dimanche 14 décembre 2025

Accueillir l'inattendu de Dieu dans nos vies

Lectures bibliques : Luc 1, 26-38 (L’annonce à Marie) et Mt 1,18-25 (L’annonce à Joseph) = voir lectures bibliques en bas de cette page. 
Thématique : Accueillir l’inattendu de Dieu dans nos vies avec confiance, courage, discernement et responsabilité.
Prédication de Pascal LEFEBVRE - Bordeaux, le 14/12/25


Est-ce que notre monde est encore ouvert aux surprises ? 
Attend-il encore quelque chose… ou quelqu’un … un signe de Dieu ?…. 

Plus précisément… comment réagissons-nous, personnellement, quand quelque chose ou quelqu’un vient nous surprendre, nous déranger ou bouleverser notre vie ?


Les textes de ce jour… nous rappellent ce qui s’est joué… il y a 2000 ans… pour Marie et pour Joseph…

Des récits étonnants et fondateurs 

Nous entendons aujourd’hui deux récits complémentaires des évangiles : l’annonce à Marie, chez Luc, et l’annonce à Joseph chez Matthieu. 

Ces récits ont un point commun : une annonce totalement imprévue… déroutante, déstabilisante. 

Ils annoncent que l’enfant qui va naître sera quelqu’un d’exceptionnel… Il sera « saint » - donc, vraiment « à part » - et sera appelé « Fils de Dieu » (cf. Lc 1,35) ou encore « Fils du Très-haut » (cf. Lc 1,33). 

Dans l’évangile de Matthieu, ce n’est pas par l’apparition d’un messager ou d’un ange que parvient cette annonce, comme chez Luc… mais c’est par un songe, que cette information est reçue par Joseph. 
L’enfant qui va naître devra s’appeler « Jésus » (Yeshua), ce qui signifie « Dieu sauve » (Yahvé sauve)… 
Il sera également appelé, comme l’avait annoncé le prophète Esaïe : « Emmanuel », ce qui signifie : « Dieu avec nous ». 

Dans l’un et l’autre des passages évangéliques, ces récits ont pour but de présenter l’identité de celui qui sera le héros de l’évangile : Jésus, fils de Dieu. 
Ils posent dès le début une question essentielle : qui est Jésus pour nous ? 

Mais ils servent également à souligner le rôle de l’Esprit saint, le Souffle de Dieu. 
En effet, la naissance annoncée est présentée comme le fruit d’un agir divin. 

Selon les auteurs bibliques, ce n’est pas seulement d’une volonté humaine que cet enfant va naître : cette venue est spéciale, parce qu’elle répond également - essentiellement même - à un projet de Dieu, à une volonté divine. Elle marque, de façon centrale, l’irruption de l’Esprit dans l’histoire humaine. 

Il est donc important qu’aucun des deux parents - Marie, comme Joseph - ne s’oppose au projet de Dieu… qu’ils n’y fassent pas obstacle… mais, au contraire, acceptent d’y collaborer… de se rendre disponible… et même de se mettre au service de ce projet divin. 

L’apparition d’un messager, aussi bien que la venue d’un songe, sont des moyens traditionnels, connus dans le premier testament, par lesquels Dieu fait connaître son dessein… à travers l’annonce d’une naissance… comme le signe d’un tournant décisif, d’un changement profond, d’une alliance nouvelle (cf. Gn 16,11 ; 17,19 ; Es 7,14). 

Bien évidement, ces récits, qui traitent de l’origine du Messie, ont également une dimension mythique et symbolique. 
Ils visent à mettre en lien la venue de Jésus avec la question de l’altérité, du « Tout Autre ». 

Il se joue, dans cette naissance, quelque chose d’exceptionnel… quelque chose qui vient de Dieu… qui dépasse l’être humain, tout en venant l’habiter. 

Le thème de la conception de Jésus « par le saint Esprit » (Mt 1,18.20 / Lc 1,35) est déjà - sous une forme narrative - un discours de foi, une affirmation christologique !
C’est une manière d’annoncer que Jésus, sera le porteur de l’Esprit saint, le Christ (oint et choisi par Dieu), le « fils » de Dieu, c’est-à-dire Celui que Dieu envoie, pour manifester sa présence et révéler son salut. 

Au XXIe siècle, il faut pourtant avouer que le côté « irrationnel » de cette naissance continue de nous troubler… 

Il n’est pas nécessaire, ni indispensable, que Jésus ait été conçu « biologiquement » par l’opération du Saint Esprit, pour qu’il soit le Christ… 
D’ailleurs, dans l’évangile de Marc, tout commence au baptême de Jésus : c’est à ce moment-là qu’il devient véritablement le Christ, qu’il est reconnu comme le fils bien-aimé de Dieu.

