dimanche 12 mars 2023

Changez de regard sur Dieu

Texte biblique : Lc 13, 1-5 (voir texte en bas de page)

Thématique : changez de regard sur Dieu 


Prédication de Pascal LEFEBVRE – temple du Hâ – Bordeaux – le 12/03/23

(La fin est inspirée d’une réflexion de Marc Pernot)



* Il y a 2000 ans… des Galiléens – sans doute des Juifs pieux – ont été massacrés sur ordre de Ponce Pilate. Étaient-ils coupables ?


Par ailleurs, dix-huit personnes sont mortes dans l’écroulement de la tour de Siloé. Qu’avaient-elles fait de mal pour mériter cela ?


Cela a longtemps été l’opinion dominante, et ça l’est peut-être encore aujourd’hui : rien n’arrive par hasard ! Les victimes doivent avoir mérité, d’une façon ou d’une autre, ce qui leur est arrivé. 


C’est la logique de la rétribution. 

On ne reçoit jamais que ce qu’on mérite !


Aujourd’hui, encore, c’est toujours le même réflexe. 

Nous sommes abreuvés de faits divers : meurtres, attentats, prises d’otages, tempêtes ou tornades, inondations ou catastrophes en tous genres. 


Le premier réflexe, c’est de chercher un coupable. 

S’il y a des victimes, c’est qu’il y a des coupables. 

Quand on peut trouver des coupables, on préfère : ça explique tout ! 


Et le plus simple – le mieux – c’est que les victimes soient elles-mêmes coupables, et donc responsables : comme ça, on peut se rassurer et se dire que c’est normal, que c’était bien mérité. 


Ainsi, en 2023, les séismes en Turquie et en Syrie, ont fait plus de 50 000 morts… en conséquence des tremblements de terre … et on a pu entendre sur Internet ou à la télévision, quelques témoignages stupéfiants… et même des phrases terribles et incompréhensibles de mère éplorées, qui affirmaient que c’était certainement Dieu qu’il l’avait voulu ainsi !

C’est Dieu… qui aurait pris leur maison et la vie de leur enfant. 


Qui pourrait croire en un tel Dieu ?


On ne peut qu’être athée de ce Dieu là… un Dieu qui causerait le mal, la destruction, la souffrance et la mort. 


Les contemporains de Jésus, avaient les mêmes réflexes :

Les Galiléens massacrés par Ponce Pilate devaient bien avoir commis quelques fautes pour avoir mérité ce sort !


* Mais ne faut-il pas changer du tout au tout, par rapport à cette façon de voir ? 


La réalité, c’est que nous sommes désarmés devant la puissance du mal.

Nous avons beaucoup de difficultés à accepter que des innocents puissent être victimes de catastrophes, d’accidents ou de violence aveugle. 


Et nous demandons alors ce que fait Dieu. 

Toute l’histoire de la théologie se résume à la question de la rétribution.


« Qu’est-ce que j’ai fait au « Bon » Dieu pour mériter ça ? »


La question est toujours la même :

Si Dieu existe, pourquoi y a-t-il tant de mal sur la terre ? 


Et alors, plusieurs types de réponses sont souvent apportées :

  • - 1ère possibilité, c’est que Dieu n’existe pas. 

Si le mal existe, c’est que nous sommes soumis au hasard. Il n’y a donc pas de Dieu. 

La vie, avec son cortège de souffrances, contredit l’existence d’un Dieu juste et bon.

  • - 2ème possibilité, c’est qu’il y a un Dieu… et que ce Dieu l’a voulu : il nous envoie une épreuve, un avertissement ou une punition… parce que nous avons dû faire quelque chose de travers… ou peut-être qu’il crée la souffrance pour notre bien ou pour nous inciter à changer. Mais ce Dieu là ne serait-il pas un peu cruel… un peu pervers ?
  • - 3ème possibilité, c’est que Dieu est incompréhensible et injuste. Ce n’est pas un « bon » Dieu, mais un tyran… un manipulateur, dont nous sommes des marionnettes… soumises à son bon vouloir. Il faut donc se méfier de Dieu ! Et bien se tenir. Car on ne sait jamais ce qui peut arriver. 


Ces différentes réponses débouchent, en réalité, soit sur l’athéisme… soit sur la conception d’un Dieu terrible, rancunier ou capable de punir. 


C’était vraisemblablement l’image de Dieu que pouvaient avoir les interlocuteurs de Jésus : l’image d’un Dieu dur, sévère et exigeant… Celui des Pharisiens.  


