dimanche 2 novembre 2025

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Les méditations proposées ici se situent dans l'horizon d'une Spiritualité chrétienne... Elles se fondent sur l'interprétation de l’Évangile comme "Bonne Nouvelle", qui nous rappelle qu'une Grâce originelle nous est offerte... laquelle nous ouvre à la liberté et la confiance !

Lors des cultes du dimanche, les Protestants essaient de mettre en lien leur vie présente avec l’Évangile... Il s'agit de se laisser inspirer par l'Esprit au quotidien... de s'ouvrir à quelque chose de Nouveau... 

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Mt 21, 28-32

 Lectures bibliques : Mt 5, 33-37 ; Mt 21, 23-27 ; Mt 21, 28-32 (= voir textes en bas de cette page)

Thématique : La conversion, un chemin vers l’unité intérieure

Prédication de Pascal LEFEBVRE - 02/11/25 - Temple du Hâ, à Bordeaux 



Il nous arrive parfois dans la vie de dire « oui », par gentillesse, pour faire plaisir, ou par complaisance, par facilité… et ensuite de le regretter. 

Car il nous aurait fallu davantage de temps, pour approfondir nos choix, pour discerner quelle est vraiment la volonté profonde de notre coeur. 


A l’inverse, il nous arrive parfois de dire « non », parce que nous voyons les choses sous l’angle de l’obligation ou de la contrainte… ou alors par manque de confiance, parce que nous avons peur … 


Ici, nous ne savons pas pourquoi le premier élan du fils (de la parabole) est le refus… mais il s’agit d’aller « travailler à la vigne »… alors, bien sûr, « travailler », ça ne fait pas forcément envie… ça demande un effort !

Quoi qu’il en soit, il est possible de changer d’avis avec le temps… après une période de maturation… parce que nous avons évolué… gagné en lucidité et en conscience.


Ce matin, l’évangile raconte ces 2 mouvements de conversion, à travers une petite parabole… où nous pouvons discerner 2 dynamiques de changement…


Dans le premier cas, le premier fils dit « non », puis se ravise…  il évolue et agit finalement, en répondant à la volonté de son père. 


Dans le second cas, l’autre fils dit « oui »… mais, finalement, n’agit pas en cohérence avec cette décision… Son « oui » n’est que de façade… La réalité de son engagement correspond, en fait, à un « non ». 


A travers cette petite parabole, Jésus s’adresse aux chefs religieux, aux prêtres et aux anciens du peuple, qui remettent en question son autorité, refusent de lui faire confiance… ou de voir en lui un porte-parole de Dieu. 


Deux attitudes spirituelles 


Les deux fils représentent deux attitudes spirituelles :


- Le premier fils… qui dit « non » à son père, mais ensuite change d’avis et obéit… représente celles et ceux qui ont d’abord vécu dans l’éloignement de Dieu, loin de la foi… mais qui finissent par se convertir… à l’image des collecteurs d’impôts et des prostituées.


- Le second fils… qui dit « oui », mais ne fait rien… symbolise ceux qui professent la foi ou la fidélité à Dieu en paroles, mais dont les actes ne suivent pas. Cette comparaison - qui traduit une certaine duplicité - sert évidemment à dénoncer l’orgueil et l’hypocrisie des responsables religieux qui prétendent connaitre la volonté de Dieu et se pensent « justes »… tout en croyant n’avoir rien à changer. 


De la morale à l’existence


Toutefois, il semble qu’à travers cette petite parabole, Jésus ne parle pas de morale… Il révèle davantage notre condition humaine : 


- Bien souvent, nous sommes divisés en nous-mêmes : entre le dire et le faire, le vouloir et le pouvoir, le « oui » de la foi et le « non » de la peur. Soit nous manquons de cohérence, de confiance… soit nous ne prenons pas le temps d’interroger les désirs de notre âme. 


- Nous avons donc besoin de conversion…. Ce terme « religieux » qui traduit un changement de direction, un retournement… ou tout simplement un cheminement : un chemin vers l’unification du cœur… où la liberté devient écoute et engagement, et la vérité devient amour et don de soi.


En ce sens, le premier fils symbolise le croyant en chemin, celui qui élargit son niveau de conscience… pour trouver ce qui fait « vérité » pour lui… pour trouver son unité intérieure… et agir en conséquence. 

Dans la bouche de Jésus, il est comparable aux publicains et aux prostituées, qui précèdent les autres sur le chemin du Royaume… parce que leur repentir - leur évolution - les rend lucides et unifiés.