Autrement dit, ce qui fait le Christ, ce n’est pas la biologie, mais l’Esprit. 

D’un point de vue symbolique, il faut voir, dans ces annonces extraordinaires, une révélation essentielle : à savoir que Dieu est à l’initiative… Dieu agit… Il agit dans la vie de Marie et Joseph… comme il s’invite aussi, certainement, dans nos vies. 

La question qui se pose à l’être humain est de savoir, finalement, si nous acceptons sa présence… et si nous nous mettons au service de son Esprit saint… comme Marie et Joseph… ou si nous préférons tenter de tout maîtriser… si nous prétendons tout savoir, tout gérer et tout contrôler, par nous-mêmes… selon notre propre volonté et nos seuls désirs (?)

En ce sens, la réponse de Marie est exemplaire : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l'as dit ! » (cf. Lc 1,38).

Toute la clé de l’évènement est peut-être là : dans la foi que cette jeune femme offre à Dieu… dans une confiance librement consentie. 

Dans les faits… rien ne semble distinguer Marie des autres femmes de son âge et de son époque… Elle n’est ni savante, ni influente… Elle n’a pas de compétence particulière (à ce que nous en savons), pas de statut exceptionnel, pas de qualité hors du commun… 
Sa force, c’est sa foi, sa pleine confiance en Dieu ! 

Elle accepte de croire et d’expérimenter en elle-même que véritablement « rien n’est impossible à Dieu » (cf. Lc 1,37). 

Cette foi étonnante n’est pas une soumission aveugle, mais un acte de liberté… un consentement lucide à devenir une partenaire, une agente du projet de Dieu. 

Et pourtant… ce projet divin avait de quoi la surprendre… puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, d’une nouvelle incroyable : à savoir que Dieu, le « Très haut », choisit de se révéler dans le « Très bas »… que l’Esprit saint - puissance de Dieu - va se manifester dans la fragilité d’une histoire humaine, simple, modeste et ordinaire. 

Il y a de quoi être bouleversé… avouons-le ! … 
D’ailleurs, aussi bien Marie qui reçoit cette révélation et apprend qu’elle portera le Messie de Dieu… que Joseph, qui découvre que sa fiancée est enceinte avant le mariage… avaient de quoi être désemparés. 

L’annonce de cette naissance bouleverse complètement leurs plans, leurs rêves et leurs vies. Et, bien sûr, cela nous interroge également… de façon personnelle… 

Nous-mêmes… que ferions-nous si notre quotidien était soudainement transformé par Dieu ?… ou par une nouvelle inattendue ou stupéfiante ? 

Quatre enseignements 

Aujourd’hui, ces textes nous enseignent quatre leçons essentielles, à travers les modèles de foi qu’incarnent Marie et Joseph… 

1) Premier enseignement exemplaire : le courage face à l’inconnu 

Malgré la nouvelle imprévue qui bouleverse sa vie, malgré la peur… malgré les questions et l’avenir incertain… Marie dit « oui », elle accepte de se mettre au service du Seigneur. 

Joseph aussi, malgré le choc initial difficile à encaisser, il obéit et choisit de protéger Marie et l’enfant. Il endosse et assume le rôle de père. 

De façon différente… nous pouvons aussi rencontrer des évènements totalement inattendus et imprévus… de grands bouleversements dans notre vie… des bonnes ou des mauvaises nouvelles… changements personnels, professionnels, familiaux, relationnels… comment réagissons-nous ? Sommes-nous prêts - comme Marie et Joseph - à faire le pari de la confiance… à accepter d’accueillir ces annonces avec courage et discernement ? 

La foi n’enlève pas les incertitudes, mais elle permet d’avancer malgré tout… de trouver le courage de les surmonter. 

2) Le deuxième enseignement, c’est l’entrée dans un dialogue avec le Seigneur 

Face à la nouvelle étonnante qui tombe sur elle, Marie questionne : « Comment cela se fera-t-il ? ». La foi n’exclut pas la réflexion ni le questionnement.

On met souvent en avant l’obéissance de Marie ou de Joseph… et c’est vrai !… Mais ce qui est aussi remarquable, c’est le dialogue de Marie avec le messager divin. Elle écoute, elle interroge, elle réfléchit avant de décider.

Nous-mêmes… lorsque nous avons une décision importante à prendre, est-ce que nous demandons conseil à Dieu, par la prière, la réflexion et le dialogue intérieur ? Est-ce que nous lui demandons son Esprit de discernement ? 

L’échange entre Marie et le messager divin, montre que Dieu respecte notre liberté et notre capacité à poser des questions. La prière engage la raison, le coeur et la conscience… Le dialogue avec Dieu fait partie de la foi.

