordre matériel…

Nous devrions peut-être penser la possibilité d’intervention spirituelle de Dieu en lien avec la foi et l’ouverture du coeur… et nous pourrions ainsi sauvegarder la puissance de Dieu (sa capacité à ouvrir des potentialités) avec la liberté et la responsabilité humaine.

S’ouvrir à la confiance en Dieu, est un choix individuel auquel le Christ ne cesse de nous appeler.  Avec l’idée que cette foi est transformatrice… qu’elle peut libérer en nous… par l’ouverture spirituelle au divin… de nouvelles potentialités… et la possibilité de changements profonds dans notre vie et notre monde.

Pour reprendre l’image de la parabole de Jésus : Dieu est peut-être une réalité bienveillante à l’image d’un Berger… mais - si je suis (pour ma part) comme une brebis ou un mouton - une question se pose : est-ce que j’accepte de me laisser trouver par Dieu ? … par l’amour du Dieu-berger ?
Est-ce que j’accepte de lui ouvrir mon coeur et de le suivre… pour découvrir de nouveaux chemins ?

J’ai toujours la possibilité de répondre « oui » ou « non » à son appel, même s’il me manifeste des signes d’amour.
D’une manière ou d’une autre, je peux les recevoir ou m’en détourner.

Ce que veut nous faire comprendre la Bible, c’est qu’il y a plus de chance que ma vie ressemble à un « miracle », si je l’ouvre à sa dimension spirituelle et relationnelle… si j’ouvre mon coeur à Dieu.

Quelques mots pour conclure…

Revenons donc - pour finir - à la question : comment Dieu intervient-il dans nos existences ?

Soyons humbles dans notre tentative de réponse !
L’action de Dieu est certainement insaisissable… elle nous échappe toujours. Pour autant, que pouvons-nous en dire ?

On pourrait penser - je crois - que si Dieu intervient, c’est certainement sur un plan spirituel… car Dieu est Esprit… c’est par son St Esprit - son vent, son souffle sacré - qu’il agit… C’est par la partie la plus haute de notre réalité qu’il peut influencer les sphères les plus basses et plus denses allant vers la matérialité.

Pour ma part, je pense donc que c’est par son St Esprit que Dieu nous accorde ce dont nous avons besoin pour évoluer : à savoir, discernement, imagination, confiance, courage, paix intérieure, patience, douceur, intelligence du coeur (cf. aussi « les fruits de l’Esprit » dans Ga 5, 22-23).

La Bible nous montre que Dieu intervient de plusieurs façons :

Il agit dans le coeur des êtres humains… par l’ouverture du coeur.
Par la prière et la méditation, il nous transforme.
Il nous parle également par nos lectures… par les Ecritures - par la Bible-… qui nous éclairent et changent notre état d’esprit… notre façon de penser ou de nous comporter.
Il intervient également par nos rêves ou notre inconscient. Dans la Bible, les rêves inspirés par Dieu sont relativement nombreux.
Ou encore, il agit imperceptiblement par d’heureuses coïncidences…ou par des signes d’amour : comme des rencontres… Il est questions d’anges ou de messagers dans la Bible… En grec, c’est le même mot…  Qu’ils soient célestes ou terrestres, comme des personnes bien intentionnées autour de nous, ces messagers existent : de belles rencontres se produisent… qui peuvent modifier le cours de notre vie.

En bref, par l’amour répondu dans les coeurs - par l’Esprit saint - Dieu vient nous guider, nous influencer… Et les paraboles que nous avons entendues aujourd’hui nous le rappellent :

L’action de Dieu provoque toujours la joie !

Qu’il en soit ainsi pour chacun de nous !    Amen.

Lectures bibliques

Lc 8, 22-25
22Un jour, Jésus monta dans une barque avec ses disciples et leur dit :
« Passons de l'autre côté du lac. » Et ils partirent. 23Pendant qu'ils
naviguaient, Jésus s'endormit. Soudain, un vent violent se mit à souffler
sur le lac ; la barque se remplissait d'eau et ils étaient en danger. 24Les
disciples s'approchèrent de Jésus et le réveillèrent en criant : « Maître,
maître, nous allons mourir ! » Jésus, réveillé, menaça le vent et les grosses
vagues, qui s'apaisèrent. Il y eut un grand calme. 25Jésus dit aux disciples :
« Où est votre foi ? » Effrayés, ils étaient stupéfaits et se disaient les uns
aux autres : « Qui est donc celui-ci ? Il donne des ordres même aux vents
et à l'eau, et ils lui obéissent ! »

Lc 15, 1-10
1Les collecteurs d'impôts et les pécheurs s'approchaient tous de Jésus pour
l'écouter. 2Les pharisiens et les spécialistes des Écritures critiquaient Jésus
en disant : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux !
»
3Jésus leur dit alors cette parabole : 4« Si quelqu'un parmi vous possède
cent moutons et qu'il perde l'un d'entre eux, ne laissera-t-il pas les quatre-
vingt-dix-neuf autres dans leur pâturage pour partir à la recherche de celui
qui est perdu jusqu'à ce qu'il le retrouve ? 5Et quand il l'a retrouvé, il est
tout heureux : il met le mouton sur ses épaules, 6il rentre chez lui, puis il
appelle ses amis et ses voisins et leur dit : “Réjouissez-vous avec moi, car
j'ai retrouvé mon mouton, celui qui était perdu !” 7De même, je vous le dis,
il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change de vie
que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'en ont pas besoin.
8Ou bien, si une femme possède dix pièces d'argent et qu'elle en perde une,
ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison et chercher avec soin
jusqu'à ce qu'elle la retrouve ? 9Et quand elle l'a retrouvée, elle appelle ses
amies et ses voisines et leur dit : “Réjouissez-vous avec moi, car j'ai
retrouvé la pièce d'argent que j'avais perdue !” 10De même, je vous le dis, il
y a de la joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui commence
une vie nouvelle. »