Deux fils, deux manières d’exister


En surface, on peut avoir l’impression que cette petite histoire - cette comparaison - parle d’obéissance.

Mais en profondeur, c’est une parabole de l’unité intérieure.

Jésus nous parle de deux manières d’exister…

Ce qui distingue les deux attitudes, c’est le cheminement vers la cohérence et l’unification : 


Si, le chemin du premier fils passe du refus à l’accord, de la division à la cohérence… celui du second fils, en revanche, ne lui permet pas d’évoluer. Il reste figé dans un décalage : son « oui » ne débouche pas sur un engagement vécu. Il parle de foi ou d’amour, mais sans vraiment se les approprier… sans les laisser agir en lui.


Ce que Jésus veut nous montrer - à travers cette petite histoire - c’est que le problème fondamental de l’être humain, n’est pas d’abord de dire « non » à l’appel divin, car nous avons reçu la liberté… et nous avons la possibilité d’expérimenter différents chemins… Mais le problème, c’est de rester figé dans une existence divisée, où la parole et le cœur ne s’accordent pas.

L’exemple du premier fils montre la possibilité - pour chacun - de « grandir », de trouver un chemin d’unité intérieure.

L’évolution spirituelle se joue dans le cœur humain, là où se rencontrent le vouloir et le faire, le dire et l’agir

Seules la lucidité et la confiance nous permettent de surmonter nos divisions. 

Ce que ça peut nous dire aujourd’hui


Il me semble que cette parabole a une portée toujours actuelle… et peut encore résonner dans notre monde… 


Notre époque - aujourd’hui encore - est saturée de contradictions : entre ce qu’on affiche et ce qu’on vit… entre ce qu’on montre de soi sur les réseaux sociaux ou devant les autres, et ce qui se joue vraiment dans notre coeur, au plus intime de nous-mêmes… entre les images et la vérité. 


A travers cette parabole, le Christ nous appelle à trouver - ou retrouver - une unité intérieure :

Que ton « oui » soit un vrai « oui », dit Jésus ailleurs, dans l’évangile (Mt 5,37).

Le Christ lui-même nous donne l’exemple de ce qu’est un être vraiment unifié, par la cohérence de sa vie… entre ses paroles et ses actes.

Il appelle chacun à vivre en cohérence avec l’image de Dieu, qui est en chacun de nous… avec notre vrai Soi…  notre coeur… et à devenir ainsi un être unifié à Dieu, et donc pacifié.

Le second fils symbolise le drame de la division intérieure


Le second fils… que Jésus compare aux chefs religieux de son temps… est un personnage intéressant…

Car il pourrait être « chacun d’entre nous ».


En théorie, tout le monde veut le bien… Nous disons oui à la vie, à la justice, à l’amour, à la paix, à l’Evangile… Mais est-ce que nous engageons vraiment ? 


Nos gestes ou notre faible implication, ne trahissent-ils pas parfois la vanité de nos mots et la fragilité de nos intentions ?

Nous portons parfois des visages de foi - nous adhérons au message du Christ - mais nos cœurs restent distraits, dispersés, partagés et mêmes divisés.

Notre époque est révélatrice de cette fracture intérieure… qui peut tous nous toucher :

- On parle d’authenticité, mais on vit dans la peur de l’avenir ou la peur du regard de l’autre ;

- On voit tout ce qui dysfonctionne autour de nous (dans notre société, notre église ou ailleurs), mais on se positionne « en consommateur » ;
- On cherche la vérité, mais - en réalité - on vit dans l’agitation… on fuit le calme et le silence d’où cette vérité pourrait se révéler.


Dans cette parabole, Jésus met le doigt sur cette fracture existentielle :

Quand l’être humain se divise… quand il se sépare d’une partie de lui-même… il devient incapable d’entrer pleinement dans la confiance en la Vie et en Dieu… incapable de recevoir la Lumière.

L’honnêteté et la lucidité du premier fils 


Mais… il y a une Bonne Nouvelle dans ce message ! c’est la possibilité d’évoluer ! Dieu peut rendre notre cœur entier ! 


C’est cela, la foi : non pas la certitude d’être juste… mais la confiance que Dieu peut nous accompagner et nous inspirer… afin de rendre notre cœur unifié.

Ce que nous montre la parabole… c’est que pour changer… il faut être capable « d’humilité » et de « lucidité ». 