3) Le troisième enseignement que nous donnent les figures de Joseph et Marie, c’est l’acceptation de porter et d’assumer des responsabilités 

D’une certaine manière, Marie et Joseph acceptent d’endosser ce rôle de parent d’un enfant hors du commun… un « surdoué spirituel »… 
Ils reçoivent une mission qui les dépasse : préparer le monde à la venue de Jésus… sans forcement tout comprendre des enjeux de cette révélation… et de ce qu’il va falloir porter ou supporter… 

Leur acceptation illustre ce que la foi implique, en matière d’engagement et de responsabilité au quotidien. 

A nouveau, cela nous interroge aussi, comme lecteurs de l’Evangile : 
Comment acceptons-nous et vivons-nous nos responsabilités de Chrétiens, de disciples du Christ, dans le monde ? 

Avons-nous… nous aussi… le sentiment de prendre part au projet de Dieu… à cet appel de Dieu, qui nous invite à participer à son « monde nouveau » : son Royaume… et à rechercher sa Justice, ici-bas ?

Avons-nous conscience de cette invitation qui nous est faite… de participer à un projet communautaire, de défendre la justice, d’élever notre conscience humaine, d’aider ceux qui sont dans le besoin… là où nous sommes… par nos actions, nos paroles, nos gestes… par les décisions que nous portons ?

4) Enfin, quatrième enseignement de ces passages… la foi y est présentée comme un engagement relationnel… comme une relation vivante. 

Marie et Joseph ne sont pas seuls… ils répondent ensemble au projet de Dieu… et ils vivent ensemble leur foi dans la relation avec Dieu, avec confiance et obéissance, mais aussi avec liberté et dialogue.

La naissance de Jésus va incarner cette rencontre du divin et de l’humain, dans l’existence… dans le concret de la vie humaine.

C’est aussi une manière de nous rappeler que le « sacré » n’est pas séparé du « quotidien »… que la foi en Dieu n’est pas déconnectée de notre réalité, à la fois, communautaire, mais aussi existentielle et charnelle. 

La foi se vit dans nos relations au quotidien : dans la façon dont je traite mes proches, mes collègues, ma famille, mes amis, mes connaissances… dans la manière dont je m’engage, pour le bien commun… dans la façon dont je suis solidaire… dans la manière dont je laisse Dieu agir dans ma vie quotidienne… en lui faisant confiance, pour avancer et transformer positivement le monde…

Conclusion 

Ainsi donc, chers amis, ces récits d’Annonciation (je les mets au pluriel, car ils concernent aussi bien Marie que Joseph) nous enseignent : le courage face à l’inconnu, le dialogue et le discernement, l’engagement responsable, et une foi relationnelle, vivante et incarnée.

Ces récits nous rappellent également que … quand Dieu surprend nos vies, il nous donne plus que nous ne pouvons imaginer. Il fait toute chose nouvelle, quand nous nous ouvrons à son Esprit saint. 

Comme Marie et Joseph… osons donc accueillir les surprises de Dieu… avec courage et confiance.
Notre quotidien peut devenir le lieu où… discrètement… Dieu nous inspire, nous guide… où il agit - sans bruit - pour transformer notre réalité.

Osons dire « oui » avec discernement, responsabilité et amour.

Que cette période de Noël, qui s’approche, nous rappelle que Dieu continue de naître là où on ne l’attend pas… qu’il nous invite à la confiance, pour accueillir sa lumière dans notre monde.

Que ce temps de l’Avent nous guide dans la joie de cette nouvelle naissance qui nous est offerte ! 

Amen. 


Lectures bibliques

Luc 1, 26-38 - L’annonce à Marie 

26Le sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, 27à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph, de la famille de David ; cette jeune fille s'appelait Marie. 28L'ange entra auprès d'elle et lui dit : « Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. » 29A ces mots, elle fut très troublée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. 30L'ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. 31Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. 32Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; 33il régnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n'aura pas de fin. » 34Marie dit à l'ange : « Comment cela se fera-t-il puisque je n'ai pas de relations conjugales ? » 35L'ange lui répondit :
« L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre ;
c'est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu. 36Et voici que Elisabeth, ta parente, est elle aussi enceinte d'un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait la stérile, 37car rien n'est impossible à Dieu. » 38Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu me l'as dit ! » Et l'ange la quitta.

Mt 1,18-25 - L’annonce à Joseph

18Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. 19Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement. 20Il avait formé ce projet, et voici que l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint, 21et elle enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » 22Tout cela arriva pour que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : 23Voici que la vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : « Dieu avec nous ». 24A son réveil, Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, 25mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.

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