Lc 19, 10
« le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. »

 

dimanche 22 septembre 2024

Ouvrir les yeux et les coeurs

Lectures bibliques : Lc 16, 14-16. 19-31 ; Jn 13,35 + Mt 5, 13-16 (volonté de Dieu) = voir textes en bas de cette page

Thématique : Ouvrir les yeux et les cœurs / Parabole du riche et de Lazare

Prédication de Pascal LEFEBVRE / 22-09-2024 à Bordeaux


Voilà le genre de parabole (cf. Luc 16, 19-31) susceptible nous interpeler et de nous poser un certain nombre de questions dérangeantes :
Jésus détestait-il les riches ? Peut-on raisonnablement être chrétien (suivre la voie du Christ) et vouloir être riche en même temps ?
Faut-il avoir peur de l’au-delà - de l’avenir - lorsqu'on vit dans le confort et l’opulence ?
Les riches sont-ils promis à la damnation ? ou à une sorte de malédiction éternelle dans l'au-delà ?


C’est le type d’interrogations qui pourraient facilement nous venir à l’esprit, en écoutant Jésus dans l'Évangile de Luc. Car l’évangéliste semble collectionner un certain nombre de textes éminemment critiques à l'égard de la richesse et de l’argent.

Pensons, par exemple, aux Béatitudes de Luc (cf. Lc 6, 20-26) avec leur formule « Heureux les pauvres… / Malheureux les riches »… Ou encore à l’épisode de la rencontre du jeune homme riche qui finit par se retirer tristement… ou simplement à la parabole du riche insensé (cf. Lc 12, 13-21).
Aujourd’hui encore cette parabole du riche et de Lazare ne semble pas très réjouissante… en tout cas pour les plus fortunés.

Rappelons d'abord qu'il s'agit d'une parabole, c'est-à-dire d'une image, d'une comparaison… qui est censée nous appeler à un déplacement… à un changement de mentalité.

Une interprétation trop rapide ou simplement fondamentaliste risquerait de nous enfermer dans un schéma trop simpliste : A lire trop vite ce passage, en effet, on pourrait en déduire facilement que les riches sont promis à l’enfer, tandis que les pauvres auront accès au paradis. Les choses se passeront ainsi ! Fin de la discussion !

Mais s’agit-il vraiment de cela avec cette parabole ?

Dans cette petite histoire, la première question qui se pose à l’auditeur est la suivante :

Quel est le projet de vie / l’objectif de vie de l’homme riche de la parabole ?  Qu’a-t-il fait de son existence ?

Son but semble assez simple ! En quelque mots, il s’agit de faire la noce et la fête ; de profitez au maximum ; de jouir de la vie ; de vivre dans le confort, l'abondance et le luxe.

La parabole ne nous dit pas que l'homme est mauvais, ni même méchant.
Il ne semble pas faire de mal à quiconque…. en tout cas en apparence…

Car, dans les faits… nous ne savons pas vraiment d'où il tient sa richesse… Est-elle le résultat d’un héritage familial…  ou la tient-il de l'exploitation d’autres personnes… ou de l'exploitation de la planète ? Rien ne nous est dit à ce sujet.

Le problème, en réalité, ne paraît pas être la richesse elle-même. Mais l'indifférence du riche à l'égard des autres, et en particulier, à l'égard, des plus démunis, comme Lazare.

Car l'homme riche semble vivre en circuit fermé, enlisé dans son égoïsme. Il n'est pas méchant, mais séparé des autres.

Autant dire que Jésus n'est pas contre la fête, puisqu'il prend souvent l'image du banquet ou des noces pour parler du Royaume de Dieu… pour parler de la joie à laquelle nous sommes appelés.
Mais faire la fête ne peut pas être l'unique but de la vie… et surtout, s’il s’agit de faire la fête tout seul : ça n’a pas beaucoup de sens !
La véritable joie est toujours partagée !

Aussi les contrastes mis en avant dans cette parabole font facilement ressortir la situation paradoxale du riche et de Lazare :

L’un est riche de biens, vêtu de pourpre et de lin, mais pauvre en relations. Il ne semble pas éprouver d’amour… on ne connaît pas son nom, ni son identité.

Quant à l’autre, Lazare, son nom signifie « Dieu à mon secours » « Dieu aide »… comme s’il voulait dire : en dépit des apparences, « Dieu vient toujours en aide »… « Dieu aide à travers nous »…  ou encore, à qui peut l’entendre : « aide-moi, et le ciel t’aidera » !

Le détail du nom à son importance : le fait que Lazare garde son nom, nous révèle qu'il continue à vivre en relation avec les autres, malgré sa situation et sa misère.