Il faut être capable de lâcher son ego et son orgueil… pour observer la situation telle qu’elle est… reconnaitre nos failles… et examiner les véritables désirs de notre âme. 


C’est ce mouvement intérieur qui se produit chez le premier fils :

En apparence…il commence mal : il dit non.
Mais ce non a au moins une vertu : il est vrai.
Il exprime une résistance sincère, une lutte intérieure.

C’est souvent à partir de notre honnêteté que Dieu peut travailler notre cœur : que ton « non » soit « non » / que ton « oui » soit « oui » (cf. Mt 5,37).


C’est alors que vient la lucidité : il prend conscience des choses / il se ravise.
Il reconnaît que son refus le sépare de la vérité de la relation… et la vérité de son être… Dans ce retournement, sa volonté s’aligne sur celle du Père :

Il devient alors un être unifié.
Ce qu’il pense, ce qu’il dit, ce qu’il fait, s’accordent enfin.

Le mouvement de la vie spirituelle 

A travers ce premier personnage de la parabole, Jésus décrit le mouvement de toute vie spirituelle : 

- passer du refus instinctif à une obéissance libre ;
- passer de l’illusion de l’autonomie à une vérité accueillie et habitée ;
- passer du « je veux faire ma vie, en toute indépendance » au « je veux vivre en Dieu… connecté à l’Esprit saint… dont je reçois la Vie et l’Amour ».


C’est la lucidité et la foi qui permettent ce cheminement intérieur : 


Pour surmonter la division ou la dispersion, il faut donc être capable de s’examiner humblement, de voir qui nous sommes vraiment… quels sont les désirs de notre âme… et ensuite de croire que Dieu peut nous réconcilier avec nous-mêmes.


La lucidité et la foi, sont les deux forces qui nous permettent de trouver un chemin d’unification, de pacification. 


Le Royaume comme unité retrouvée

Avec cette parabole, il y a 2000 ans, Jésus a certainement choqué ses auditeurs :

« les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu » a-t-il osé dire aux Religieux !

Bien sûr, il ne voulait pas dire que ces hommes et ces femmes étaient « parfaits », mais que leur conversion sincère les ouvrait à la Grâce divine — alors que l’orgueil ou l’indifférence des autres risquaient de les enfermer dans une fausse religiosité. 

Les publicains et les prostituées ont été capable d’évolutionparce que leurs cœurs blessés sont devenus réceptifs : 

Marqués par les difficultés et les épreuves de la vie… ils ont connu des ruptures intérieures, et ont expérimentés en eux-mêmes la division. 

Ils ont alors pu accueillir le pardon, que Jean Baptiste et Jésus ont manifesté, comme un baume capable de les guérir… comme une Grâce capable de leur rendre leur dignité, de les recomposer intérieurement.


En d’autres termes… c’est parce qu’ils ont perçu l’Amour divin… même au creux de leurs choix « contestables » ou de leur « égarement »… cet Amour révélé par des témoins, comme Jean le Baptiste… c’est parce qu’ils ont reconnu en Jésus quelque chose de la Présence Eternelle, de l’Amour de Dieu en acte… c’est parce qu’ils ont vécu, dans leur chair, la Vie divine à l’œuvre… que le Christ affirme qu’ils devancent les autres dans le Royaume…


Jésus affirme ainsi que le Royaume n’est pas une récompense pour les « parfaits », mais une Réalité qui témoigne d’un présent transformé… 

C’est l’espace intérieur où le cœur devient « Un »… où le « oui » de l’homme et le « Oui » de Dieu se rejoignent.


Croire à l’Evangile, c’est croire en cette Grâce divine et c’est croire aussi à notre propre évolution… à la possibilité de grandir et de croître… dans une chemin d’unité avec le Divin… dont Jésus est, pour nous, un modèle. 

L’Evangile nous rappelle qu’il n’y a pas de fatalité… Chacun peut, à tout moment, se laisser toucher par la Grâce, décider de se relever, d’avancer, de se laisser transfigurer par Dieu, pour oeuvrer « à la vigne ».

Quel que soit notre passé…  nos décisions… notre éloignement… nos refus d’hier… il est toujours possible de changer. 

Ce qui compte, c’est le chemin… le pas de lucidité et de foi que nous pouvons franchir… qui va nous rendre capable d’évoluer… 

Un appel à travailler à la vigne

Pour conclure - chers amis - je dirai que ce passage de l’évangile appelle chacun de nous à un déplacement…

Dans un monde souvent marqué par le cynisme et la méfiance à l’égard de la religion, il contient une parole libératrice : 

Dieu ne cherche pas des gens parfaits, mais des gens vrais, sincères, capables de se remettre en question et de s’engager. 