Alors… les dix-huit personnes qui ont perdu la vie, dans la chute de la tour de Siloé… étaient-elles plus coupables que les autres ?


* Jésus répond à cette question, mais il ne donne pas d’explication sur l’origine du mal.


La première partie de la réponse est claire : NON… non, les victimes de la boucherie ordonnée par Pilate… non, les victimes de l’écroulement de la tour de Siloé… n’étaient pas plus coupables que les autres. 


NON, ce n’est pas Dieu qui les a punis. Ce n’est pas Dieu qui l’a voulu et qui a orchestré leur mort. 

Dieu n’est ni un sadique, ni un manipulateur, ni un bourreau. 

Ça ne marche pas comme ça ! Dieu n’est pas comme vous le pensez !

Vous êtes complètement à côté de la plaque !

Dieu n’est pas un distributeur de récompenses ou de punitions. 


Et il ajoute, une deuxième partie de réponse :

Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même !... ou plus exactement : vous vous perdrez tous de même !


Pour bien comprendre le sens des paroles de Jésus, il faut percevoir que le verbe grec utilisé ici a un double sens : il signifie « mourir / périr », mais aussi « se perdre ». 


Jésus n’est pas en train de dire qu’une épée de Damoclès est sur nos têtes ou que la colère de Dieu va bientôt frapper et s’abattre sur nous… si nous ne changeons pas de comportement.


Mais, il est en train de dire qu’il est urgent de changer de mentalité : il est urgent de convertir notre regard … et d’arrêter de regarder Dieu comme une réalité capable de punir… sans quoi nous risquons de nous perdre… de perdre la foi, de vivre dans la peur… et de vivre dans une illusion, en construisant, dans notre conscience, l’image d’un Dieu tyrannique et sanguinaire. 


Dieu : ce n’est pas cela. 

Ce n’est pas en cette réalité là qu’on peut croire. 

Car ce Dieu là… un Dieu qui punit… ne pourrait pas être le « bon » Dieu. 

En tout cas, ce n’est pas le Dieu de Jésus ! un Dieu en qui nous pourrions vraiment avoir confiance. 


* Cet épisode nous interroge donc sur l’image que nous pouvons avoir de Dieu. 


Tout d’abord, y-a-t-il un Dieu ? Beaucoup se le demandent. 


Beaucoup de grands scientifiques sont des croyants. 

D'un point de vue rationnel, il est probable que Dieu existe. 

Certaines choses sont invisibles, mais pourtant existent quand même. 


C'est, par exemple, le cas de l'air : on ne le voit pas, mais s'il manque, on s'en rend vite compte. Et quand on voit des branches bouger dans les arbres, nous en déduisons logiquement qu'il y a quelque chose qui les agite. 

De la même manière, Dieu est invisible, mais on a également besoin de sa présence et on peut voir son action.


La science nous apprend que le monde est en évolution. 

L'explication la plus vraisemblable de ce mouvement, de cette dynamique, est liée à l'existence de "quelque chose"… d’une force… d’une énergie… d’un dynamisme créateur…  qui en est la cause, l'origine et le sens.


Si Dieu existe… qui est-il ?


Chacun se fait une idée de Dieu, aucune n'est parfaitement exacte, aucune n'est d'ailleurs semblable, car la façon de voir Dieu est très personnelle…. Et surtout la connaissance de Dieu est hors de notre portée. 


Les théologiens… et même les scientifiques l’admettent :

Ces dernières décennies, les sciences dites exactes, notamment la physique et la mécanique quantiques, ont bouleversé tous les modèles de la physique traditionnelle. Ils admettent aujourd’hui que le « réel » nous échappe ultimement. 


Nous avons certes une perception de la réalité, mais celle-ci est partielle, fragmentaire et provisoire : elle relève tout autant de nos connaissances du moment, que de nos croyances ou de nos représentations. 

Même le scientifique le plus intègre est soumis aux limites de sa propre perception, à des modes de penser, des déterminismes, des conditionnements, des relativismes… qui fait qu’il n’est qu’un humble interprète de la réalité qu’il tente de comprendre. 


Il y a donc une prise de conscience de ce fait : nous n’avons qu’une perception limitée du « réel ». 


Pour la Bible et le christianisme… il est inévitable d’employer des images et des métaphores pour parler de Dieu. Elles sont toujours limitées. On trouve ainsi différentes manières d’en parler, qui peuvent être complémentaires : Dieu est l’Éternel… il est comme un Roi : il règne…. Il est comme un Juge : il est juste… il est comme un Berger : il prend soin des siens (de ses brebis, de sa création et ses créatures). 


Le point commun des Chrétiens est de faire confiance à Jésus de Nazareth, pour savoir qui est Dieu. 

Certes, la réalité de Dieu reste cachée et insondable, mais le Christ nous révèle quelque chose de Dieu : en quelque sorte, il nous présente « le dos de Dieu », dira le réformateur Luther. 


Pour l’Evangile (et plus largement le Nouveau Testament), Dieu est comme un Père ou une Mère, qui nous aime, qui prend soin de nous, qui nous apporte ce dont nous avons besoin … Dieu est Amour, Dieu est Lumière. 


Dieu est plus qu’une personne : il est comme une force, un Souffle, une énergie, un dynamisme de vie… qui peut agir en nous et dans la création. 


Il est possible de se connecter à Dieu… de le rencontrer… de sentir sa présence en nous, dans notre intériorité. 


Pour Jésus, Dieu n’est pas une vague idée… un Dieu spéculatif et intellectuel, auquel je peux croire… mais une réalité existentielle… que je peux rencontrer… à qui je peux m’ouvrir… en qui je peux me fier… et qui peut m’influencer. 


Je peux le rencontrer dans sa révélation… dans la splendeur de la création… dans la Bible… en Jésus-Christ… dans la méditation et la prière, au creux de mon intériorité… et même dans le visage des autres. 


Il est possible de laisser une place à Dieu dans sa vie… et même de choisir de lui faire confiance… car si Dieu est bon… s’il est une réalité qui me veut du bien… je peux choisir de lui donner une place, pour me guider, pour donner une orientation à mon existence. 


En résumé… pour Jésus, Dieu s’intéresse à l’être humain… il a un projet de vie pour l’humanité… et il voit chacun de nous comme un être unique et précieux. 

Même si je ne crois pas en Dieu… Lui, croit en nous… par grâce. 


* C’est très bien… me direz-vous… mais tout cela ne répond pas à la question du mal et de la souffrance :


Quelles sont les réponses de la théologie chrétienne face à la question de l’existence du mal ? 


Difficile de répondre à cette question en quelques minutes :


  1. 1) Première réponse : c’est une impasse… car cette question nous dépasse. 


Notre point de vue est toujours partiel et limité. Nous ne sommes pas Dieu. Nous devons faire preuve d’humilité. 


Il y a plusieurs types de maux ou de malheurs autour de nous :


  • - Il y a le mal « innocent ». Le mal « innocent », c’est, par exemple, le mal présent dans la nature… et qui peut tomber sur n’importe qui. Ainsi, un tremblement de terre est, en quelques sortes, un mal « innocent », parce qu’il peut tuer des milliers de personnes… si ces personnes habitent sur une faille ou une zone sismique… elles peuvent se retrouver particulièrement exposées, en étant malheureusement au mauvais endroit, au mauvais moment. Il y a encore la maladie génétique, qui est aussi, en quelques sortes, un mal « innocent », qui frappe au hasard d’une naissance… parce qu’elle appartient au patrimoine génétique d’un groupe d’individu… et va ou non se manifester. 
  • - Et puis, il y a le mal de l’homme. Et là, la liste est beaucoup plus longue : rivalités, concurrence, précarité, exploitation, violences, destructions de l’environnement, famines, guerres, conflits en tout genre, etc… Le mal de l’homme est lié à l’ignorance, l’indifférence, l’inconscience, à la convoitise, l’avidité, l’égoïsme, le manque de compassion, le chacun pour soi, la jalousie, la soif d’en avoir toujours plus : plus d’avoir et de pouvoir, etc. 


La plupart des malheurs que nous rencontrons dans notre existence est provoquée par d’autres personnes ou par notre propre attitude. L’homme est souvent « un loup pour l’homme ». 


Alors, bien sûr, on peut toujours remettre la faute sur Dieu, mais n’est-ce pas un peu facile ? N’est-ce pas une manière de se dédouaner de sa propre responsabilité ?


Si Je conduis en état d’ivresse et produit un grave accident…

S’il y a des tensions entre nations et la guerre en Ukraine avec tant de destructions et de souffrances…

S’il y a de l’inflation, de la pauvreté ou un effondrement boursier ou monétaire…

S’il les conflits en Afrique provoquent des migrations de population, des conséquences économiques désastreuses ou des famines… 

Dois-je en imputer la faute à Dieu ? 


Qui suis-je pour juger Dieu ? 

C’est la question que pose le livre de Job dans la Bible. 


En réalité, nous avons facilement tendance à penser que Dieu devrait agir selon nos attentes et nos critères… mais n’est-ce pas plutôt l’homme qui n’agit pas comme Dieu pourrait s’y attendre… et provoque ainsi tant de malheurs et de souffrances ?


La vérité, c’est que l’action de Dieu ne se laisse pas mettre en équation. Et que le soin que Dieu prend de sa création dépasse infiniment nos possibilités de compréhension. 


L’injustice du monde n’est donc pas la preuve de l’absence ou de l’inexistence de Dieu, mais bien plutôt le résultat de l’injustice de l’homme, de sa volonté insatiable de toute-puissance, de l’absence de bornes ou du refus des limites, de son orgueil et de son avidité. 


  1. 2) A côté de cette réponse qui dit que l’existence du mal nous dépasse, une deuxième réponse peut être apportée : elle dit que Dieu n’est pas indifférent au sort de l’être humain… et au mal présent dans la création… qu’en réalité Dieu lutte aussi contre le chaos. Il serait toujours en train de poursuivre son œuvre de création. 


Dans la Bible (le 1er livre de la Bible s’appelle la Genèse), Dieu est présenté comme une force créatrice. Pour créer, Dieu sépare ce qui est bien de ce qui est mal. Il agit pour mettre en valeur le bien, et pour faire reculer le mal.


Mais la création est-elle achevée ? 


Certains théologiens expliquent l’existence du mal par le fait que Dieu n’aurait pas achevé son œuvre. Il est un dynamisme créateur, il est la cause du bien, mais il y a encore du chaos dans ce monde que Dieu est en train d'organiser progressivement. La création est toujours en devenir, en évolution. 


Par amour, Dieu crée l'homme dans ce chantier en cours, et il l'appelle à participer à cette œuvre et à se développer lui-même.

Cette théologie affirme que Dieu est du côté du bien… qu’il est solidaire de l’humanité… et elle nous mobilise pour lutter contre toute souffrance avec Dieu.

Mais à nouveau, il faut avouer humblement qu’on ne peut pas avoir de réponse définitive à toutes les questions… Ce qui ne nous empêche pas d’y réfléchir… et d’accepter de faire confiance à Dieu.

L’idée que Dieu nous appelle à être des co-créateurs avec Lui est positive et mobilisatrice. 

Elle signifie que Dieu nous adresse un appel, pour se mettre à son écoute, et choisir ce qui fait vivre et ce qui libère du mal. 


* Je voudrais conclure cette méditation par l’existence du bien. 


L'existence du bien dans l'univers est beaucoup plus extraordinaire que l'existence du mal. Les choses ne sont pas du tout symétriques :


  • - Pour créer un être humain, libre et capable d'aimer, il faut des dizaines d'années de travail, d’apprentissage et de progression, et des dizaines voire des centaines de participants actifs dans son développement.


  • - Pour tuer un être humain, il suffit d'une tuile qui tombe d'un toit, ou d'une défaillance d'un des organes vitaux pendant quelques instants.


Il est donc beaucoup facile de faire le mal, que nous ne voulons pas faire… que de construire le bien, que nous projetons de faire. 


Malgré ce constat, Dieu nous influence positivement et nous aide, pour agir dans le bon sens. 


Le bien dans la Bible, c’est ce qui va dans le sens de Dieu : 

Le bien, c’est la vie, la bienveillance, la confiance, l’élan créateur, la fraternité, la solidarité… 


Et c’est pour cela que Jésus invite ses interlocuteurs à changer de mentalité et de regard sur Dieu : Se convertir, c’est comprendre le dessin bienveillant de Dieu… et vouloir s’associer à Lui. 


Cela doit induire aussi un autre changement : un changement dans notre être et nos relations avec les autres… pour sortir des rivalités, de la réciprocité, du donnant-donnant. 


Jésus nous invite ainsi à retrouver notre juste place face à Dieu avec nos frères et sœurs. 


Se convertir, est un acte d’humilité et de confiance : 


C’est reconnaitre que l’amour de Dieu dépasse notre intelligence. 

Malgré cela, nous pouvons choisir nous fier à Lui… et nous mettre à son écoute : ça s’appelle la foi.  


Amen.


Luc 13, 1-5 - Changer de mentalité… ou se perdre

1 A ce moment survinrent des gens qui rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. 

2 Il leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens pour avoir subi un tel sort ? 

3 Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez / vous vous perdrez / tous de même.

4 « Et ces dix-huit personnes sur lesquelles est tombée la tour à Siloé, et qu’elle a tuées, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? 

5 Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez / vous vous perdrez / tous de la même manière. »


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