Lazare vit ainsi devant la maison du riche… Il est - pour ainsi dire - en travers de sa route. Il dérange.
Pourtant, il fait désormais partie du décor : Le riche ne le voit plus… contrairement aux chiens - animaux méprisés dans le Judaïsme du 1er siècle - … des chiens qui, eux, semblent voir Lazare, et même prendre soin de ses plaies, à leur manière.

Faut-il voir ici un trait d’humour noir de la part de Jésus… qui montre des chiens - certes impurs - mais beaucoup « humains » (beaucoup plus proches, affectueux et attentionnés) - que l’homme riche.

La parabole brosse ainsi un contraste saisissant entre deux styles de vie : Une vie d’aisance - vécue dans l’entre-soi et l’indifférence - Contre une vie de pauvreté et de misère.

C’est alors que la vie terrestre s’achève… Le sort intermédiaire des deux personnages est le même : ils meurent tous les deux.
Mais voilà qu’ils se retrouvent dans une situation renversée dans l’au-delà.

A l’image d’un miroir inversé, la situation des protagonistes se trouve totalement retournée… de sorte que - comme l’annonce ailleurs l’Evangile - les derniers deviennent premiers, et inversement.

Désormais, Lazare monte : il se trouve du côté de la lumière et de la vie. Tandis que le riche descend : il se trouve du côté obscur. Mais, à nouveau, la séparation entre les deux personnages est toujours là : un grand abime les sépare.

L’image de ce renversement apparent pose question : s’agit-il d’un retournement de situation… ou seulement d’une suite… d’une continuité de ce qui était déjà en mouvement et en jeu ?

A priori, la situation dans l’au-delà peut nous paraitre renversée par rapport à la situation initiale… Mais l’est-elle vraiment ? N’est-elle pas une sorte de prolongement de la situation précédente ?

Je veux dire : le riche était-il du côté de la vie… avant sa mort ?
n'était-il pas - en réalité - déjà du côté de la mort ?
N'était-t-il pas déjà mort à toute compassion ? Mort à la relation ?

Dans son indifférence, il ne voyait déjà plus personne autour de lui… plus de visages humains.

En présentant la situation finale comme une conséquence de ce qui s’est déjà tissé dans l’existence terrestre… la parabole nous laisse entendre que l’homme riche s'est lui-même condamné à l’isolement, par un centrage exclusif sur son propre égo.

L’égo (le « moi ») disparaissant avec la mort… il ne récolte que ce qu’il a semé en matière de relations… c’est-à-dire : rien ! Le néant !
Il ne reste plus rien de ce qu'il a construit… puisque, en réalité, il n’a fondé sa vie que sur des apparences trompeuses… Il n’a rien construit en matière de relation et d’amour avec les autres.

A première vue, le message de la parabole semble clair…  Mais, pourtant, il n’est pas seulement une leçon sur la rétribution… Car alors, ce ne serait pas l’Evangile.
Il est davantage à comprendre comme un appel, une vigilance, un avertissement, qui révèle ce qu’est la vie :

Ce qui rend vivant, c'est d'entrer en relation, c'est de voir les autres, de les entendre, d’entrer en dialogue, de les comprendre, de les aider et les aimer…

Et toi… nous dit la parabole… quel est ton but ?
Quelle est ton projet de vie ?
Comment te situes-tu par rapport cet appel du Seigneur ?
Quelles sont tes priorités dans la vie ?

À travers cette comparaison, cette image… cette simple histoire… Jésus, rappelle à ses auditeurs que ce qui n'a pas été fait ici-bas, ne pourra pas être fait plus tard.

L'ouverture de notre existence - dans sa dimension relationnelle, dans sa dimension « compassionnelle », altruiste - commence ici et maintenant, dans notre incarnation.

L'Évangile est ainsi à entendre comme un appel à la transformation de notre existence présente.
Toute personne est appelée à être ou à devenir un être humain « pleinement humain », c’est-à-dire un être de paroles, de relations et d’échanges.

Ce n'est pas plus tard, ce n'est pas demain (quand les conditions seront plus favorables ou quand nous aurons le temps) que nous sommes appelés à ouvrir notre cœur.
C’est ici et maintenant que nous pouvons commencer à regarder les autres, à entendre leur joie ou leurs maux… et à les accueillir… malgré leur solitude, leur isolement ou leur pauvreté.

En bref, Jésus, nous appelle à ouvrir les bras… à tendre les mains… pour trouver la vie…

Ce n'est pas seulement « une bonne morale » sur laquelle débouche cette petite histoire… une bonne morale qui voudrait juste dire que les pauvres seront consolés et réconfortés…
Mais c’est un appel existentiel à une transformation - produite par la parabole elle-même - puisqu'elle nous saisit et nous informe - à travers une comparaison - de notre « vocation »… de ce qui est attendu de nous dans cette existence… pour trouver la vie.

Le Christ nous rappelle que le moment est venu (et qu’il n’est pas encore trop tard) pour prendre nos responsabilités… pour prendre cette vie à bras le corps… pour tisser des relations… pour ouvrir les yeux et élargir son coeur.

Encore une fois - il faut peut-être insister - le problème de l'homme riche n'est pas sa richesse… Car on est toujours « le riche » de quelqu’un, et « le pauvre » - « le Lazare » - de quelqu'un d’autre.