Le Christ nous appelle à un travail d’unification intérieure… que l’Esprit saint - le Souffle divin - peut réaliser en nous… pour autant que nous lui laissions la place de le faire. 

Mettre sa foi en actes… nécessite d’abord de se laisser transformer par Dieu… d’entrer dans un chemin de reconnaissance, de conversion, de lucidité et de foi… pour ensuite aller « travailler à la vigne »… c’est-à-dire, servir, entrer dans le don de soi, aimer, pardonner, regarder les autres avec espérance, donner le meilleur de soi. 

Avoir un cœur unifié : c’est accorder ensemble sa conscience, sa volonté et son action… et les mettre en résonance… au diapason de la volonté divine. 

C’est à cela que nous sommes appelés dans notre vie personnelle… professionnelle… relationnelle et spirituelle… dans notre vie d’église… en examinant  - avec lucidité - la vérité de notre cœur… et en faisant confiance à la bonté du Père céleste. 

Le Père, dans la parabole, représente la Source, la Vérité, l’Esprit divin :  s’aligner sur Lui, c’est retrouver son unité profonde.

Qu’il nous soit donné - chers amis - d’avancer dans ce chemin d’unification intérieure…  qui nous ouvre les portes du Royaume…  

Puissions-nous répondre pleinement au Souffle qui vient ainsi renouveler et restaurer notre existence.  

Amen.

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Lectures bibliques

Mt 5, 33-37

33Vous avez aussi entendu qu'il a été dit à nos ancêtres : “Ne fais pas de faux serments, mais accomplis ce que tu as promis par serment devant le Seigneur.” 34Eh bien, moi je vous dis de ne pas jurer du tout : ne jurez ni sur le ciel, car c'est le trône de Dieu ; 35ni sur la terre, car elle est un escabeau sous ses pieds ; ni par Jérusalem, car elle est la ville du grand roi. 36Ne jure pas non plus sur ta tête, car tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. 37Si c'est oui, dites “oui”, si c'est non, dites “non”, tout simplement ; ce que l'on dit en plus vient du Malin (du Mauvais).

Mt 21, 23-27

23Quand il fut entré dans le temple, les grands prêtres et les anciens du peuple s'avancèrent vers lui pendant qu'il enseignait, et ils lui dirent : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela ? Et qui t'a donné cette autorité ? » 24Jésus leur répondit : « Moi aussi, je vais vous poser une question, une seule ; si vous me répondez, je vous dirai à mon tour en vertu de quelle autorité je fais cela. 25Le baptême de Jean, d'où venait-il ? Du ciel ou des hommes ? » Ils raisonnèrent en eux-mêmes : « Si nous disons : “Du ciel”, il nous dira : “Pourquoi donc n'avez-vous pas cru en lui ?” 26Et si nous disons : “Des hommes”, nous devons redouter la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. » 27Alors ils répondirent à Jésus : « Nous ne savons pas. » Et lui aussi leur dit : « Moi non plus, je ne vous dis pas en vertu de quelle autorité je fais cela. »

Mt 21, 28-32

28« Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. S'avançant vers le premier, il lui dit : “Mon enfant, va donc aujourd'hui travailler à la vigne.” 29Celui-ci lui répondit : “Je ne veux pas” ; un peu plus tard, pris de remords, il y alla. 30S'avançant vers le second, il lui dit la même chose. Celui-ci lui répondit : “J'y vais, Seigneur” ; mais il n'y alla pas. 31Lequel des deux a fait la volonté de son père ? » – « Le premier », répondent-ils. Jésus leur dit : « En vérité, je vous le déclare, collecteurs d'impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. 32En effet, Jean est venu à vous dans le chemin de la justice, et vous ne l'avez pas cru ; collecteurs d'impôts et prostituées, au contraire, l'ont cru. Et vous, voyant cela, vous ne vous êtes pas dans la suite davantage repentis pour le croire. »


dimanche 26 octobre 2025

Un Christ agent de libération par la foi

 Lectures bibliques : Lc 17, 5-6 ; Lc 18, 31-43 = voir en bas de la page 

Thématique : un Christ, agent de libération, par la foi

Prédication de Pascal LEFEBVRE - Bordeaux : temple du Hâ, le 26/10/25 & temple de la Bastide, le 16/11/25.



Aujourd’hui, je vous propose de relire ensemble ce récit bien connu de la guérison d’un aveugle… de façon un peu différente… en considérant Jésus non comme un « faiseur de miracle »… mais comme un « agent de libération ». 


En effet, on a l’habitude d’entendre cet épisode comme une guérison étonnante : celle d’un aveuglement physique ou biologique… mais le fait est qu’une telle lecture n’a pas grand chose à nous dire à 2000 ans de distance … car notre rationalité a évolué… et, de toute façon, Jésus n’est plus là, en chair et en os, à nos côtés, pour réaliser ce genre de prodige… 


Ou on peut entendre ce récit autrement, comme la guérison d’un aveuglement spirituel ou psychologique… Cette lecture peut certainement nous parler davantage… car elle nous concerne… Nous avons tous, d’une façon ou d’une autre, besoin de sortir de nos aveuglements… quels qu’ils soient…


L’histoire est bien connue… En entendant une foule qui se presse pour accueillir Jésus, l’aveugle de Jéricho s’informe et se renseigne… (Dans l’évangile de Marc, il a un nom : Bartimée… mais chez Luc, c’est un anonyme). 

La renommée de Jésus l’a précédé… l’aveugle crie au bord du chemin, pour attirer son attention. 


Son cri « Fils de David, aie compassion de moi » traduit sa foi… son attente messianique.

Comme un certain nombre de ses contemporains, l’homme croit que Jésus est possiblement l’incarnation - la manifestation - du Messie tant attendu…. Ce Messie qui devait venir pour libérer Israël de ses oppresseurs et restaurer le Règne de Dieu. 


Ce titre « Fils de David » trahit donc son espérance de salut… 

Il faut se rendre compte, qu’à l’époque de Jésus et pour l’occupant romain, c’était véritablement un titre révolutionnaire et subversif… qui traduisait non seulement une espérance messianique… mais aussi l’espoir de voir les romains enfin chassés du pays. 


Pour autant… il y a encore un obstacle à franchir pour l’aveugle, c’est l’entourage de Jésus qui barre l’accès au maître… Son obstination à crier - malgré les rebuffades des gens du cortège - finit toutefois par attirer l’attention de Jésus. 


1) Ici, déjà… une première question se pose… car, à mon avis, ce n’est pas un hasard si Luc prend le soin de rappeler la réaction de celles et ceux qui entourent Jésus… 


La question est la suivante… 


Si Jésus représente le Christ, celui qui vient révéler et manifester la volonté de Dieu… Comment s’approcher de Dieu ?


Quelle est la différence entre ce que croient les proches de Jésus et ce que croit l’aveugle ?


- L’entourage de Jésus, qui rabroue l’aveugle, qui désire qu’il se taise ou se comporte plus dignement… sont les représentants d’une foi traditionnelle… selon laquelle Dieu ou le Christ sont à notre écoute, si seulement nous empruntons le sentier bien balisé de la religion, de la politesse, du respect, du socialement ou du religieusement correct… 


- L’aveugle, lui, n’a que faire des règle de bienséance… des limites ou des règles religieuses… 

Il croit en un Dieu ou un Christ accessible… sans préjugé… un Dieu capable d’entendre directement nos cris, notre misère, notre souffrance… et notre espérance.


En s’arrêtant, pour se mettre à son écoute, Jésus donne raison à cette seconde façon de voir… 


Par son attitude, il révèle que Dieu dépasse nos conformismes, nos principes et nos présupposés… Ce qui compte c’est l’ouverture du coeur, l’honnêteté et la vérité… C’est ce qu’a compris l’aveugle… en osant interpeler Jésus. 


Par ailleurs, si l’entourage de Jésus cherche à faire taire l’aveugle, c’est peut-être aussi par peur… parce que c’est tout simplement dangereux de crier « fils de David » dans une région qui vit sous occupation romaine… ou c’est peut-être qu’ils considèrent que cet homme n’est pas digne de l’attention de Jésus. Il n’est qu’un mendiant, parmi d’autres… Mais, le Christ donne finalement raison au courage et à la détermination de l’aveugle… qui fait tout pour se faire entendre. 


2) C’est alors qu’une deuxième question survient… Elle apparait dans le dialogue qui se noue entre Jésus et l’aveugle…


Je formulerai cette question de la façon suivante : quelle différence Luc nous fait-il entendre dans ce récit … entre ce que croit l’aveugle… et ce que Jésus lui donne à croire ? Quelle est cette différence ?


- Il me semble que l’aveugle croit que Jésus - en tant que Christ - peut faire quelque chose pour lui… Il croit en un salut, une guérison possible… seulement… il croit que cette guérison ne dépend pas de lui… mais de Dieu seul….


- Et Jésus, lui… que croit-il ? Que dit-il exactement ?


Au début de leur dialogue, il mobilise le désir et la volonté de l’homme aveugle : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » demande-t-il. Cette question du Christ, montre que rien ne peut se jouer sans le désir profond de celui qui en fait la demande…


Et une fois que l’homme a répondu… une fois qu’il est au clair sur le désir de son âme : « que je retrouve la vue » répond-il… le Christ ne lui dit pas : « voici, je te rends la vue »… « j’agis pour toi… à ta place »… en tant que médiateur divin…   

Non !….  Il lui dit : « retrouve la vue »…  Autrement dit, c’est entendu… j’entends ton désir… c’est une possibilité… « tu peux y parvenir ! »


En d’autres termes, il devient un agent de libération des potentialités qui sont en lui…

Il rend l’aveugle capable d’agir par lui-même… en lui-même…. en ouvrant cette possibilité qu’il puisse recouvrer la vue… 


Et c’est précisément ce qui se produit !… sans que nous ayons de détails… ni d’explications. 


On ne sait pas comment… mais la possibilité de la guérison s’ouvre par la foi… 


C’est ce qui lui fait dire à l’aveugle cette fameuse sentence : « ta foi t’a sauvé ! »… Ce qui montre que Jésus considère que tout le mérite de la guérison revient à l’homme lui-même. 


Il ne lui dit pas « au nom de Dieu, par le pouvoir qui m’a été conféré, je te guéris »… ou « je t’ai guéri »…  il lui dit « ta foi… ta confiance … t’a guéri »


Jésus fait ainsi de l’aveugle non pas le bénéficiaire passif de sa guérison… mais l’acteur - à part entière - de sa libération. 


Je reviens à ma deuxième question… Quelle est donc la foi de Jésus ?


Il ne croit pas seulement en Dieu !… il croit aussi en chacun de nous !… Il croit en nos potentialités… dans le fait que nos potentialités peuvent se déployer, se libérer et se combiner… avec celles que Dieu ouvre devant nous… 

Et il croit au pouvoir de la confiance… car cette libération ne peut advenir que pour autant que la foi soit là. 


Si Jésus est bien le Christ, le révélateur du visage de Dieu… il ne vient pas seulement manifester l’extraordinaire de la puissance divine… il vient révéler et présenter un Dieu, qui rend chaque croyant et chaque croyante capable d’agir par lui-même… par sa confiance, sa volonté et son espérance. 


Il y a là quelque chose d’un peu différent de ce que nous avons l’habitude d’entendre… 


Et pourtant si vous relisez le texte attentivement… vous verrez qu’à aucun moment, Luc ne dit explicitement que Jésus a guéri cet aveugle… 

Ce qu’il nous fait voir, en revanche, c’est un Christ - agent de libération - qui permet à l’être humain de trouver ou de retrouver les potentialités et les ressources qui sont en lui… grâce à sa foi… une foi qui permet de surmonter tous les aveuglements. 


C’est vrai que nous avons pris l’habitude d’entendre cette histoire comme un récit de miracle… qui manifesterait le pouvoir prodigieux de Jésus… mais - à mon avis - ce n’est pas là que ce situe la pointe de cette rencontre… 

Ce que Luc met en avant c’est la foi de cet homme… une foi que Jésus active, met en mouvement et décale en même temps… puisque l’aveugle passe d’une foi passive (où Dieu seul ferait l’impossible)… à une foi active (où Dieu peut agir avec lui et en lui, en ouvrant de nouvelles potentialités). 


Le miracle n’est donc pas seulement du côté de Jésus… mais il est aussi dans la foi transformatrice de cet homme… qui, pour la première fois, peut-être, a cru que quelque chose de nouveau pouvait surgir dans sa vie. 


C’est en cela que cet épisode peut encore nous parler aujourd’hui… 

Car, dans notre vie, nous sommes peut-être, parfois, comme cet aveugle au bord du chemin… nous avons peut-être pris l’habitude de nous résigner, face à ce que nous croyons impossible de changer… 


Alors, comme lui… nous avons besoin que quelqu’un passe sur notre route - comme le Christ - pour ouvrir et impulser la possibilité d’une réalité nouvelle… simplement par sa présence et ses questionnements…


 Nous avons besoin de témoins… d’agents de libération… qui viennent questionner et mobiliser nos désirs profonds… comme Jésus l’a fait avec cet aveugle…


Je crois que c’est un message toujours actuel dans notre monde… où nous trouvons tant de choses déprimantes, démoralisantes et sombres autour de nous… Il suffit d’ouvrir le journal télévisé pour nous laisser submerger par des vagues de mauvaises nouvelles.. 


Bien sûr… même si nous ne sommes pas « aveugles » de la même façon que cet homme de Jéricho… nous avons quand même tendance à nous habituer à l’obscurité… Nous nous résignons à ce qui nous semble impossible à changer… Nous voyons tout ce qui va mal en nous, dans notre vie ou notre société… et nous sombrons dans « l’impuissance »… Nous croyons que la marche est trop haute, pour que les choses puissent vraiment évoluer…


Mais l’évangile vient nous redire qu’il n’en est rien ! … que rien n’est impossible pour la foi… pour celui qui place toute son énergie, son courage, son dynamisme et sa confiance dans un projet de vie… qui entre en résonance avec le projet divin. 


Jésus est celui qui libère et mobilise la foi de celles et ceux qui se confient en lui… pour provoquer un dépassement…  pour élargir les horizons… 


3) Troisièmement… 3ème point… il y a encore d’autres lectures possibles de ce récit de guérison… que l’on peut envisager sous un angle symbolique… puisqu’il traduit le passage de l’aveuglement à une claire vision… 


- Cette guérison a lieu, bien sûr, pour l’aveugle de Jéricho, qui a pu exprimer sa foi… mais remarquez qu’elle a aussi lieu pour les témoins, qui sont autour de lui. 


La fin de l’épisode nous entraine, en effet, dans un retournement… 


Ceux qui avaient d’abord tenté d’exclure le mendiant aveugle… car il ne correspondait pas aux bons critères du croyant « admissible », « bien comme il faut »… le voient désormais publiquement reconnu et estimé … il est désormais guéri… honoré de tous pour sa foi… et il suit maintenant Jésus sur le chemin… c’est-à-dire qu’il dévient un disciple, une nouvelle recrue pleine de dévouement et de gratitude pour Jésus. 


En d’autres termes… les disciples qui entourent Jésus passent aussi de l’aveuglement à une claire vision… en étant transformé par la foi du mendiant aveugle. Celui-ci devient, à son tour, un agent de libération pour les autres. 


- Cet épisode nous permet aussi d’entrer en résonance avec le récit qui précède, dans l’évangile de Luc : l’annonce de la passion du Christ. 


La vie de Jésus va être le théâtre de la violence et de la cruauté. Jésus sera injustement traité et outragé. Sa mort va révéler l’injustice humaine. Mais Dieu surmontera cette folie meurtrière, en relevant son envoyé de la mort… par sa résurrection. 


Telle est l’annonce que les disciples ne peuvent pas encore comprendre. Elle résonne - pour celui qui connait l’Evangile -  comme un appel à garder la foi. Car Dieu lui-même ne se résigne pas face à la violence et l’injustice humaine. Il mettra tout en oeuvre, pour surmonter la situation… et permettre à l’être humain de progresser, de donner une meilleur version de lui-même. 


Le lecteur de l’Evangile est donc invité à ne pas rester centré sur les malheurs du monde… et sur le malheur qui va frapper Jésus… mais à voir au-delà du visible… à croire que l’invisible Source de l’amour prépare l’humanité à une vision plus grande… à une conscience plus haute… que le Christ va bientôt révéler. 


4) Enfin… quatrième et dernier point, pour conclure… Je crois que ce épisode de l’Evangile peut continuer de nous interpeler 2000 ans plus tard… pour différentes façons…


- D’abord, cet épisode nous interroge personnellement … Nous pouvons facilement nous identifier à cet aveugle de Jéricho : 


Si le Christ nous posait, aujourd’hui, la même question qu’à cet homme aveugle : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » … que répondrions-nous ? 


Je vous invite à y réfléchir… 


Est-ce que nous sommes au clair sur les désirs profonds de notre âme ? Qu’est-ce que nous voulons vraiment ? Qu’est-ce que nous attendons de cette existence (pour le temps qui nous reste à vivre) ? Qu’est-ce que nous avons le désir d’expérimenter ? Qui choisissons-nous d’être ou de devenir ?… dans notre rapport à nous-mêmes, à Dieu et aux autres ?…


C’est vrai que nous ne sommes pas toujours au clair sur ce que nous voulons… aussi, c’est quelque chose que nous pouvons demander au Saint Esprit… qu’il nous donne du discernement dans nos choix de vie… qu’il nous aide à nous orienter dans nos décisions, pour avoir « une vie bonne »… et pouvoir exprimer nos plus belles potentialités… 


- On peut aussi lire ce récit de guérison… comme une libération… comme quelque chose que l’homme parvient à lâcher et abandonner… 

En entrant dans la foi, il crée une ouverture… il lâche son aveuglement… comme les autres atour de lui, vont aussi apprendre à lâcher leurs préjugés. 


De la même manière, posons-nous la question : est-ce qu’il y a des choses que nous aurions besoin de lâcher, d’abandonner dans notre vie ?… pour trouver un meilleur équilibre, plus de paix, d’épanouissement, de liberté, de sérénité, de guérison… 


Il s’agit peut-être de vieux réflexes, de mauvaises habitudes, de vieilles routines, de préjugés, de fausses croyances, d’obsessions ou d’addictions… qui nous empoisonnent un peu l’existence… et qui nous empêchent d’avancer ou de nous renouveler… 


Est-ce que notre confiance et notre volonté - comme pour l’aveugle guéri - ne peuvent pas être mobilisés avec l’aide et l’encouragement de témoins du Christ… pour nous ouvrir à la nouveauté ?


- Personnellement, je crois que Jésus est toujours vivant aujourd’hui… Il est le Christ ressuscité…. qui vit dans la sphère spirituelle…. 

Ainsi, nous pouvons toujours crier vers Lui… pour lui demander son aide et son secours… car il est - par l’Esprit saint - un agent de salut et de libération, pour tous ceux qui lui font confiance. 


Je ne suis pas sûr qu’il nous exauce directement, comme « par miracle »… mais je crois qu’il peut nous aider - comme autrefois - à mobiliser notre foi, notre confiance et notre courage… pour nous permettre de trouver les ressources et les potentialités qui sont en nous…  afin de surmonter les obstacles, de nous relever de nos impasses… quelles qu’elles soient…. quand bien même, nous traversons de grandes difficultés… personnelles, familiales, communautaires ou collectives. 


L’Evangile de ce jour, nous invite donc à communiquer nos désirs profonds au Seigneur, à lui confier nos besoins, à lui abandonner notre vie… pour nous ouvrir à la confiance et pour oser le suivre… 


Il nous invite aussi à être à l’écoute des autres… et à devenir, à notre tour, des agents de libération… pour nos frères et soeurs…


Demandons au Saint Esprit de nous guider sur notre chemin… pour que nous puissions nous aligner sur l’Esprit du Christ… que nous puissions entrer pleinement « en résonance » avec nous-mêmes, avec les autres et avec Dieu… 


Amen. 


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Lectures bibliques : Luc 17, 5-6 ; Luc 18, 31-43


Luc 17, 5-6  - La foi

5Les apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi. » 6Le Seigneur dit : « Si vraiment vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous obéirait.

Luc 18, 31-34 - Dernière annonce de la Passion

31Prenant les Douze avec lui, Jésus leur dit : « Voici que nous montons à Jérusalem et que va s'accomplir tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l'homme. 32Car il sera livré aux païens, soumis aux moqueries, aux outrages, aux crachats ; 33après l'avoir flagellé, ils le tueront et, le troisième jour, il ressuscitera. » 34Mais eux n'y comprirent rien. Cette parole leur demeurait cachée et ils ne savaient pas ce que Jésus voulait dire.

Luc 18, 35-43 - Guérison d'un aveugle à Jéricho

35Or, comme il approchait de Jéricho, un aveugle était assis au bord du chemin, en train de mendier. 36Ayant entendu passer une foule, il demanda ce que c'était. 37On lui annonça : « C'est Jésus le Nazôréen qui passe. » 38Il s'écria : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » 39Ceux qui marchaient en tête le rabrouaient pour qu'il se taise ; mais lui criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! » 40Jésus s'arrêta et commanda qu'on le lui amène. Quand il se fut approché, il l'interrogea : 41« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il répondit : « Seigneur, que je retrouve la vue ! » 42Jésus lui dit : « Retrouve la vue. Ta foi t'a sauvé. » 43A l'instant même il retrouva la vue et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu. Tout le peuple voyant cela fit monter à Dieu sa louange.