Le problème de l’homme de la parabole, c'est son indifférence, c'est son insensibilité, c'est qu'il n'a pas ou plus le cœur sur la main… qu’il ne ressent pas ou plus de compassion.

Et c'est le danger que l'évangéliste Luc pointe à travers ses différents récits, par lesquels il condamne - à travers la richesse - en réalité : l’égoïsme, l'avidité, l’indifférence ou l’idolâtrie.

Quand on est dans l'abondance, on risque de ne plus se poser de questions, on risque de ne plus voir le manque ou le malheur autour de nous… on risque d’oublier notre vulnérabilité humaine… et tout simplement de tomber dans l’aveuglement.

Cet aveuglement trouve malheureusement des échos dans notre actualité… Car c’est toujours le risque aujourd’hui… que la plupart des hommes politiques millionnaires et des grands de ce monde… souffrent de la même cécité… et se retrouvent totalement déconnectés de la réalité vécue par la grande majorité des gens… en particulier des plus précaires.

D’ailleurs, ce que pointe ici l’évangéliste Luc est vrai à l’échelle personnelle, des individus… comme à l’échelle de la société et des Etats :
Les pays les plus riches se soucient-ils vraiment des plus pauvres ?
Tout montre le contraire… et chacun pense le plus souvent d’abord à lui-même et ses propres intérêts : son pouvoir, sa force, sa sécurité, ses privilèges et ses richesses… avant de regarder ailleurs.

Cette petite parabole, nous invite donc à un changement profond de regard : Il s’agit, premièrement, de garder les yeux ouverts autour de soi… d'élargir sa vision et sa conscience. Et, deuxièmement, de garder le cœur ouvert, et d’entrer dans la compassion et la solidarité.
Puisque nous partageons une destinée commune - ici-bas et au-delà - il nous appartient de sentir ce lien entre nous et d’agir comme si nous n’étions pas séparés les uns des autres.

C’est peut-être une leçon de la parabole : nous rappeler que le sort des uns est lié au sort des autres… que nous sommes tous unis… et solidaires…
Et que si nous pensons que tel n’est pas le cas dans notre existence, nous risquons de prolonger cette pensée et cette séparation également dans l’au-delà.

Il faut se rendre compte que cette histoire a du être choquante pour les contemporains de Jésus :
A cette époque, où, dans le Judaïsme, on voyait la richesse comme une bénédiction et la pauvreté, comme une sorte de malédiction divine, le Christ opère un véritable renversement… en rappelant que les chances de vie sont inégalement réparties dans l’existence… et que cela ne peut nous laisser insensibles ni indifférents.

Bien sûr… nous ne savons pas pourquoi notre monde semble parfois si inégalitaire, si injuste… Nous ne sommes pas à la place de Dieu…
Mais nous savons aussi que l’homme est souvent « un loup » pour l’homme… que l’égoïsme et l’avidité peuvent facilement accroitre les injustices, rendre aveugle et même écraser et tuer.

Alors, bien sûr, nous ne pouvons pas en rester là ! Il nous est rappelé que nous pouvons faire « notre part »… et lutter - à notre mesure - contre les injustices sociales et sociétales… en partageant équitablement les ressources de ce monde… en ouvrant les yeux… en vivant dans la solidarité.

La parabole ne dresse donc pas uniquement le portait caricatural d’un « mauvais riche », en l’opposant à un « bon pauvre »… comme une sorte de systématisation de ce schéma. Il ne s’agit pas de cela !
Il s’agit - je crois - de la question du sens de la vie - dans sa dimension relationnelle -…  il s’agit de vivre avec conscience… dans la liberté et la responsabilité, dans l’amour et la solidarité.

La fin de la parabole est également intéressante… Elle nous montre que le riche n’est pas un méchant homme… malgré - ou plutôt à cause - de son destin funeste… il pense à sa famille, à ses frères…
Il voudrait leur éviter de faire les mêmes erreurs, leur éviter le même sort… Mais la réponse qu’il reçoit vient lui signifier que tout ce qui est nécessaire de savoir a déjà été dit et révélé…

Il n’est pas besoin d’une révélation spéciale ou supplémentaire, pour entendre cet appel au partage fraternel, il suffit d’être à l’écoute des Écritures.

Jésus utilise ainsi la parabole pour dire aux Pharisiens qui aimaient l’argent qu’il ne suffit pas d’appliquer la Loi pour acheter sa tranquillité, se dédouaner de ses responsabilité ou se débarrasser de l’esprit des Écritures : il faut être capable de voir le pauvre à sa porte.

Pour conclure… il y aurait encore un danger à lire cette parabole de façon trop rapide et manichéenne : ce serait de penser que le riche n’a qu’à tendre la main et ouvrir son portefeuille… tandis que le pauvre n’a qu’à accepter avec reconnaissance l’aide apportée.

Cette lecture serait certainement trop simpliste, car elle oublierait que l’appel à la transformation - à la conversion - concerne chacun… et pas seulement les plus riches… mais aussi les plus pauvres.

Dans l’évangile, quand Jésus apporte soutien, réconfort ou guérison … il donne courage et confiance… il réintègre dans la société… Mais il dit aussi : « lève-toi, prends ton grabat et marche » ! (Jn 5 / Mc 2)… Il appelle chacun à la résilience et la responsabilité de sa propre vie … et pas à vivre seulement grâce aux autres… ni aux dépend d’eux.

La solidarité mutuelle doit être synonyme de responsabilité partagée… chacun étant appelé à donner le meilleur de lui-même.

En conséquence, une lecture plus large nous invite à comprendre que le riche comme le pauvre sont invités à entrer dans la nouvelle mentalité du Royaume, axée sur le don de soi et le service du prochain. 



Et, bien entendu… si tous les riches et les Lazare de notre monde… entraient dans cette nouvelle mentalité du don de soi et de la solidarité… le monde serait certainement meilleur.
 

Alors, qu’il en soit ainsi !, chers amis… Et que cela commence avec nous ! 

Qu’il en soit ainsi, en premier lieu et déjà, dans notre église… dans notre communauté… riche ou pauvre… expérimentons ensemble l’évangile offert par le Christ : ayons à coeur de nous accueillir les uns les autres… d’entrer en relation et en dialogue les uns avec les autres… de nous soutenir les uns les autres… d’ouvrir nos coeurs et nos maisons… et de servir ensemble le Seigneur.
 

Et souvenons nous de ces paroles du Nouveau Testament : « Si vous avez de l'amour les uns pour les autres - dit le Christ - alors tous sauront que vous êtes mes disciples. » (Jn 13, 35).    Amen. 


Lectures bibliques
 

Mt 5, 13-16 (volonté de Dieu)
13 « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes.
14 « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. 15 Quand on allume une lampe, ce n'est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16 De même, que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu'en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux.


Suite des lectures bibliques

Luc 16, 14-16. 19-31
14 Les Pharisiens, qui aimaient l'argent, écoutaient tout cela, et ils ricanaient à son sujet. 15 Jésus leur dit : « Vous, vous montrez votre justice aux yeux des hommes, mais Dieu connaît vos cœurs : ce qui pour les hommes est supérieur est une horreur aux yeux de Dieu.
16 « La Loi et les Prophètes vont jusqu'à Jean ; depuis lors, la bonne nouvelle du Royaume de Dieu est annoncée, et tout homme déploie sa force pour y entrer. […]
19 « Il y avait un homme riche qui s'habillait de pourpre et de linge fin et qui faisait chaque jour de brillants festins. 20 Un pauvre du nom de Lazare gisait couvert d'ulcères au porche de sa demeure. 21Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais c'étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses ulcères.
22 « Or le pauvre mourut et fut emporté par les anges au côté d'Abraham ; le riche mourut aussi et fut enterré. 23 Au séjour des morts, comme il était à la torture, il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare à ses côtés. 24 Alors il s'écria : “Abraham, mon père, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l'eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre le supplice dans ces flammes.” 25 Abraham lui dit : “Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu ton bonheur durant ta vie, comme Lazare le malheur ; et maintenant il trouve ici la consolation, et toi la souffrance. 26 De plus, entre vous et nous, il a été disposé un grand abîme pour que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous ne le puissent pas et que, de là non plus, on ne traverse pas vers nous.”
27 « Le riche dit : “Je te prie alors, père, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père, 28 car j'ai cinq frères. Qu'il les avertisse pour qu'ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture.” 29 Abraham lui dit : “Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent.” 30 L'autre reprit : “Non, Abraham, mon père, mais si quelqu'un vient à eux de chez les morts, ils se convertiront.” 31 Abraham lui dit : “S'ils n'écoutent pas Moïse, ni les prophètes, même si quelqu'un ressuscite des morts, ils ne seront pas convaincus.” »

Jean 13, 35 « Si vous avez de l'amour les uns pour les autres, alors tous sauront que vous êtes mes disciples. »

dimanche 8 septembre 2024

La possibilité offerte d'exister autrement

Lectures bibliques : Mt 22, 1-14 : Mc 8, 35 ; Jn 10,10 (voir textes en bas de cette page)

(Volonté de Dieu : Ep 4, 17-18, 22-24, 32)

Thématique : la possibilité offerte d’exister autrement / Un appel transformateur à la joie


Prédication de Pascal LEFEBVRE - le 08/09/2024 à Bordeaux & le 15/09/2024 à Dax. 



* Avez-vous changé de vêtements pour venir au culte ce matin ? Avez-vous revêtu votre plus bel habit, pour venir ici… fêter la fraternité et entrer en dialogue avec Dieu ? 


Si vous ne l’avez pas fait : rien de grave ! Car - au-delà de toute apparence physique - Dieu nous appelle surtout à changer de mentalité, à élargir notre conscience et à ouvrir notre coeur…  C’est ce que nous découvrons ce matin à travers nos lectures… 


* Comme souvent dans l’Evangile du Royaume, Jésus parle en paraboles, pour nous dire quelque chose de décisif pour notre vie… pour nous transmettre une Bonne Nouvelle et pour nous appeler à un chemin de transformation. C’est ce qu’il fait avec la parabole que nous venons d’entendre. 


Il ne faut donc pas rester bloqué sur la fin de la parabole qui semble s’achever sur une note plutôt sombre et dramatique… qui pourrait nous peiner, nous effrayer ou nous scandaliser… Mais regardons davantage le message qu’elle nous délivre. 


Et c’est d’abord une Bonne Nouvelle : Dieu nous appelle ; il nous invite. 

Le royaume de Dieu est comparé à un évènement joyeux auquel nous sommes conviés : A l’image d’un roi qui invite des convives au festin de noces pour son fils, nous sommes appelés à entrer dans une relation joyeuse avec Dieu… à entrer dans sa Présence, qui est source d’amour, de paix, de joie, de partage convivial et fraternel. 

La vie véritable serait comme une invitation à se réjouir avec Dieu de ce qui nous est offert dans la vie en Jésus-Christ. 


Mais la parabole pose une première question : acceptons-nous de répondre à l’invitation de Dieu à entrer en relation ?… une relation de Grâce, synonyme de joie et de gratuité ? 


La petite histoire racontée par Jésus montre que les invités ont souvent d’autres choses à faire : Soit ils sont happés par le travail quotidien et les tâches matérielles… Soit ils n’ont que faire de cette invitation, car il ne reconnaissent pas vraiment Qui est celui qui les invite. Ils n’ont pas conscience de la portée de cette invitation ou ils s’en moquent carrément.


Mais le Roi est persévérant. Il ne se laisse pas décourager par ces refus. 

Ils élargit l’invitation à tout être humain… à toutes celles et ceux que ses serviteurs vont croiser, quels que soient leurs chemins ou leurs parcours. 

Ainsi, les bons comme les mauvais sont invités au grand festin de noces. Personne n’est jugé ; personne n’est laissé sur le bord de la route. 


C’est là la Bonne Nouvelle communiquée par le Christ : Dieu nous met en mouvement… l'Eternel - force d’amour et de vie - est à l’image d’un Père de famille qui aime inconditionnellement les siens… ou d’un Roi qui invite chacun à entrer dans la joie d’une relation personnelle avec lui et avec les tous les invités… afin de partager et de fêter la noce, c’est-à-dire le mariage, l’alliance que Dieu propose aux humains, à travers son fils Jésus-Christ, qui est venu révéler son amour. 


Après ce premier message joyeux - que le Protestantisme n’a eu cesse de répéter, en mettant toujours en avant la Grâce de Dieu - la parabole nous entraine dans un deuxième temps (plus questionnant), avec un rebondissement inattendu, qui part d’un constat fait par le roi. 


Fait insolite : il y a là, parmi les convives, un homme qui ne porte pas de vêtements de noces. 

Le maitre s’en émeut et s’interroge : comme cela est-il possible ? Pourquoi cet invité n’a-t-il pas changé et adapté son vêtement ? 


Il questionne personnellement l’intéressé. Mais il n’obtient aucune réponse. Celui-ci reste muet. 

L’homme est alors chassé de la fête et de la joie… et se retrouve « dans le dehors », c’est-à-dire à l’extérieur de la noce, où règne le repli sur soi, l’obscurité, la peur et l’angoisse.  


Cette dernière partie de la parabole nous questionne personnellement : 

Et toi, quel est ton Roi ? Es-tu capable d’entrer en dialogue avec Lui ? 


Elle laisse entendre que les invités à la joie de la noce - qui bénéficient de la Grâce abondante du roi - ont - malgré tout - quelque chose à faire, pour s’accorder avec l’ambiance de la fête. 

Ils sont appelés à changer leurs habits, à revêtir un vêtement nouveau, un vêtement de joie. 


Dans la Bible, le vêtement est souvent synonyme d’identité. Les convives sont donc appelés à revenir une nouvelle identité : celle d’invités à la noce. 

En d’autres termes, ils sont appelés à se laisser transformer par Celui qui les invite. Ils ne peuvent pas continuer à vivre comme avant, comme si de rien n’était… ils ne peuvent pas accepter de venir à la noces, sans franchir le pas d’un changement : accepter de lâcher ses vieux habits (son égo, ses habitudes, ses soucis, ses préoccupations, …) pour revêtir le vêtement du partage et de la joie… et se réjouir de la Grâce offerte.


A bien y regarder… cet élan, ce mouvement… c’est un peu le nôtre dans la prière (qu’elle soit personnelle ou communautaire) : 

Souvent, lorsque nous prions, dans un premier temps, nous confions à Dieu nos soucis et nos voeux… nous lui remettons ce que nous avons sur le coeur (nous lui confions nos vêtements habituels, nos fatigues, nos pesanteurs) et nous entrons dans le lâcher-prise… 

Et ensuite - alors - nous sommes disponibles, pour autre chose… pour nous mettre à son écoute et entrer dans une vraie relation, dans la paix et la joie de Sa présence. 


La parabole montre donc qu’une double réponse est attendue : Premièrement, accepter de se rendre disponible et répondre à l’invitation… à la Grâce de Dieu… 

Et, deuxièmement, accepter de se laisser transformer par cette Grâce… accepter de changer son vêtement de tous les jours, sa mentalité et ses vielles habitudes… - peut-être l’habit des soucis… ou l’habit de la peur, de la méfiance ou de la distance - … pour revêtir une nouvelle identité d’enfants de Dieu, de frères et soeurs de Jésus-Christ… Ce qui signifie d’entrer pleinement dans la confiance et la joie du maître. 


Dans la parabole, il y a encore un détail qui peut attirer notre attention… C’est le fait… qu’au-delà du vêtement inchangé… le fameux convive -  à côté de la plaque - n’est pas non plus capable d’entrer en communication avec le maître. 

Sa langue est muselée - nous dit l’évangile de Matthieu. Il reste muet lorsqu’il est interrogé. Ce qui indique qu’il n’est pas vraiment entré dans une relation personnelle, ni dans la joie de la rencontre. 


C’est assez inimaginable ! Comment peut-on être invités à une noce, sans avoir envie de parler et de dialoguer avec le maître de maison, avec celui qui nous invite ? 

Si Dieu nous invite à la joie du Royaume, comment ne pas avoir le désir de lui répondre, d’accepter son invitation, de vouloir aller à sa rencontre et d’entrer en dialogue avec Lui ?


Deux points retiennent donc notre attention dans la dernière partie de cette parabole : 

c’est, à la fois, l’appel à se laisser transformer par Dieu et son invitation… et l’appel à entrer en dialogue avec Lui… à prendre la parole avec Dieu (en exprimant ce qui se joue en nous, nos joies, nos peines, nos difficultés, nos blessures, nos colères ou nos projets) pour entrer ensuite dans la confiance et l’écoute.


La parabole nous rappelle ainsi ce que le Seigneur attend de nous : 

Il veut faire de nous des partenaires à part entière, des convives pleinement impliqués… Ils nous appellent à prendre la mesure de cette invitation, en y prenant toute notre place. 


En d’autres termes, la Grâce de l’invitation… nous ouvre à l’alliance offerte par Dieu… et nous oriente vers un chemin de conversion, de transformation : Il s’agit de revêtir une nouvelle identité de disciples du Royaume, de frères et soeurs de J-C… et d’entrer en dialogue avec le Maître. 


* J’en viens à présent - et pour aller plus loin - aux autres textes que nous avons entendus - à commencer par celui de l’évangile de Marc (Mc 8,35) - Car il peut contribuer à éclairer notre lecture de la parabole reprise par Matthieu.


Je cite à nouveau ce verset bien connu : « Qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera »… 

un verset qui se trouve juste après cette parole singulière et dérangeante : « Si quelqu’un veut venir à ma suite qu’il se renie lui-même… » 


Rien de plus fort que ce verset pour exprimer la nécessité d’une transformation !

Mais que faudrait-il donc accepter de perdre, de lâcher… si ce n’est soi-même… si ce n’est son « moi », son égo ? 

Et pour gagner quoi ?


Qui aurait-il à y gagner si ce n’est la vie… la vie en abondance, la vie en plénitude. Ainsi que Jésus le promet dans l’évangile de Jean. 

Je cite à nouveau : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10). 


On l’entend à travers ces versets, l’évangile s’adresse à chacun pour lui dire qu’il est possible d’exister autrement. 

Et cette possibilité est donnée par celui-là même qui l’a expérimentée. Puisque Jésus-Christ a vécu une existence d’être humain (pleinement humain), en étant pleinement uni au divin. 


En ce sens, on peut dire que le Christ est non seulement un modèle, mais il est l’à-venir de l’être humain.


Non… Ce n’est pas l’homme augmenté ou modifié par la science, ni le transhumanisme, qui est l’à-venir de l’homme. Mais c’est le Christ, en tant qu’il nous révèle la possibilité d’être humain et d’être en même temps pleinement connecté et uni à Dieu. 


Si nous sommes là, ce matin, c’est que nous le savons :

Être chrétiens, c’est accepter de suivre Jésus-christ, c’est s’engager à suivre la voie de l’Evangile du Royaume… c’est entrer dans une vie vécue sous les espèces du don et de la gratuité… c’est une invitation à lâcher ses sécurités, pour le risque de la foi… pour entrer et cheminer dans une vie nouvelle. 


Le moteur de cette foi, c’est l’intuition que nous avons en nous… qui sait que la vie véritable est plus que la vie matérielle (biologique et consumériste)… C’est la soif du divin (du Dieu d’amour) qui est en nous… au creux de notre désir. 

C’est la soif d’une vie en plénitude, la soif de l’infini, au sens d’une vie véritablement intense et vivante… telle que le Christ l’a vécue et la promet : une vie abondante, synonyme de présence du divin dans l’humain. 


En effet, si Dieu est le Vivant, le fondement de l’être et de la vie… c’est lui qui peut vivifier notre être et notre existence… Si Dieu est Lumière, si Dieu est Amour… c’est en se connectant à Lui que nous pouvons recevoir ses dons… et recevoir cette vitalité qui vient de Lui ! 


Le christianisme est un appel à entrer en relation avec Dieu, avec le divin, pour accueillir en nous la foi, l’espérance, l’amour et la joie qui viennent de Dieu. 

Cela implique de faire de la place en nous-mêmes, de lâcher ce qui nous encombre, pour pouvoir accueillir Dieu et tous ses dons. 


Oui.. l’Evangile de Jésus-Christ annonce une heureuse nouvelle : il annonce la possibilité d’exister autrement !

Ce n’est pas seulement une parole de consolation ou d’encouragement… c’est bien plus que cela, c’est une Parole susceptible de produire une transformation. 


En ce sens, être croyant, ce n’est pas seulement une adhésion à un beau message réconfortant et stimulant… ou à des valeurs humanistes et fraternelles… C’est un chemin qui nous appelle à un déplacement, à un changement, à une transformation intérieure, orientée par le Christ. 


Puisque l’Evangile nous promet la vie en plénitude… il nous ouvre à une possibilité nouvelle (que nous ne pourrions pas réaliser nous-mêmes)… 

Il ouvre notre désir à ce qui l’excède, à savoir la Grâce de pouvoir exister pleinement avec Dieu et avec les autres. 


Il nous invite ainsi, à la fois, à réorienter notre désir (pour une vie plus consciente et plus aimante), à suivre Jésus-Christ, en expérimentant concrètement sa Parole : 

« Qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera ». 


Il y a une radicalité dans ces paroles paradoxales : c’est certain ! 

Pour trouver, il faut d’abord accepter de perdre !


Accepter de perdre le « moi », de lâcher l’égo… pour trouver le vrai Soi, pour trouver cette part de nous-mêmes (le Soi) qui est connectée au divin. 


Il y a donc un déplacement à opérer, un inconfort à accepter, un abandon à consentir. 

Accepter de faire confiance à Dieu… d’abandonner son « moi »… pour qu’il fasse émerger en nous « le soi » : c’est-à-dire la meilleure part de nous-mêmes, celle qui est connectée au divin et qui est créée à l’image de Dieu. 


Comme le rappelait la parabole, avec l’image du vêtement de noces… pour revêtir le vêtement du Royaume (vêtement de paix, de joie et d’amour), il faut accepter l’inconfort provisoire de se mettre à nu, en quittant son vieux vêtement (celui de l’égo, des apparences, des masques « sociaux » bien comme il faut… celui des habitudes, des choses bien rangées et cadrées, susceptibles de cacher les peurs, les inquiétudes ou les angoisses existentielles sous-jacentes). 


En bref… il est difficile pour nous d’entendre que l’Evangile ne devient une heureuse nouvelle que pour celui ou celle qui accepte de tout lâcher et d’ouvrir son coeur à Dieu…  


Il ne devient Bonne Nouvelle que pour celui qui accepte de se déprendre de lui-même… celui qui ose abandonner le terrain connu de la sécurité… qui ose tourner le dos au « moi » qu’il est… pour s’aventurer en direction du « soi » qu’il n’est pas encore… et qu’il pourrait devenir (dans la relation à Dieu). 


Oui… il y a une radicalité à abandonner l’illusion qui me fait croire que je suis quelqu’un par moi-même… pour accepter de croire que je peux enfin devenir quelqu’un d’authentiquement humain - et goûter ainsi la vie en plénitude - dans et par la relation au Dieu d’amour. 


La foi est ainsi à comprendre comme un chemin de transformation, qui implique des lâcher-prise… (à commencer par ce « moi » qui prend souvent tant de place). 


Même s’il y a des insécurités et des inconforts sur ce chemin… il pointe une direction infiniment prometteuse… une direction qui est susceptible de nous ouvrir à la joie du Royaume… Et c’est là l’essentiel : Garder en vue le cap et les promesses de Vie du Seigneur !


Nous sommes donc appelés - chers amis - à revêtir le Christ… pour expérimenter la joie du Royaume.


Osons confier toute notre vie et tout notre être au Seigneur, pour qu’il fasse, en nous, toute chose nouvelle !


Laissons-nous transformer par Lui !

Soyons porteurs de paix, de joie, d’espérance et d’amour ! 


Amen. 


Textes bibliques


Volonté de Dieu 

Ep 4, 17-18, 22-24, 32. 

Voici donc ce que je dis et atteste dans le Seigneur : ne vivez plus comme vivent les païens que leur intelligence conduit au néant. Leur pensée est la proie des ténèbres, et ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l'ignorance qu'entraîne chez eux l'endurcissement de leur cœur. […] Il vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l'effet des convoitises trompeuses ; il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence et revêtir l'homme nouveau, créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité. […] 

Soyez bons les uns pour les autres, ayez du cœur ; pardonnez-vous mutuellement, comme Dieu vous a pardonné en Christ.


Lectures bibliques 

Matthieu 22, 1-14 - Le festin nuptial


Et Jésus se remit à leur parler en paraboles : « Il en va du Royaume des cieux comme d'un roi qui fit un festin de noces pour son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités. Mais eux ne voulaient pas venir. Il envoya encore d'autres serviteurs chargés de dire aux invités : “Voici, j'ai apprêté mon banquet ; mes taureaux et mes bêtes grasses sont égorgés, tout est prêt, venez aux noces.” Mais eux, sans en tenir compte, s'en allèrent, l'un à son champ, l'autre à son commerce ; les autres, saisissant les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère ; il envoya ses troupes, fit périr ces assassins et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : “La noce est prête, mais les invités n'en étaient pas dignes. Allez donc aux places d'où partent les chemins et convoquez à la noce tous ceux que vous trouverez.” Ces serviteurs s'en allèrent par les chemins et rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, mauvais et bons. Et la salle de noce fut remplie de convives. Entré pour regarder les convives, le roi aperçut là un homme qui ne portait pas de vêtement de noce. “Mon ami, lui dit-il, comment es-tu entré ici sans avoir de vêtement de noce ?” Celui-ci resta muet. Alors le roi dit aux servants : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents.” Certes, la multitude est appelée, mais peu sont élus. »


Marc 8,35

« Qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera ». 


Jean 10, 10

« Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance »