lundi 14 avril 2025

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Les méditations proposées sur ce Site se situent dans l'horizon d'une Spiritualité chrétienne... Elles se fondent sur l'interprétation de l'Evangile comme "Bonne Nouvelle", qui nous rappelle qu'une Grâce originelle nous est offerte... laquelle nous ouvre à la liberté et la confiance !

Lors des cultes du dimanche, les Protestants essaient de mettre en lien leur vie présente avec l'Evangile... Il s'agit de se laisser inspirer par l'Esprit au quotidien... de s'ouvrir à quelque chose de Nouveau... 

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Dernières prédications

 Retrouvez les dernières prédications en ligne :

  • L’humilité et le service, pour se mettre à l’écoute de Dieu et des autres (13/04/25)
  • La Beauté ou l'utilité ? - culte autrement (12/04/25)
  • Après quoi courons-nous ? La vie a-t-elle un but ? (06/04/25)
  • Croire en un Dieu qui libère et qui relève (30/03/25)
  • Se convertir ou se perdre (23/03/25)
  • Heureux les artisans de paix (16/03/25) 
  • La foi pour transformer ses talents  : culte autrement (15/03/25)
  • Pas de peuple élu, mais une élection offerte à chacun (23/02/25)
  • Favoriser ou faire obstacle à la diffusion du salut ? (16/02/25) 
  • Jetez vos filets ailleurs ! (09/02/25)
  • dimanche 13 avril 2025

    Jn 13, 1-17

    Lectures bibliques : Jn 13, 1-17 (autre lecture possible : Ph 2, 1-11) = voir texte en bas de cette page
    Thématique : L’humilité et le service, pour se mettre à l’écoute de Dieu et des autres
    Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bordeaux, le 13/04/2025 - culte avec les jeunes

    Nous écoutons aujourd’hui ce récit surprenant de l’évangile de Jean (cf. Jn 3, 1-17) où Jésus lave les pieds de ses disciples : un geste choquant pour ses contemporains… et toujours étonnant pour nous. 

    À l’époque, ce geste était réservé aux esclaves, aux personnes qui étaient tout en bas de l’échelle sociale. Alors pourquoi Jésus - le Maître - fait-il cela ? Quel signification donne-t-il à cet acte ? Et comment ce geste peut-il encore nous parler et nous concerner 2000 ans plus tard ?

    Jésus, l'exemple d’une humilité radicale

    Imaginons d’abord la scène… comme si nous y étions : Jésus, l’envoyé de Dieu, celui qui enseigne avec autorité et qui accomplit des signes extraordinaires, se met à genoux pour laver les pieds de ses compagnons de route. Un geste aussi simple qu’inattendu. Pourquoi cet acte de soumission volontaire auprès de ses disciples ? 

    Certainement pour leur transmettre un exemple d’humilité avant sa mort prochaine. Car Jésus est conscient de sa mort imminente, il prépare ses disciples à ce qui va arriver…

    « Un serviteur n’est pas plus grand que son maître, tout comme un envoyé n’est pas plus grand que celui qui l’envoie » (v. 16). Jésus n’a cessé d’être au service de son Père, à l’écoute de la volonté divine… Il s’est fait le chantre et le serviteur du Royaume de Dieu. 

    Après lui, les disciples ne devront pas faire autrement… Ils ne devront pas entrer dans des discussions ou des tensions, pour savoir qui aura la préséance ou le privilège de la première place, quand Jésus ne sera plus là. « Si quelqu'un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » C’est une parole que nous entendons aussi dans l’Evangile de Marc (cf. Mc 10, 43-44). 

    Pour nous, au XXIe siècle, la notion de service et d’humilité peut paraître démodée - à contre-courant même ! - dans un monde où nous sommes plutôt encouragés à paraître, à briller, à « réussir » selon des critères de performance et d’apparence. Jésus, lui, renverse cette mentalité courante… en affirmant que la véritable grandeur ne se mesure pas à la position qu’on occupe, mais à la manière dont nous acceptons de servir les autres, quitte à lâcher notre égo et à nous abaisser. 

    Le monde dans lequel nous vivons nous pousse souvent à l’individualisme et à la compétition. Chacun doit prouver sa valeur et réussir par ses efforts. C’est le règne du « chacun pour soi ». Il faut sans cesse passer des évaluations, des examens, des concours, des entretiens. Nous recevons cette injonction récurrente… de devoir nous dépasser et nous battre… pour avoir plus, pour gagner davantage et mériter notre place. Qu’on le veuille on non, notre monde et nos mentalités reposent souvent sur des rapports de force, de rivalité ou de domination. 

    Mais dans ce passage, Jésus nous invite à voir les choses autrement… à renverser ces valeurs. En incarnant une humilité radicale, il nous invite à ne pas nous contenter des apparences et de l’extériorité, mais à être attentif à notre intériorité… C’est un choix du coeur de s’ouvrir aux autres, de s’engager pour eux, de vivre dans le don de soi, de donner gratuitement, sans forcément attendre quelque chose en retour.

    Le service comme chemin d'amour
     
    Dans cet épisode avec ses disciples, Jésus veut montrer que le service est un moyen relationnel d’exprimer de la reconnaissance, de la considération et de l’amour pour ceux qui nous entourent. 
     
    A travers ce geste simple, il dit aux disciples : « Si donc moi, le Seigneur et le maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » (v.14) Ce n’est pas seulement un conseil, c’est un appel à le suivre… une vocation, une mission… on pourrait presque dire un « nouveau sacrement » : le signe visible d’une grâce invisible. En tout cas, c’est un service qui appelle à manifester son amitié fraternelle de manière concrète… à ne pas se contenter de belles paroles… mais à poser des actes d’amour.

    Aujourd’hui, on a parfois tendance à réduire l'amour à une émotion ou à sentiment passager. On aime celui qui est « dans le vent »… celui qui est beau et « cool »… celui ou celle qui nous fait rire ou qui dégage quelque chose de séduisant… ou encore celui qui peut nous apporter de la reconnaissance, de l’estime ou une forme de « plus value ». Mais, dans cet épisode, Jésus nous propose un amour gratuit… qui se manifeste par des gestes quotidiens d’aide, d’attention, de présence, de soutien. « Aimer », c’est avant tout aider, c’est rendre service, c’est faire grandir l’autre.  

    Dans un monde où l’on se sent parfois seul… où la surface des relations, les apparences, deviennent souvent plus importantes que la profondeur du cœur… Jésus nous invite à retrouver l’essence même de l’amour : un amour simple et actif… qui se donne sans calcul.

    La purification du cœur 
     
    Par ailleurs, ce récit de l’évangile, nous délivre aussi un autre enseignement : Lorsque Pierre - le bras droit de Jésus - refuse que son Maitre lui lave les pieds, celui-ci lui répond : « Si je ne te lave pas, tu ne partageras rien avec moi / tu n’auras pas part avec moi. » (v.8). Cela veut dire que ce geste ne revêt pas seulement une dimension physique ou rituelle, mais une dimension spirituelle : il s’agit d’un acte de purification. 

    C’est comme si ce geste traduisait un appel à une purification du cœur : Jésus veut purifier ses disciples… et nous aussi… Il veut nous purifier de notre orgueil, de notre égoïsme, de notre mentalité de domination… de nos préjugés… de tout ce qui nous bloque et nous empêche d’aimer pleinement.
     
    Par ce geste, il nous invite à une réflexion plus profonde sur notre propre relation à Dieu et aux autres. Nous avons tous besoin de purification, de guérison, de réconciliation. 

    Accepter d’occuper la position de serviteur, c'est accepter de lâcher son égo et de se mettre en position d’écoute… pour se mettre au service d’un autre… en l’occurence de Dieu… comme Jésus l’a fait. Mais aussi, de se mettre vraiment à l’écoute des autres. 

    Ce n’est pas un hasard si, dans notre société, celles et ceux qui sont souvent à l’écoute des autres, ce sont des professionnels du service : les coiffeurs, au service de notre visage et notre beauté… les médecins au service de notre santé… les éducateurs au service des jeunes… les aides soignantes au service de la toilette et du corps des plus âgés… 

    Pour rencontrer Dieu et les autres, il faut faire preuve d’humilité… C’est en se mettant au service d’autrui qu’on peut vraiment le rencontrer. C’est ce qui fait dire à Paul dans l’épitre aux Philippiens : « ne faites rien par ambition personnelle ni par vanité ; avec humilité, au contraire, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. » (cf. Ph 2,3). 

    L’appel à nous « laver les pieds les uns aux autres » (v.14) est un appel à nous mettre à l’écoute des besoins d’autrui, un appel à la fraternité et à l’amour inconditionnel.

    La liberté et le dépassement de la réciprocité
     
    Enfin, ce passage nous interroge sur la véritable nature de nos relations avec Dieu et avec les autres : Jusqu’où peut-on aller par amour ? 

    Nous voyons dans cet épisode que Jésus lave aussi les pieds de Judas, celui qui va le trahir. Et cela - bien sûr - pose question : « Puis-je aimer et servir ceux qui peuvent me faire du mal ? » Est-ce que cet acte incroyable de Jésus ne constitue pas une mise en pratique du sermon sur la Montagne (cf. Mt 5,44), où le maître appelait ses disciples « à aimer même ceux qui nous traitent en ennemi » ? … ou « à bénir ceux qui nous maudissent » ?
     
    C’est certainement difficile ! Pourtant, c’est la voie que le Christ nous propose pour changer les choses ! 
     
    Dans un monde où les vengeances, les rancunes et les divisions sont souvent les seules réponses à l’agression, la trahison et l’injustice, Jésus nous invite à sortir de la réciprocité… à aller au-delà des habitudes et des blessures. Son exemple nous pousse à dépasser les relations de miroir, de donnant-donnant, de réciprocité… en venant nous interroger : pouvons-nous aimer gratuitement… sans condition ?  Pouvons-nous vivre dans le don de soi et offrir nos services… même lorsque nous n’en recevons rien en retour ? 

    C’est un nouveau chemin que Jésus nous propose d’expérimenter… un chemin qui appelle à une véritable liberté intérieure… Précisément, il est possible d’agir de la sorte - de façon gratuite - seulement lorsqu’on est libéré du soucis de soi-même : libéré du besoin de reconnaissance et du besoin d’avoir raison… libéré de son bon droit et des chaines du ressentiment.

    Comme disait Martin Luther, dans un de ses fameux traité : « Le chrétien est l’homme le plus libre ; maître de toutes choses il n’est assujetti à personne. L’homme chrétien est en toutes choses le plus serviable des serviteurs ; il est assujetti à tous ». 
     
    Conclusion
     
     
    Pour conclure… chers amis….  À travers cet épisode, l’évangile nous invite à un choix radical : suivre (ou non) l’exemple de Jésus. 

    Cela peut paraître difficile dans un monde aux valeurs contraires… qui nous pousse le plus souvent vers l’individualisme, la combativité et la performance… Mais Jésus nous rappelle - paradoxalement - que c’est dans l’humilité, le service et le don de soi, que résident la véritable liberté et la possibilité de rencontrer l’autre en vérité.
     
    Comment accueillir cet appel de Jésus à l’imiter ? Précisément, « laver les pieds » des autres : qu’est-ce que cela pourrait signifier dans notre contexte d’aujourd’hui ?
     
    Cela pourrait signifier s'engager dans des actions qui vont à l'encontre de notre ego, de notre confort, de nos privilèges… pour mettre en avant les autres et leur apporter un soutien : oser des gestes concrets, qui parfois nous coûtent… donner le meilleur de soi, pour faire surgir le meilleur de l’autre. 

    Concrètement, cela pourrait signifier aider un ami ou un collègue en difficulté au travail… prendre soin des personnes les plus fragiles autour de nous…. aider quelqu’un dans le besoin… visiter des personnes âgées ou malades… soutenir des personnes sans-abri ou simplement un ami qui traverse une épreuve…

    L’acte de « laver les pieds » pourrait également symboliser l’idée de prêter attention, de se rendre disponible et prendre du temps… pour écouter les autres… notamment ceux qui sont seuls ou isolés…

    Dans le contexte d’aujourd’hui, cela pourrait encore signifier accepter d’offrir un pardon, oser se réconcilier, même avec ceux qui nous ont blessés… oser tendre la main à quelqu’un avec qui on a eu un conflit… ou offrir une seconde chance à quelqu’un qui a fait des erreurs… choisir la paix plutôt que l’amertume…

    Enfin… « laver les pieds » des autres, cela pourrait encore signifier se lever contre les injustices et soutenir ceux qui souffrent d’exclusion ou d’inégalités sociales, raciales ou économiques… par exemple, à travers un engagement actif pour promouvoir la dignité, l’accès aux droits et la justice, pour ceux qui en ont besoin. 

    En bref… le Christ nous invite à changer de regard sur la vie… sur nos priorités… et nos rapports aux autres. Il nous invite à faire preuve d’audace et d’écoute, en entrant dans l’humilité et le service.  

    Qu’il en soit ainsi ! Amen.
     
     
    Lecture biblique
     
    Jn 3, 1-17 - Jésus lave les pieds de ses disciples  (autre lecture possible : Ph 2, 1-11)
     

    1C'était juste avant la fête de la Pâque. Jésus savait que l'heure était venue pour lui de quitter ce monde pour aller auprès du Père. Il aimait les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'au bout. 2Jésus et ses disciples prenaient le repas du soir. Le diable avait déjà fait germer dans le cœur de Judas, fils de Simon l'Iscariote, l'idée de livrer Jésus. 3Jésus savait que le Père avait tout remis entre ses mains, que lui-même était venu de Dieu et qu'il retournait à Dieu. 

    4Il se lève de table, ôte son vêtement de dessus et prend une serviette dont il s'entoure la taille. 5Ensuite, il verse de l'eau dans une cuvette et se met à laver les pieds de ses disciples, puis à les essuyer avec la serviette qu'il avait autour de la taille. 6Il arrive à Simon Pierre, qui lui demanda : « C'est toi Seigneur qui me laves les pieds ? » 7Jésus lui répondit : « Tu ne saisis pas maintenant ce que je fais, mais tu comprendras plus tard. » 8Pierre lui dit : « Non, tu ne me laveras jamais les pieds ! » Jésus continua : « Si je ne te lave pas, tu ne partageras rien avec moi. » 9Simon Pierre répliqua : « Alors, Seigneur, ne me lave pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » 10Jésus ajouta : « La personne qui a pris un bain n'a plus besoin de se laver, sinon les pieds, car elle est entièrement propre. Vous êtes propres, vous, mais pas tous cependant. » 11En effet, Jésus savait qui allait le livrer ; c'est pourquoi il dit : « Vous n'êtes pas tous propres. »

    12Après leur avoir lavé les pieds, Jésus reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? 13Vous m'appelez “maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car je le suis. 14Si donc moi, le Seigneur et le maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. 15Je vous ai donné un exemple pour que vous agissiez comme je l'ai fait pour vous. 16Oui, je vous le déclare, c'est la vérité : un serviteur n'est pas plus grand que son maître, tout comme un envoyé n'est pas plus grand que celui qui l’envoie 17Maintenant que vous savez cela, vous serez heureux si vous le mettez en pratique.

    samedi 12 avril 2025

    La beauté ou l'utilité ?

    La beauté ou l'utilité ?

    Culte autrement - sur Mc 14, 3-9 - samedi 12 avril 2025

    Mc 14, 3-9 - Une femme répand du parfum sur la tête de Jésus
    (Autres versions : Mt 26.6-13 ; Jn 12.1-8 ; Lc 7.36-38)

    3 Jésus était à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux et, pendant qu'il était à table, une femme vint, avec un flacon d'albâtre contenant un parfum de nard, pur et très coûteux. Elle brisa le flacon d'albâtre et lui versa le parfum sur la tête. 4 Quelques-uns se disaient entre eux avec indignation : « A quoi bon perdre ainsi ce parfum ? 5 On aurait bien pu vendre ce parfum-là plus de trois cents pièces d'argent et les donner aux pauvres ! » Et ils s'irritaient contre elle.
    6 Mais Jésus dit : « Laissez-la, pourquoi la tracasser ? Ce qu'elle a accompli pour moi est vraiment beau (c’est une belle œuvre qu'elle vient d'accomplir à mon égard). 7 Des pauvres, en effet, vous en avez toujours avec vous, et quand vous voulez, vous pouvez leur faire du bien. Mais moi, vous ne m'avez pas pour toujours. 8 Ce qu'elle pouvait faire, elle l'a fait : d'avance elle a parfumé mon corps pour l'ensevelissement. 9 En vérité, je vous le déclare, partout où sera proclamé l’Évangile dans le monde entier, on racontera aussi, en souvenir d'elle, ce qu'elle a fait. »

    Petit rappel introductif

    A l’époque de Jésus, le parfum est un produit de luxe, qui se présente souvent sous la forme d’une crème à étaler sur le corps.
    Le parfum est estimé ici à plus de 300 pièces d’argent, c’est-à-dire le salaire d’une année de travail d’un ouvrier : Imaginez un flacon de parfum qui vaudrait près de 15 000 €

    Dans le monde biblique, verser du parfum était une manière d’honorer quelqu’un. C’est un geste d’hommage et d’accueil.

    Dans l’Ancien Testament, on versait du parfum sur la tête du roi, pour le reconnaître dans sa dignité royale : c’est ce qu’on appelle « l’onction » (pour le Roi ou le Messie).

    Dans le contexte du récit, être à table signifie souvent être allongé sur des coussins.

    Dans les commentaires de ce récit, le personnage de la femme au parfum est souvent interprété comme étant de mauvaise réputation (pécheresse) car il est dit - dans la version de Luc - qu’elle a beaucoup à se faire pardonner. Mais ici (dans la version de Marc ou de Matthieu) rien n’indique que ce point de vue soit fondé.

    Questions pour partager

    - 1) Une femme verse un parfum de grand prix sur la tête de Jésus. L’épisode raconté par Marc (ou Matthieu), met en compétition 2 logiques (2 systèmes de valeur) : celle de la femme (qui est dans l’élan du coeur, dans la logique du don et de la gratuité) et celle de certains convives ou disciples (qui s’indignent et s’irritent contre elle). Comment qualifieriez-vous la logique des « indignés » ? Quels sont leurs arguments ? D’où vient le choc des convives ?

    ...

    - 2) Leurs arguments « raisonnables » ne sont-ils pas cohérents avec ce que Jésus a dit lui-même au jeune homme riche (cf. Mt 19,21 : « Jésus lui dit : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi ! ») ? Qu’en pensez-vous ? Jésus peut-il se contredire ?

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    - 3) Comment Jésus réagit-il ? Quels sont ses arguments ?

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    - 4) Comment comprenez-vous cette affirmation et le qualificatif « beau /belle » : « elle a fait ce qui est beau ! » (c’est une « belle » oeuvre qu’elle vient d’accomplir) ?

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    - 5) Selon vous, de quoi notre monde - ou votre environnement - aurait-il besoin, pour être plus « beau » ?

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    - 6) Dans cet épisode, Jésus défend la surabondance de la Grâce (que la femme manifeste spontanément) : il défend une mentalité « esthétique » (fondé sur la beauté et la gratuité de son geste), face à une mentalité « utilitariste » (où chaque chose devrait forcément être utile et employé selon une valeur marchande, dans un but précis). Qu’en pensez-vous ?

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    - 7) Quel(s) changement(s) apporte Jésus dans la vie de chacun des protagonistes ? (Pour la femme / Pour les convives)

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    - 8) Vous mêmes… que faites-vous pour rendre votre vie ou votre environnement plus beau ? Et celui des autres (de votre entourage) ? Est-ce que cela fait partie de vos préoccupations ou priorités ?

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    - 9) Jésus met aussi en avant la grande intuition de cette femme (elle a saisi la portée exceptionnelle du moment), car Jésus va bientôt être arrêté, mourir sur la croix et sera mis au tombeau… Le geste de la femme peut ainsi être interprété comme un geste prophétique (une anticipation, une préfiguration) : d’avance, elle parfume le corps de Jésus pour l’ensevelissement. Diriez-vous que cette femme a su écouter son coeur ? (son âme, sa sensibilité ?) …  ou qu’elle est « sous emprise » (de celui qu’elle admire particulièrement : Jésus) ?…. Et vous… que faites-vous pour développer votre intuition ?…  Et votre capacité de contemplation ou d’émerveillement ?

    ...


    - 10) Au final, l’attitude de la femme équivaut à une suspension provisoire de l’éthique (elle ne se préoccupe pas de savoir si c’est bien ou mal, ni même des « quand dira-ton » face à un geste qui peut paraitre scandaleux, devant l’exigence morale, devant le souci des pauvres) : elle laisse seulement parler son coeur, qui se manifeste dans le don excessif. Cette attitude « passionnelle » est validée par Jésus, qui s’apprête lui-même à vivre sa Passion. Pensez-vous que nous devrions parfois agir comme elle, dans certaines circonstances : arrêter d’écouter notre raison, pour laisser parler notre coeur ? …. Avez-vous des exemples ou des situations en tête ?… ou il serait bon d’agir ainsi ?… ou (en avez-vous fait l’expérience?) avez-vous déjà fait de même ? (à quelle occasion ?)

    ...


    - 11) Il semble, au final, que ce soit cette femme qui ait vraiment discerné l’intensité - l’enjeu exceptionnel - du moment. Dans sa liberté, c’est elle qui a tout compris (consciemment ou inconsciemment). Avez-vous le sentiment, parfois, d’être incompris (comme cette femme) ? Ou de penser autrement que les autres (d’avoir un autre regard sur la réalité ou le monde) ? Dans ces situations, qu’est-ce qui vous inspire ? Comment réagissez-vous ?

    ....


    - 12) Est-ce que vous aimez ce récit évangélique ? Si oui… pourquoi : quels enseignements / quelles conclusions en tirez-vous ?   Si non… pourquoi ? 

    ...

    dimanche 6 avril 2025

    Après quoi courons-nous ?

    Lectures bibliques : Es 43, 16-21 ; Pr 3, 5-6 ; Ec 3, 1.9-15 ; Mt 6,33 ; Ph 3, 2-16 = voir textes bibliques en bas de cette page.
    Thématique : Après quoi courons-nous ? La vie a-t-elle un but ?
    Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bordeaux, le 06/04/2025 - culte avec baptême. 

     
    Aujourd’hui, les textes de la Bible que nous venons d’entendre, nous permettent de méditer sur cette interrogation existentielle : Quel est le sens de la vie ?
     
    C’est peut-être une question que se posera, dans quelques années, Noé, qui a reçu le baptême aujourd’hui...
     
    La vie a-t-elle un but ?… une direction… va-t-elle quelque part ?
    Après quoi courons-nous ?
    Avons-nous (chacun) une mission de vie particulière ?
     
    La vie a-t-elle un but (ou pas) ? Peut-on vivre sans but ?
     
    Le but de la vie n’est-il pas avant tout de l’expérimenter ?… de vivre le moment présent… simplement d’essayer d’être heureux… de découvrir « la joie de vivre » avec les autres ?
     
    Faut-il forcément que la vie ait un but ? Ne peut-on pas simplement vivre « sans pourquoi » ?
     
    Les réponses à ces questions existentielles dépendent de la manière dont on définit le concept de « but ».
     
    D’un côté, il y a ceux qui estiment qu’il est possible de vivre sans un but défini.
     
    La vie nous est donnée gratuitement… alors pourquoi ne pas vivre simplement, de manière libre et spontanée… en se concentrant sur l’expérience immédiate du présent… en savourant chaque instant / en saisissant les occasions agréables ?
     
    En ce sens, certaines philosophies, comme le taoïsme ou le bouddhisme (par exemple) encouragent le lâcher prise… l’abandon de la quête incessante de sens ou de succès… pour entrer simplement dans l’acceptation et l’harmonie avec ce qui est.
     
    Il y a peut-être là une forme de sagesse… qu’on retrouve aussi chez Qohelet / l’Ecclesiaste, lorsqu’il appelle à profiter des bonnes choses de la vie et des moments de bonheur qui se présentent à nous (cf. Ec 3, 12-13).
     
    Pour le sage Qohelet, en effet, le but ultime de la vie échappe à la compréhension humaine ; l’homme n’est pas en mesure de comprendre l’œuvre de Dieu.
     
    C’est pourquoi, plutôt que de se perdre dans des recherches vaines et incessantes de sens, il encourage ses lecteurs à jouir des plaisirs simples de la vie, comme manger, boire et être heureux, tout en reconnaissant que ces choses sont des dons, des cadeaux de Dieu.
     
    Face à la brièveté de l’existence… à son caractère transitoire… il prône une attitude humble, consistant à apprécier l’instant présent et les bienfaits quotidiens qui nous sont offerts.
     
    Et c’est vrai qu’on peut certainement vivre « sans but » particulier … Mais peut-être seulement à un certain âge…. après avoir déjà accompli un certain nombre de choses dans sa vie.
     
    En même temps, on voit parfois des personnes retraitées qui dépriment parce que - justement - elles n’ont plus de but, ni de projet… elles ne discernent plus forcément d’objectifs stimulants dans leur existence actuelle… Elles ressentent alors une sorte de vide, une sensation de flottement… pouvant mener à une forme d’incertitude, de désengagement ou de lassitude.
     
    Il faut reconnaître que tant qu’on a la santé… on est souvent animé d’envies, de désirs… d’une énergie vitale qui nous pousse en avant.
     
    De fait, il semble difficile de vivre sans rien qui nous motive ou nous pousse à agir. Même si le but n’est pas toujours un objectif concret, comme une carrière ou une réussite personnelle… il peut se manifester de manière subtile : comme un désir d’explorer certaines dimensions de la vie, de continuer à apprendre, d’évoluer, ou de tisser des liens avec les autres.
     
    On peut donc penser - d’un autre côté - qu’un but est nécessaire à chacun… pour donner un sens à sa vie… pour avoir une direction et une motivation.
    Avoir un but, c’est inscrire sa vie dans une dynamique… c’est diriger sa pensée, son élan, son énergie et ses actes dans une trajectoire…
     
    Il me semble qu’une vision chrétienne de la vie… ne peut pas se satisfaire de la vision proposée par Qohelet… elle rejoindrait plutôt l’aspiration de Paul… qui place son existence dans un axe, une direction… Car un but peut nous apporter un sentiment de progression et de réalisation.
     
    Entre foi et incertitudes
     
    Mais une fois qu’on a dit ça…. d’autres objections se présentent à nous … car, sur le chemin qui est le nôtre… nous pouvons encore rencontrer des obstacles et des difficultés plus ou moins grandes…
     
    Quand nous traversons des temps de doutes, d’épreuves ou de souffrances… nous pouvons remettre en cause nos choix de vie… soit nous décourager… soit parvenir à surmonter les obstacles… soit nous réorienter en déterminant une nouvelle direction…
     
    C’est ce qui est arrivé à l’apôtre Paul… nous y reviendrons dans un instant…
     
    Quand nous voyons aussi (aux informations télévisées ou sur les réseaux sociaux) le triste spectacle du monde, avec ses multiples crises et ses conflits sanglants… nous pouvons nous sentir touchés par le non-sens apparent de la vie… par un sentiment d’absurde, de désolation ou d’impuissance. Et, bien sûr, cela nous affecte profondément.
     
    Mais… nous pouvons aussi garder en mémoire… le fait qu’il y a quand même de belles choses dans l’existence… nous appartenons à une création merveilleuse et magnifique… il y a des gens qui nous font confiance et qui nous aime… à commencer par Dieu et nos proches… et nous avons peut-être de nouveaux projets ou désirs… en fonction de notre âge : réussir professionnellement, fonder une famille, avoir un chez-soi accueillant, s’épanouir, cultiver de belles relations humaines, voyager, découvrir le monde, se cultiver, bien vieillir, etc.
     
    Nous le voyons… notre vie alterne parfois entre certitude et incertitude… entre périodes de foi, d’enthousiasme, ou de doute et de crainte…  Et à chaque fois - à chaque étape - la question revient régulièrement : Quel est mon but actuellement ?
     
    Des buts : personnel, communautaire, spirituel…
     
    De façon plus large… quels sont nos buts communautaires : familial, ecclésial, collectif… et spirituel…  ?
     
    Jésus n’a-t-il pas parlé du « Royaume de Dieu » comme une perspective… un objectif ultime… un espace qui attend notre participation ?
     
    « Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice… et tout le reste vous sera donné en plus » (Cf. Mt 6,33)
     
    Précisément… Dieu a-t-il un but ?
     
    Peut-on simplement penser à nos objectifs personnels… sans se demander ce que Dieu attend de l’humanité et de nous, en particulier ?
     
    Comment mêler nos désirs à ceux de Dieu ? Et faire entrer - et même correspondre - notre volonté… à une volonté divine plus large ?
     
    Entrer en correspondance / en résonance avec le but de Dieu
     
    En d’autres termes… Faut-il choisir un but / un direction de vie…par rapport à soi (en fonction de nos objectifs) ou par rapport à une altérité, une transcendance (à ce que Dieu attend de nous / à sa volonté) ?
     
    Plusieurs réponses sont possibles :
     
    Choisir un but par rapport à soi-même
     
    Certains pensent qu’il faut d’abord et avant tout suivre notre propre volonté, nos aspirations personnelles, en fonction de nos valeurs, nos passions ou nos rêves.
    Cela peut inclure des ambitions personnelles, des projets professionnels ou encore des choix de vie basés sur ce qui nous fait vraiment vibrer.
     
    Choisir un but par rapport à soi, c’est souvent vivre dans une démarche d’autonomie et d’indépendance.
    Cette façon de penser se rapproche des philosophies existentialistes… qui considèrent que l’individu - par ses actions, par ce qu’il choisit de créer et d’accomplir - est responsable de donner un sens à sa propre vie.
     
    Ce point de vue - assez individualiste et très répandu autour de nous - peut présenter un certain nombre d’attraits. Mais il peut aussi entraîner un certain vide, car si l’on est uniquement concentré sur soi (sur son égo) et sur la recherche d’une réussite personnelle… matérielle… sans prendre en compte les dimensions collectives ou spirituelles de l’existence… on risque de passer à côté de l’essentiel.
     
    Choisir un but par rapport à la volonté de Dieu
     
    Une autre optique - beaucoup plus « spirituelle » ou « religieuse » - consiste - au contraire - à penser qu’il faut choisir un but essentiellement - voire entièrement - en fonction de la volonté de Dieu.
     
    Cette perspective croyante implique une forme de recherche spirituelle et d’écoute intérieure… pour se rendre disponible à ce que l’on perçoit comme étant la voix/voie de Dieu… que ce soit à travers la méditation, la prière, la lecture de la Bible, les enseignements de Jésus, ou même des signes ou des coïncidences que la vie nous envoie.
     
    Suivre la volonté de Dieu peut signifier s’engager dans des actions qui vont au-delà de nos désirs personnels… qui impliquent un dépassement…  en s’ouvrant à l’amour inconditionnel, au don de soi, à la solidarité, en répondant à un appel spirituel… pour servir les autres et trouver un plus grand sens à la vie.
     
    C’est la voie d’une plus grande humilité, du service, du dévouement, voire du sacrifice.
     
    Cette voie, qui s’attache à placer son existence dans l’alignement avec un plan divin (avec ce que nous percevons du projet de Dieu) revêt un sens profond… Elle semble la plus évangélique… Mais elle revêt aussi une forme de radicalité…
     
    Tout le monde n’atteint pas une union mystique avec Dieu… nous ne sommes ni Jésus, ni des moines, qui passent des heures à prier chaque jour.
     
    Par ailleurs, cette orientation peut aussi engendrer des difficultés… car écouter Dieu, sans s’écouter soi-même, peut poser des problèmes :
    Cela peut conduire à une forme d’orgueil spirituel ou à un effacement de notre personnalité.
     
    Il est vrai que le Christ appelle ses disciples à lâcher leur égo, pour s’ouvrir à autre chose, à plus grand que soi (cf. Mc 8, 34-35 ; Mt 16, 24-25 ; Lc 14,33)… Mais cela ne signifie forcément qu’on puisse nier ou renier complètement son individualité ou refouler ses désirs… il faut sans doute essayer de mêler les buts individuels, collectifs et spirituels.
     
    Mélanger les deux : L’équilibre et la quête intérieure
     
    Le fait est que nos aspirations personnelles ne sont pas nécessairement en opposition avec la volonté divine, mais peuvent être guidées par elle.
     
    Dans cette optique - celle d’une 3ème voie - le but de la vie serait une quête d’équilibre : essayer de suivre ses désirs profonds, tout en restant connecté à l’appel divin.
     
    Cela signifierait se réaliser soi-même (avec ses potentialités) tout en restant ouvert à l’Esprit saint… Et voir, dans nos charismes (nos talents) et nos projets personnels, des moyens d’accomplir une vocation supérieure.
     
    Cela implique- à travers la méditation et la prière - d’essayer de discerner, à la fois, la volonté de Dieu et les désirs de notre âme… afin d’intégrer nos projets personnels dans une dimension spirituelle plus vaste…
     
    Si nous sommes vraiment connectés à l’amour de Dieu… nos désirs ou nos projets peuvent être réorientés… comme des façons de manifester et de réaliser ce que Dieu attend de nous.
     
    L’enjeu de la vie chrétienne est de chercher cette harmonie : vivre, à la fois, en accord avec Dieu, avec l’Evangile, avec notre foi….  tout en exprimant ce que nous sommes profondément…
     
    L’exemple de l’apôtre Paul… un chemin de transformation (cf. Ph 3, 12-16)
     
    La vocation missionnaire de Paul en est un exemple…
     
    Dans le passage que nous avons entendu … nous voyons que l’apôtre est dans cette dynamique. Il compare sa vie à une course, tout en affirmant qu’il n’est pas encore arrivé au bout du chemin.
     
    Pour lui, la vraie « circoncision » relève d’une démarche spirituelle qui relie le croyant au Christ : c’est celle d’un coeur transformé par l’Esprit ! (cf. Ph 3, 2-3)
     
    Paul a vécu une expérience spirituelle inouïe… il rencontré le Christ sur le chemin de Damas… et cette rencontre a totalement réorienté sa vie (cf. Actes 9, 1-19; 22, 4-16; 26, 9-18).
     
    Dans notre passage… il exhibe ses qualités d’autrefois et la confiance qu’il pouvait avoir en lui-même, du fait de sa naissance, de son pedigree religieux impeccable (Ph 3, 5-6 ou Ac 23,6 : « Pharisien, fils de Pharisien »), de son engagement ou de ses oeuvres « irréprochables ».
     
    Dans sa première vie - avant sa conversion - il était, en réalité, plein d’orgueil spirituel…. mais tout cela il le rejette désormais… car son regard a changé, du fait de sa rencontre avec le Christ : tout a été bouleversé.
     
    Paul a tout perdu (il a été dépouillé de ses fausses illusions) afin de gagner Christ… Ce qui était pour lui « gain » - dit-il - (ou plus exactement prétentions, mérites et gloire personnelle) est désormais regardé comme « perte », comme « ordures ».
     
    Il est ainsi passé d’une justice à lui (une justice qu’il s’était lui-même forgée) à une autre justice qui vient par la foi au Christ… La première justice vient des oeuvres de la Loi, tandis que la seconde vient de Dieu.
     
    Son but est maintenant « d’être trouvé » : c’est une justice qu’il reçoit.
    Il reçoit désormais de Dieu la validation de sa vie… en vue d’une exaltation à venir : la résurrection.
     
    Pour lui, la Grâce se reçoit par la médiation de la Foi, par l’accueil de la Bonne Nouvelle qui vient transformer l’existence humaine.
     
    Par la foi au Christ, la compréhension de la justice est ainsi bouleversée : elle ne s’obtient plus par soi-même, par ses réussites au regard du respect de la Torah… mais comme un cadeau divin, par la foi.
     
    C’est un changement profond de perspective : il ne s’agit pas de se reposer sur soi, sur ses titres ou ses mérites, mais de chercher à connaître Christ et d’être uni à lui.
     
    Paul a donc intégré le plan divin dans son but personnel… ou dit autrement - dans sa course - il a fusionné son but avec l’appel divin.
    Bien qu’il affirme que son but n’est pas encore atteint, il s’inscrit sur un chemin de foi, qui est un chemin de transformation.
     
    Écoutons encore ces versets : « Ce n’est pas que j'aie déjà obtenu tout cela ou que je sois déjà devenu parfait (que je sois parvenu au but) ; mais je m'élance (je continue à poursuivre) pour tâcher de le saisir (totalement), parce que j'ai été saisi moi-même (empoigné totalement) par Jésus Christ. Frères, je n'estime pas l'avoir déjà saisi. Mon seul souci : oubliant le chemin parcouru (ce qui est en arrière) et tout tendu en avant, je m'élance vers le but, en vue du prix attaché à l'appel d'en haut que Dieu nous adresse en Jésus Christ. » (cf. Ph 3, 12-14)
     
    En faisant référence à sa propre course, Paul nous parle de sa mission, mais il l’exprime d’une manière universelle, pour nous inviter, nous aussi, à courir vers notre but.
     
    Pour lui, le but, c’est l’appel de Dieu, cet appel céleste reçu en Jésus-Christ. Mais cette course, n’est pas une course vers une perfection personnelle ou morale, en vue d’un accomplissement instantané… Elle est davantage une évolution, un chemin spirituel qui ne cesse de se préciser.
     
    « Je continue à poursuivre » dit l’apôtre, « pour tâcher de le saisir… de saisir ce pour quoi Jésus m’a saisi. » C’est une dynamique de progression, une quête continue.
     
    Nous aussi, nous sommes appelés à discerner ce pour quoi Dieu nous a saisi. Ce n’est pas un objectif statique - qui dépend de nous (de notre égo ou notre volonté) - mais un but qui s’éclaire et se redéfinit, au fur et à mesure que nous avançons avec le Christ.
     
    Il s’agit de se laisser transformer par Dieu, d’abandonner ce qui est derrière (les échecs, les regrets, les blessures… comme les apparentes réussites, les fiertés personnelles) et de tendre vers ce qui est devant, vers cette réalité nouvelle que Dieu veut pour nous, pour notre croissance spirituelle.
     
    Nous avons tous un but divin à atteindre, qui est un chemin de transformation… où chaque pas, chaque épreuve et chaque dépassement, sont des occasions de grandir et de devenir davantage semblable au Christ.
     
    Entrer dans la confiance et développer nos talents  (cf. Mt 25, 14-30)
     
    On peut encore préciser un point important, en disant que - dans cette course - Dieu nous a offert des talents, des dons, des capacités… afin que nous puissions mettre notre personnalité unique et nos potentialités particulières, au service de son projet pour l’humanité…  au service de son Royaume.
     
    Vous avez peut-être en mémoire le passage de l’Évangile de Matthieu (au Chap.25), où Jésus raconte la parabole des talents. Nous ne l’avons pas relu ce matin …  je vous la résume brièvement…
     
    Un maître confie à ses serviteurs des talents (qui représente une grosse somme d’argent, mais c’est aussi une image de dons, de capacités). Il distribue cinq talents à un serviteur, deux talents à un autre et un talent au dernier. Ceux qui ont reçu cinq et deux talents entrent dans la confiance du maître et investissent ce qui leur a été offert. Ils doublent ainsi les dons initialement reçus. Mais celui qui a reçu un seul talent l’enterre, de peur de le perdre, croyant devoir le rendre à son maitre. À son retour, le maître félicite ceux qui ont fait fructifier leurs talents, mais réprimande sévèrement celui qui a laissé son talent dans la terre, faute de confiance, parce qu’il a eu peur.
     
    Le talent ne représente pas seulement des dons physiques ou matériels, mais aussi nos charismes spirituels, nos qualités intérieures, notre capacité à aimer, à servir, à créer, à transmettre courage et confiance autour de nous.
     
    Chaque talent que Dieu nous donne… et que nous sommes appelés à utiliser et multiplier… est spécifique à chacun. C’est pourquoi notre mission de vie est de trouver la bonne manière - la façon unique et personnelle - d’entrer en résonance avec le but de Dieu.
     
    Encore une fois, cela implique de discerner nos talents et la volonté de Dieu… d’oser sortir de notre zone de confort, de l’égoïsme ou de la peur… pour faire grandir ce que Dieu a semé en nous.
     
    Cette parabole nous incite à nous ouvrir à la confiance de Dieu… pour mettre en résonance nos buts personnels avec ceux de Dieu… pour donner le meilleur de nous-mêmes, grandir et faire croitre les autres.
     
    Conclusion : La course de la foi, un chemin avec Dieu
     
    Quelques mots pour conclure…
     
    La question initiale était : La vie a-t-elle un but ?… et si oui…dans quelle direction aller ? Qu’est-ce que Dieu attend de nous ? Comment discerner la mission qui est la notre ?
     
    Aujourd’hui, une Bonne Nouvelle nous est rappelée : « le but est le chemin » (NOTE 1)… un chemin de transformation… qui vise à nous rapprocher toujours plus de la Conscience divine… et de réaliser ce pour quoi nous avons été créés.
     
    Notre mission n’est pas une course solitaire… puisque Dieu nous accompagne à chaque étape.
    Il nous fait grandir et évoluer. Il est, à la fois, une source d’inspiration et de transformation.
     
    S’il nous a offert des dons, c’est pour nous appeler à les développer et les mettre au service de son Royaume. Et lorsque nous rencontrons des obstacles - lorsque le chemin semble incertain - il nous permet de les surmonter, en ouvrant des voies nouvelles.
     
    C’est ce que nous a rappelé, en ce jour, l’extrait du livre du prophète Esaïe que nous avons entendu :
     
    Dieu dit : « Ne vous souvenez plus des événements passés, et ne considérez plus les choses anciennes. Voici, je fais une chose nouvelle, sur le point d'arriver. Ne la connaîtrez-vous pas ? Je mettrai un chemin dans le désert, des rivières dans la solitude. » (Esaïe 43, 18-19) (NOTE 2)

    Nous pouvons parfois être tentés de baisser les bras… ou de rester attachés à d’anciennes façons de faire, à d’anciennes blessures ou des vieilles frustrations…. ou encore à des buts anciens que nous avons peut-être idéalisés.
     
    Face à nos encombrements… nos conservatismes ou nos immobilismes… Dieu est celui qui fait « toute chose nouvelle ». Il nous invite à faire confiance à son Esprit créateur et transformateur. Ce n’est pas nous, seuls, qui devons créer le chemin, mais c’est Dieu qui ouvre des voies au milieu de nos impasses ou de nos déserts.
     
    Offrons Lui notre confiance, courons vers le but, avec persévérance… sachant que son Esprit saint nous soutient et nous transforme.
     
    Que chaque pas que nous faisons dans notre course quotidienne, soit un acte de confiance qui nous ouvre à l’amour et au service.… en vue de participer à son Règne.   Amen.
     

    NOTES

    NOTE 1 : Marcher avec le Christ, c’est déjà aller vers le but, puisque c’est lui qui nous apporte libération et salut. / Par la foi, Dieu agit en nous tout au long du parcours.

    NOTE 2 : Le fait de faire un chemin dans le désert et des rivières dans la steppe est une image forte qui symbolise l’intervention divine dans des situations impossibles. Le désert et la steppe étaient des lieux de mort, de sécheresse et de stérilité. Ici, Dieu promet de transformer ces espaces arides en lieux de prospérité et de vie, ce qui montre sa capacité à apporter la restauration même dans les circonstances les plus désespérées. / Dans Esaïe 43, 16-21, Dieu réaffirme son pouvoir souverain sur l'histoire et rappelle son engagement envers Israël, son peuple. Après avoir révélé son action salvatrice dans le passé (la sortie d'Égypte), Dieu annonce une action future plus grande et plus puissante encore, celle de la restauration de son peuple en exil. Ce message est d'autant plus pertinent que le peuple exilé à Babylone se trouve dans une situation de dévastation et de découragement. Dieu invite ainsi son peuple à regarder l'avenir avec espoir. Bien que la situation actuelle semble désespérée, il a un plan pour leur restauration et leur libération. Il fera surgir un nouveau commencement et transformera des lieux arides en lieux fertiles. Ce passage invite les croyants à se tourner vers l'avenir avec confiance, sachant que Dieu accomplit toujours ses promesses.


     
    Lectures bibliques
     
    Es 43, 16-21 :
    16Voici ce que le Seigneur déclare, lui qui a ouvert jadis un chemin dans la mer, qui a tracé un passage à travers l'eau profonde. 17Jadis il a mis en marche des chars et des chevaux, des armées avec leur corps d'élite. Celles-ci sont tombées pour ne plus se relever, elles sont éteintes, consumées comme la mèche d'une lampe. Il déclare donc maintenant : 18« Ne vous souvenez plus des événements passés, et ne considérez plus les choses anciennes. 19Voici, je fais une chose nouvelle, sur le point d'arriver. Ne la connaîtrez-vous pas ? Je mettrai un chemin dans le désert, des rivières dans la solitude 20Les animaux sauvages, les chacals et les autruches m'honoreront parce que j'ai fait couler de l'eau dans le désert, des fleuves dans ces lieux arides. Car je veux donner à boire au peuple que j'ai choisi. 21Et ce peuple, que j'ai formé, dira pourquoi il me loue. »
     
    Pr 3, 5-6 : 5De tout ton cœur, mets ta confiance dans le Seigneur ; ne t'appuie pas sur ta propre intelligence ; 6reconnais-le dans toutes tes voies, et c'est lui qui aplanira tes sentiers.
     
    Ec 3, 1. 9-15 :
    1Il y a un moment pour tout
    et un temps pour chaque chose sous le ciel […]
    9Quel profit a l'artisan du travail qu'il fait ?
    10Je vois l'occupation que Dieu a donnée
    aux fils d'Adam pour qu'ils s'y occupent.
    11Il fait toute chose belle en son temps ;
    à leur cœur il donne même le sens de la durée
    sans que l'homme puisse découvrir
    l'œuvre que fait Dieu depuis le début jusqu'à la fin.
    12Je sais qu'il n'y a rien de bon pour lui
    que de se réjouir et de se donner du bon temps durant sa vie.
    13Et puis, tout homme qui mange et boit
    et goûte au bonheur en tout son travail,
    cela, c'est un don de Dieu.
    14Je sais que tout ce que fait Dieu, cela durera toujours ;
    il n'y a rien à y ajouter, ni rien à en retrancher,
    et Dieu fait en sorte qu'on ait de la crainte (du respect) devant sa face.
    15Ce qui est a déjà été, et ce qui sera a déjà été,
    et Dieu va rechercher ce qui a disparu.
     
    Mt 6,33 : Cherchez d'abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît.
     
    Ph 3, 2-16 :
    2Prenez garde aux chiens ! prenez garde aux mauvais ouvriers ! prenez garde à la fausse circoncision ! 3Car les circoncis, c'est nous, qui rendons notre culte par l'Esprit de Dieu, qui plaçons notre fierté en Jésus Christ, qui ne nous confions pas en nous-mêmes.
    4Pourtant, j'ai des raisons d'avoir aussi confiance en moi-même. Si un autre croit pouvoir se confier en lui-même, je le peux davantage, moi, 5circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d'Hébreux ; pour la loi, Pharisien ; 6pour le zèle, persécuteur de l'Eglise ; pour la justice qu'on trouve dans la loi, devenu irréprochable.
    7Or toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. 8Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu'est la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur. A cause de lui j'ai tout perdu (j’ai été dépouillé), et je considère tout cela comme ordures afin de gagner Christ 9et d'être trouvé en lui, n'ayant pas ma justification (ma justice) à partir de la loi, mais à partir de la foi au Christ, la justice qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi. 10Il s'agit de le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion à ses souffrances, de devenir semblable (conforme) à lui dans sa mort, 11afin de parvenir, s'il est possible, à la résurrection d'entre les morts.
    12Ce n’est pas que j'aie déjà obtenu tout cela ou que je sois déjà devenu parfait (que je sois parvenu au but) ; mais je m'élance (je continue à poursuivre dans l’espoir…) pour tâcher de le saisir (totalement), parce que j'ai été saisi moi-même (empoigné totalement) par Jésus Christ. 13Frères, je n'estime pas l'avoir déjà saisi. Mon seul souci : oubliant le chemin parcouru (en arrière) et tout tendu en avant, 14je m'élance vers le but, en vue du prix attaché à l'appel d'en haut que Dieu nous adresse en Jésus Christ. 15Nous tous, les « parfaits » (= les adultes dans la foi), comportons-nous donc ainsi, et si en quelque point vous vous comportez autrement, là-dessus aussi Dieu vous éclairera (révélera). 16En attendant, au point où nous sommes arrivés, marchons dans la même direction.


    dimanche 30 mars 2025

    Lc 13, 10-17

    Lectures bibliques : Dt 5, 1-21 (extr.) ; Lc 13, 1-5 ; Lc 13, 10-17. 18-21 = voir textes en bas de cette page
    Thématique : La guérison de la femme courbée / Croire en un Dieu qui libère et qui relève
    Prédication de Pascal Lefebvre - Bordeaux, le 30/03/25 (temple du Hâ)
    (Partiellement inspirée d’une méditation de Anselm Grün)


    Irénée de Lyon (un père de l’église du 2e siècle) a écrit : « Le désir de Dieu, c’est de voir l’être humain debout. »
    L’Evangile de ce jour en est une belle illustration !

    Le récit de la guérison d’une femme courbée (cf. Lc 13, 10-17) commence par décrire Jésus enseignant dans une synagogue le jour du sabbat.
    Cette précision de l’évangéliste Luc signifie que la guérison se produit dans un lieu de culte, un espace de rencontre avec Dieu…
    Ce qui laisse penser que l’enjeu de cet épisode porte sur la question de notre rapport / de notre relation au divin.

    Le texte grec souligne la nature du mal dont la femme est atteinte… et contrairement aux traductions habituelles qui parlent d’« infirmité »… on apprend, en fait, qu’elle est « asthénique », c’est-à-dire dans un état de fatigue généralisé (comme l’homme au bord de la piscine de Bethzatha - depuis 38 ans - en Jn 5, 1-13).
    Précisément, il est dit qu’elle a un « esprit d’asthénie » (un esprit de faiblesse) depuis 18 ans. Elle est décrite comme étant toute courbée, incapable de se redresser.

    Il s’agit là, certainement, d’une rencontre réelle de la vie de Jésus… dont les disciples se sont souvenus… Mais l’image de cette femme peut aussi nous parler :

    D’une certaine manière, elle est symbolique de nombreuses personnes dans notre monde d’aujourd’hui, qui sont recroquevillées sur elles-mêmes… soit parce qu’elles sont fatiguées, exténuées, du fait de lourds fardeaux, tant physiques, psychologiques que spirituels, qu’elles doivent porter… soit parce qu’elles sont repliées sur elles-mêmes, du fait de leur individualisme, de leur égocentrisme ou du poids de leurs multiples préoccupations ou soucis.
    Quand nous sommes fermés sur nous-mêmes, nous ne voyons plus de chemin devant nous… nous risquons de perdre le sens… de perdre notre lien avec Dieu et avec les autres.

    C’est en ce sens que le réformateur Luther pointe une différence fondamentale entre deux positions de l’être humain, par rapport à Dieu. Il le fait à partir de mots latins : Ou l’être humain est « incurvatus in se » (recroquevillé en lui-même / se tenant devant lui-même) ou il est « Coram Deo » (se tenant devant Dieu).

    Selon le réformateur, il n’est pas possible que l’être humain se redresse de ses propres forces. Il a besoin du salut de Dieu - d’une libération spirituelle - pour s’ouvrir à la relation au divin, à l’Altérité… et cesser de s’auto-regarder et de se centrer exclusivement sur lui-même.

    Le théologien Anselm Grün décrit lui aussi - à sa manière - la situation de cette femme, avec les mots suivants :

    « L'expression « souffle malsain » ou « esprit de maladie », signifie assurément que cette maladie n'est pas simplement corporelle, mais qu'elle manifeste une attitude psychique fondamentale : le mal physique trahit l'esprit qui détermine cette femme, un esprit qui la rapetisse, la courbe et la bloque.
    Elle est accablée par le poids de la vie et se laisse aller, elle renonce à lutter et traîne sa dépression et sa tristesse. Être ainsi courbé mène à la dépression ; on a le souffle court, on perd sa beauté originelle.
    Ce dos courbé pourrait aussi évoquer des sentiments interdits ; certains traînent tout un havresac [toute un sac à dos] d’affects verrouillés, ils font abusivement de leur dos une poubelle de leurs refoulements, préférant en souffrir plutôt que de prendre contact avec le refoulé.
    Peut-être aussi cette femme a-t-elle été opprimée, lui a-t-on brisé l'échine. Elle est, en tout cas, incapable de se redresser toute seule : de s'assumer elle-même.
    Le mot grec
    pantèlès (totalement) signifie bien que le mal est incurable. Elle ne peut plus regarder vers le haut, mais seulement vers le sol, vers le bas ; elle est coupée du contact avec Dieu. Son horizon s'est rétréci, et elle a perdu sa liberté et sa dignité humaine, et cela depuis déjà dix-huit ans.
    Interprétant cela symboliquement, on pourrait dire : dix est le nombre de la complétude, de l’intégrité ; cette femme a perdu ce qui la rendait bonne et belle. Huit est le nombre de l'éternité et de l’infinitude ; dans l'Église primitive, les baptistères étaient octogonaux, montrant ainsi que, par le baptême, le chrétien participe de la vie divine, éternelle ; cette femme en est coupée. »


    Bien évidemment… lorsque Jésus voit cette femme, il ne reste pas indifférent à sa souffrance.
    Celui qui invite à la compassion - à l’image du Père céleste (cf. Lc 6,36) - est lui-même compatissant.

    Il prend l’initiative, il l’appelle et lui dit : « Femme, tu as été libérée de ton infirmité » (v12).
    Le plus étonnant dans ces paroles puissantes, c’est qu’il les prononce comme si c’était déjà fait. Avant même l’imposition des mains… Jésus a tellement confiance en Dieu… qu’il sait déjà que son Père va agir et guérir cette femme… par son intermédiaire.
    C’est précisément ce qui se produit. Et aussitôt « elle fut redressée (elle fut remise droite) » dit l’évangéliste Luc.

    La guérison est ici présentée comme une « libération » et la tournure de la phrase (passive) suggère que Dieu est l’agent de cette libération.

    Ainsi, la femme est relevée…  Il ne s’agit pas seulement pour elle d’une guérison… en fait, Jésus lui redonne dignité et espérance…
    Il restaure son intégrité, son unité avec elle-même et sa capacité relationnelle avec les autres et avec Dieu

    Dans notre vie de tous les jours, il est crucial de nous rappeler que le Christ continue de nous accompagner… même s’il n’est plus physiquement avec nous…
    Il nous voit dans nos luttes quotidiennes.
    Par son Esprit saint…  il nous donne courage et confiance… Il nous appelle à nous lever et à vivre libres.

    Ecoutons la suite du commentaire de Anselm Grün :

    « L'acte de Jésus montre la tendresse et la douceur dont il use envers la femme ; après avoir remarqué sa détresse, il lui parle.
    Le mot grec
    prosphônô (adresser la parole) signifie qu'il établit un lien avec elle ; il la tire de l'isolement où elle s'est plongée, sans doute par honte. Elle se laisse alors ranimer par Jésus.
    A l'évidence, il a le pouvoir de s'adresser aux êtres de telle façon qu'il les atteint et les émeut. Il lui accorde guérison et libération. Au voisinage de Jésus, l'être humain ne peut plus rester prisonnier, il retrouve sa liberté et sa dignité originelles, uniques.
    Cela, Jésus l'exprime par l'imposition des mains ; dans l'Évangile de Luc et dans les Actes des Apôtres, celle-ci signifie soit la guérison accordée, soit l'appel à l'Esprit saint, soit les deux à la fois, car ils sont liés, l'Esprit étant toujours guérisseur et salvateur.
    Jésus lui imposant les mains, cette femme reçoit l'Esprit de Dieu, dont la puissance chasse sa faiblesse.
    Les disciples sont eux aussi appelés à imposer les mains et à communiquer cette force salvatrice, qui libère du pouvoir de Satan. L'être humain ne doit plus se laisser déterminer par de vieux schémas existentiels, mais par la seule puissance libératrice de Dieu, par son amour que Jésus répand sur lui et qui le rend tel que Dieu l'a voulu.
    La femme courbée se redresse aussitôt, et « célèbre la splendeur de Dieu » : c'est l'accomplissement du « dix-huit », le contact avec Dieu est rétabli, ainsi que la complétude.
    Le mot grec pour ce « redressement »,
    anorthô, s'emploie aussi pour la reconstruction d'une maison. Jésus est celui qui redresse l'être humain, restaure sa beauté première, reconstruit sa maison de telle façon qu'il plaise à Dieu de s'y établir dans sa gloire. »

    Pour autant… la guérison de cette femme ne plaît pas à tout le monde. Le chef de la synagogue, indigné, reproche à Jésus d'avoir travaillé un jour de sabbat - un jour « interdit » - en opérant cette guérison.

    Ce passage et cette polémique nous rappellent que, parfois, les règles et les traditions peuvent nous éloigner de l'essence même de la foi : l'amour et la compassion.
    Il faut donc toujours se demander si notre lien à la religion (quelle qu’elle soit) nous fait grandir, en nous accordant plus de paix et de liberté intérieures… ou si, au contraire, il nous enferme dans dans une forme d’asservissement ou de rigorisme.

    Pour sa part, Jésus répond avec force, soulignant que si - le jour du sabbat - on peut « détacher / délier » un animal pour le soulager et lui permettre de s’abreuver, à combien plus forte raison, cette femme - fille d’Abraham - mérite « d’être libérée / d’être déliée » de son emprise de Satan, du fardeau qu’elle portrait depuis si longtemps.

    La question sous-jacente à cette polémique est peut-être celle du rapport à Loi… une question d’interprétation de la Loi mosaïque… mais plus fondamentalement, elle interroge notre rapport à Dieu :

    Dans l’épisode précédent (que nous avons écouté dimanche dernier) - (cf. Luc 13, 1-9) - Jésus contestait la vision d’un Dieu capable de punir... celle d’un juge sévère ou d’un dieu-manipulateur capable de nous apporter malheurs ou souffrances.
    « Non ! » - disait-il - Dieu n’a pas voulu la mort des 18 hommes qui ont péri sur le chantier de la tour de Siloé… ils ne sont pas plus coupables que d’autres.

    A présent, à travers cette guérison et ce dialogue tendu avec le chef de la synagogue, il vient nous proposer l’image d’un Dieu qui guérit, qui veut apporter délivrance et libération à ceux qui se confient à lui.

    Dit autrement… Dieu n’est pas « complice » des faiblesses et des infirmités du monde… il lutte à nos côtés… il vient faire histoire avec nous et pour nous, par des initiatives provocatrices et libérantes.

    C’est la raison pour laquelle le jour du sabbat est particulièrement propice à cette délivrance…

    Si le sabbat commémore un Dieu libérateur, - comme celui qui a permis la libération du peuple de l’esclavage d’Égypte (raconté en Deutéronome 5,15) -  alors… il doit nous inciter - comme le fait Jésus - à permettre un détachement / un affranchissement, vis-à-vis de tout ce qui risque de nous enfermer, de nous bloquer ou de réduire notre humanité… pour - au contraire - favoriser le lien avec tout ce qui restaure notre unité et ce qui construit une vie belle et bonne, sous le regard de Dieu.

    Pour nous nous Chrétiens, ce sabbat tombe un dimanche… Ce jour mis à part dans la semaine - pour cultiver notre vie spirituelle avec Dieu et notre vie relationnelle avec les autres - doit précisément être utilisé pour faire du bien autour de nous, pour exprimer notre compassion et prendre des initiatives, afin de rendre notre monde plus fraternel, plus solidaire et plus libre.

    Écoutons encore quelques mots d’Anselm Grün :

    « Pour Luc, Dieu est avant tout celui qui défait les liens et libère son peuple de la servitude. Le sabbat évoque la Création : au septième jour, Dieu se repose et considère la splendeur de son œuvre. La meilleure façon de célébrer le sabbat, c'est de redresser l'homme, de le rétablir dans son état originel, de lui rendre sa dignité et de s'en réjouir en louant Dieu ».

    C’est ce que montre l’attitude de la foule, qui se réjouit et glorifie Dieu.
    Cette réaction est le reflet de la joie qui naît lorsque nous expérimentons la Grâce de Dieu dans notre vie.

    La guérison de cette femme n'est pas seulement interprétée comme un acte physique ; c'est un acte spirituel qui transforme sa vie et l’existence de ceux qui l’entourent.

    Cet épisode nous rappelle que nous sommes - nous aussi - appelés à offrir libération et guérison à ceux que nous croisons … en les mettant en contact avec le Père céleste… avec l’Esprit créateur et transformateur de Dieu.
    Nous sommes appelés à partager notre témoignage de foi… et à célébrer les œuvres de Dieu dans nos vies et celles des autres… en exprimant notre reconnaissance et notre gratitude.

    Si l’évangéliste Luc a trouvé bon de nous transmettre cet épisode… c’est pour qu’en lisant ce passage de l’Évangile… nous puissions entrer dans la confiance de Dieu (cette foi qui était celle de Jésus)… c’est pour que nous puissions, nous aussi, poursuivre notre chemin un peu moins courbé…  en ayant les pieds sur terre… mais, aussi, un regard qui pointe vers le Ciel.

    Luc nous transmet quelque chose de la délivrance qui a atteint cette femme… il nous dit que c’est le Dieu d’amour qui nous rétablit dans notre unité et notre dignité… Il nous appelle ainsi à cultiver notre vie relationnelle avec Dieu, pour recevoir son salut.

    Par ailleurs, cet épisode de l’Évangile rejoint notre actualité… dans le contexte qui est le nôtre, aujourd’hui encore… où l’on constate parfois un radicalisme enfermant dans les expressions croyantes ou religieuses de nos contemporains (qu’il s’agisse d’ailleurs de religion, de science ou de politique)…  
    Lorsqu’une pensée ou une croyance devient fondamentaliste ou intégriste… elle court le risque de devenir exclusive, totalisante et parfois totalitaire.

    A l’approche de la semaine sainte, il est pertinent de se souvenir que Jésus a été crucifié à l’initiative de religieux. (Le Christianisme contient, en lui-même, une critique de la religion… qui peut devenir injuste… lorsqu’elle sombre dans l’intolérance, le légalisme ou le fanatisme… ou lorsqu’elle « pactise » avec le pouvoir politique.)

    Or, le Christ nous enseigne que la vraie religion est celle qui libère et qui guérit.
    C’est ce que Jésus dira ailleurs dans l’évangile de Jean, dans son dialogue avec la femme samaritaine. Je cite : « L'heure vient, elle est là - dit-il - où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit et c'est pourquoi ceux qui l'adorent doivent adorer en esprit et en vérité » (cf. Jn 4, 23-24)

    A ce titre, la femme courbée est un symbole : le symbole de toutes celles et ceux qui sont opprimés, blessés ou marginalisés… et qui sont parfois maintenus dans cet état par la religion ou par des forces politiques ou militaires d’oppression… au lieu d’en être libéré.

    On peut penser à ce qui se passe au Soudan depuis bientôt 2 ans… où les forces politiques, religieuses et militaires sont parties prenantes d’un conflit.
    Les jeunes filles sont enrôlées de force et reconvertie en aspirantes soldates dans des centres d’entraînements. Le conflit armé qui sévit dans ce pays, a entraîné une explosion des violences sexuelles commises par les deux camps. Des cas de harcèlements, de viols, de mariages forcés, d’enlèvements et d’esclavages se multiplient, faisant des dizaines de milliers de victimes.
    Le corps des femmes est devenu lui-même « un champ de bataille » et le viol une « tactique de guerre ». Il y a encore, malheureusement, des milliers de femme courbée partout dans notre monde !

    Face à cela… là où nous sommes… et avec nos moyens… Jésus nous appelle à être des instruments de paix, de libération et de guérison.

    En tant que disciples du Christ, nous devons toujours nous interroger : Comment pouvons-nous, à notre tour, apporter soin, liberté et amour à celles et ceux qui en ont besoin ?… et concrètement, à celles et ceux qui viennent pousser la porte du temple ?

    Pour conclure…


    Je voudrais juste tenter de faire un lien entre cette guérison et les deux petites paraboles du Règne de Dieu qui suivent…

    Dans ces petites paraboles - où le Royaume est comparé à un homme ou femme qui permettent… à une petite graine de moutarde de devenir presque un arbuste… ou à un peu de levain mélangé à la farine de faire lever l’ensemble de la pâte - c’est l’image de la croissance qui est mise en avant. Il y a un contraste entre un commencement caché, modeste et même fragile… et un avenir resplendissant…

    Et ce qui actionne cette croissance… c’est l’action d’un homme ou d’une femme : celui qui plante dans son jardin… celle qui enfouit le levain dans la farine…

    Peut-être que cette image parle de Jésus… et des disciples (?)

    Peut-être que Jésus qui a fait advenir le Règne de Dieu… est comparable à cet homme ou à cette femme ? Il est celui qui a instillé quelque chose de petit, de nouveau, mais au résultat potentiellement immense :
    C’est une Parole nouvelle sur Dieu que Jésus a apporté au coeur de la vie humaine… il a rappelé à chacun que Dieu était là - présent et agissant - au coeur de notre existence… que c’est Lui qui fait que tout peut changer, évoluer et grandir…

    C’est Dieu qui fait croitre ! Mais l’action humaine est requise pour que la croissance soit possible : il faut, d’une part, le petit geste de l’homme ou de la femme qui vont témoigner de Dieu, qui vont instiller une parole susceptible de produire une transformation… et, d’autre part, il faut du temps, de la patience : il faut laisser Dieu agir en lui faisant confiance…

    Ce matin, nous recevons cette Bonne Nouvelle de la présence et de l’action d’un Dieu libérateur…
    Un Dieu compatissant qui agit par le Christ et par chacun de nous…
    Il voit nos souffrances et nous appelle à la liberté.

    Qui que nous soyons… que nous soyons comme cette femme courbée, prêts à recevoir la guérison… ou comme ceux qui entourent Jésus, prêts à célébrer et à partager la bonne nouvelle… Que notre foi soit vivante, active et pleine de compassion.   Amen.

     

    Lectures bibliques

    Dt 5, 1-21 (extraits)

    1Moïse convoqua tout le peuple d'Israël et leur dit : Israël, écoute les décrets et les règles que je prononce aujourd'hui devant vous pour que vous les appreniez et les mettiez en pratique. […] Le Seigneur vous a déclaré :
    6« Je suis le Seigneur ton Dieu, c'est moi qui t'ai fait sortir d'Égypte où tu étais esclave.
    7Tu n'adoreras pas d'autres dieux que moi.
    8Tu ne te fabriqueras aucune idole […]
    11Tu ne prononceras pas mon nom de manière abusive […]
    12Prends soin de me réserver le jour du sabbat, comme le Seigneur ton Dieu l'a ordonné. 13Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. 14Le septième jour, c'est le sabbat qui m'est réservé, à moi, le Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun travail ce jour-là, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune autre de tes bêtes, ni l'immigré qui réside chez toi ; tes serviteurs et servantes doivent pouvoir se reposer comme toi. 15Ainsi tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte, et que je t'en ai fait sortir grâce à ma puissance irrésistible. C'est pourquoi moi, le Seigneur ton Dieu, je t'ai ordonné de faire ainsi le jour du sabbat.
    16Respecte ton père et ta mère […]
    17Tu ne commettras pas de meurtre.
    18Tu ne commettras pas d'adultère.
    19Tu ne commettras pas de vol.
    20Tu ne prononceras pas de faux témoignage contre ton prochain.
    21Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain ; tu n'envieras rien de ce qui appartient à ton prochain, ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne. »

    Lc 13, 1-5

    1A ce moment survinrent des gens qui lui rapportèrent l'affaire des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. 2Il leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens pour avoir subi un tel sort ? 3Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas (si vous ne changez pas de mentalité), vous périrez (vous vous perdrez) tous de même.
    4« Et ces dix-huit personnes sur lesquelles est tombée la tour à Siloé, et qu'elle a tuées, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? 5Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas (si vous ne changez pas de mentalité), vous périrez (vous vous perdrez ) tous de la même manière. » […]

    Lc 13, 10-17

     
    10Jésus était en train d'enseigner dans une synagogue un jour de sabbat. 11Il y avait là une femme possédée d'un esprit qui la rendait infirme (ayant un esprit d’asthénie, de faiblesse) depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et totalement incapable de se redresser12En la voyant, Jésus lui adressa la parole et lui dit : « Femme, te voilà libérée de ton infirmité. » (tu as été libérée de ton infirmité) 13Il lui imposa les mains : aussitôt elle redevint droite (elle fut redressée) et se mit à rendre gloire à Dieu.
    14Le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus ait fait une guérison le jour du sabbat, prit la parole et dit à la foule : « Il y a six jours pour travailler. C'est donc ces jours-là qu'il faut venir pour vous faire guérir, et pas le jour du sabbat. » 15Le Seigneur lui répondit : « Esprits pervertis (hypocrites), est-ce que le jour du sabbat chacun de vous ne détache pas (ne délie pas) de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire ? 16Et cette femme, fille d'Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans, n'est-ce pas le jour du sabbat qu'il fallait la détacher (la délier, la libérer) de ce lien ? » 17A ces paroles, tous ses adversaires étaient couverts de honte, et toute la foule se réjouissait de toutes les merveilles qu'il faisait.
     

    Lc 13, 18-21


    18Il dit alors : « A quoi est comparable le Royaume de Dieu ? A quoi le comparerai-je ? 19Il est comparable à une graine de moutarde qu'un homme prend et plante dans son jardin. Elle pousse, elle devient un arbre, et les oiseaux du ciel font leurs nids dans ses branches. » 20Il dit encore : « A quoi comparerai-je le Royaume de Dieu ? 21Il est comparable à du levain qu'une femme prend et enfouit dans trois mesures de farine, si bien que toute la masse lève. »


    dimanche 23 mars 2025

    Lc 13, 1-9

     Lectures bibliques : Exode 3, 1-15 ; Lc 6, 36.43-45 ; Lc 13, 1-9 = voir textes en bas de cette page

    Thématique : se convertir (changer de regard) ou se perdre ? 

    Prédication de Pascal Lefebvre - Bordeaux, le 23/03/25 (temple du Hâ)


    * Qui est Dieu ? Et surtout, que fait-il  ?

    Telle est la question récurrente que nous entendons parfois autour de nous… 

    « Avec tout ce qui se passe dans le monde… avec toutes les misères, les guerres, les malheurs… comment croire encore en Dieu ? »

    « S’il y avait un Dieu…  ça se saurait ! » « Si Dieu existait vraiment…. on ne verrait pas tout ça ! » C’est le genre de remarques prosaïques qu’on peut encore entendre ici ou là…


    Et c’est vrai que l’expérience ou le spectacle du malheur nous interroge… 

    Mais faut-il imputer la plupart de nos maux ou l’état désastreux du monde… à Dieu / ou à l’être humain ? 


    L’objection de la présence du mal ou du malheur - pour justifier l’absence du divin - n’est-elle pas un peu facile ?…  

    N’est-elle pas simplement une manière de nous dédouaner de nos choix parfois catastrophiques… ou de nous défausser de nos responsabilités individuelles et collectives ? 


    Les textes du jour ne répondent pas directement à cette objection… mais ils nous livrent des éléments de réponse… 


    * Le Dieu présenté dans le livre de l’Exode… le Dieu de Moïse… qui apparait au milieu du buisson ardent… livre son identité : « Je suis celui qui suis » / ou / « Je suis qui je serai »… Dieu est !… il est la Source (l’alpha et l’omega)… le fondement de l’être… 

    Et il se manifeste à Moïse, pour apporter le salut… c’est-à-dire délivrance, libération et guérison. 


    En effet, le Dieu qui se présente à Moïse est un Dieu d’écoute et de compassion : 

    « J'ai vu la souffrance de mon peuple… - dit la voix du milieu du buisson ardent… j'ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs… je connais ses douleurs ».


    L’auteur du livre de l’Exode présente ainsi l’Eternel, comme la Conscience d’amour universel… qui entend et comprend sa création, ses joies et ses peines… un Dieu qui se met à l’écoute de ses créatures les plus éprouvées ou les plus fragiles…  Et qui propose son aide… pour permettre un changement de situation… en vue d’une délivrance, d’une libération…


    Il offre à Moïse la promesse de sa présence - « je serai avec toi » dit la voix - pour permettre une transformation… et un avenir nouveau. 


    Dieu n’est donc pas l’Eternel indifférent qui s’absente au milieu des malheurs et des souffrances… mais celui dont on peut chercher la présence au coeur de l’épreuve… Car il offre son soutien à ceux qui se confient à Lui. 


    * Un autre type d’objection que l’on entend également autour de nous, tente de relater notre incompréhension face aux malheurs qui nous assaillent : 

    « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu… pour mériter ça ? » 


    C’est le genre d’expression qui laisse entendre que Dieu serait une réalité - un Être ou une Force - capable de nous punir… et de nous faire payer…  un tort ou une faute… une erreur ou quelque chose que nous aurions fait de travers… 


    Mais n’y a-t-il pas là - déjà - une contradiction dans l’expression de ce questionnement ? 

    Si Dieu est bon… si l’on parle du « bon Dieu » justement … comment pourrait-il être celui qui m’inflige une sanction ou une punition ? 


    Est-ce que ce qui m’arrive dépend uniquement de la volonté divine ? 

    Est-ce que moi-même ou les autres êtres humains - la société qui m’entoure - n’ont pas leur part de responsabilité dans la situation ou le malheur qui s’abat sur moi ? 


    Ne suis-je pas le co-créateur - avec d’autres, avec les êtres qui peuplent mon environnement - de ma réalité ? 


    C’est la question qui traverse le livre de Job… comment comprendre le malheur qui semble surgir de nulle part… et me tomber dessus ? 


    Et une des réponses qu’apporte le livre de Job, c’est de dire que Dieu - Puissance dynamique créatrice et transformatrice… Dieu lutte - encore et toujours - contre le chaos… 

    Dieu continue d’agir et de travailler, pour ordonner et parfaire sa création… 


    Ainsi, personne - aucun être humain - n’est en mesure de pouvoir juger rationnellement l’action divine…  Car, en réalité, le soin que Dieu prend de sa création dépasse infirment nos possibilités de compréhension. 


    Les textes bibliques - aussi bien que Jésus d’ailleurs - ne répondent pas directement à la question de l’origine du mal…  mais ils nous appellent à un changement de regard. 


    Ce n’est pas parce que nous n’avons pas toutes les réponses à nos questions existentielles - devant un drame, une maladie, un malheur ou une catastrophe - que nous devons en conclure… soit à l’absence ou l’indifférence de Dieu… soit à la manifestation de sa rétribution… de son courroux ou de sa colère… 


    Dieu n’est pas un distributeur automatique de bons points ou de mauvais points… de récompenses ou de punitions… 

    Il nous appelle seulement à lui faire confiance, pour agir avec lui… pour tenter de surmonter le mal et les forces chaotiques de destruction… qui prennent parfois le dessus… lorsque règne l’égoïsme, l’avidité, la corruption ou l’indifférence… ou encore la violence, les rivalités, les conflits et les guerres fratricides. 


    * C’est ce que Jésus tente de faire comprendre à ses interlocuteurs dans l’épisode que l’évangéliste Luc nous raconte (cf. Lc 13, 1-9)


    Jésus tente de répondre à la question du malheur soulevée par un fait divers… 


    On imagine qu’à cette époque, le drame des Galiléens massacrés par des légionnaires romains a fait grand bruit. 

    L'historien juif Flavius Josèphe transmet d’ailleurs dans ses écrits le portrait de Ponce Pilate comme un homme craintif, prompt à écraser dans le sang toute menace à l'ordre public. 


    C’est vraisemblablement ce qui vient de se passer… Et la répression sanglante qu’il a ordonné semble avoir été doublement choquante pour la foi juive : 

    - D’une part, il a fait périr des Galiléens de mort violente - Souvenons-nous que la mort violente ou accidentelle passait à cette époque pour une sanction divine frappant les pécheurs. 

    - Et, d’autre part, le sang des Galiléens a visiblement été mêlé à celui des animaux sacrificiels destinés au Temple. Ce qui constitue une profanation, un sacrilège. 


    Devant cette violence et cette horreur… la question se pose : En quoi ces Galiléens avaient-ils mérité cette mort tragique ? 


    La question se répète pour les 18 victimes d'un accident de chantier à la tour de Siloé, située dans l'enceinte sud-est du Temple de Jérusalem : 

    En quoi ces habitants - malheureusement au mauvais endroit au mauvais moment - avaient-ils mérité leur sort funeste ? 

    Etaient-il plus coupables que les autres habitants de Jérusalem ?


    Jésus récuse purement et simplement le bien-fondé de ce genre de croyance… 

    « Non » dit-il… « Non…ce qui est arrivé ne vient pas de la culpabilité de ces hommes… victimes d’une tragédie. 


    Mais il ajoute une phrase qui pose question : 

    « Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même ». 

    Ou plus exactement, en grec : « vous vous perdrez tous de même ». 


    Il n’est pas seulement question de « mourir » mais de « se perdre ». 


    Comment comprendre ce « de même » (de la même manière) ?

    Jésus menacerait-il les non-convertis… d'une mort pareillement tragique ? ou d’une perte totale de sens ?


    C’est en nous arrêtant sur le sens étymologique du mot metanoeô « se convertir » qu’une réponse nous est offerte… car ce verbe implique « une réorientation »… 

    «  Se convertir »… c’est changer de mentalité et de regard sur Dieu et sur le monde. 


    Ce que Jésus affirme ici, avec gravité, à ses auditeurs… c’est que… s’ils ne changent pas leur regard sur Dieu, s’ils ne cessent pas de le voir comme le bourreau des pécheurs - comme un Dieu capable de punir - alors leur vie sera surplombée par ce Dieu-bourreau, sévère et châtieur … 

    Alors ils risquent de passer à côté du vrai Dieu… de perdre leur dynamisme et leur enthousiasme… et de mourir dans la terreur de ce Dieu-là. 

    Ils risquent tout simplement de vivre les conséquences de leurs fausses croyances… de leur peur et de leur méfiance. 


    « Se convertir » - au contraire - c’est découvrir le vrai visage de Dieu : un Dieu ami des pécheurs… un Dieu qui fait preuve de patience et de bienveillance… et qui appelle à agir de la même façon avec autrui…


    * La petite parabole qui suit - la parabole du figuier - le fait comprendre… Car elle montre - à travers la figure du Vigneron - l’image d’un Dieu doux et indulgent… un Dieu qui prend soin… plutôt qu’un Dieu qui juge. 


    A bien y regarder la parabole montre une incohérence… 

    D'un point de vue agricole, soigner un arbre stérile n'offre aucun intérêt. 

    En réalité, la décision du propriétaire d'abattre le figuier après trois ans se justifie pleinement. 


    Aussi, la proposition du vigneron de bêcher et de répandre du fumier peut paraître extravagante… surtout pour une plante de peu de valeur et qui pousse facilement… comme un figuier. 


    Mais l’offre du vigneron illustre l'extraordinaire de la Grâce accordée au pécheur. 


    Le personnage principal de cette petite parabole est donc ce vigneron : un vigneron magnifique, qui ose, envers et contre tout, plaider la cause d’un arbre qui ne porte pas encore de fruits… 

    un vigneron qui propose d’attendre… qui gagne du temps, en obtenant un sursis… qui obtient un délai de grâce… afin que l’arbre puisse gagner en maturité… 


    Jésus ne raconte-t-il pas cette parabole pour nous faire changer d’avis sur Dieu ?


    A la lumière de la parabole… il apparait que « se convertir » consiste précisément à renoncer à l'image d'un Dieu intransigeant ou intolérant - comme le maître, le propriétaire, de la parabole - pour adopter le visage du Père compatissant (comme le Christ) - comparable au vigneron attentionné et patient -. 


    Il y a urgence à changer son regard sur Dieu… pour pouvoir entrer dans la confiance.


    Car l’enjeu de la conversion est là ! 

    Comment pourrait-on faire confiance à Dieu… si ne croyons pas en sa Grâce, en son amour et sa bienveillance ?… si nous avons peur de sa dureté, de sa colère ou de son jugement ?


    * Par ailleurs, … ne risque-t-on pas de vivre et de traiter les autres… selon l’image que nous avons de Dieu ?


    Croire en un Dieu magnanime et compatissant… nous appelle à vivre avec les autres cette indulgence et cette compassion, dont nous sommes les bénéficiaires. 


    Puisque l’Evangile nous appelle à agir selon nos croyances et à imiter Dieu (cf. Lc 6, 36 ; Mt 5, 48 ; Ep 5,1) … encore faut-il savoir en quel Dieu nous croyons ?  Quel Dieu sommes-nous réellement appelés à vivre, à expérimenter, à manifester ou à incarner ? 


    Il apparait que si nous croyons en Dieu dur et intransigeant… nous aurons tendance - consciemment ou inconsciemment - à calquer notre comportement envers autrui sur ce fondement…


    C’est ainsi qu’agissent les fondamentalistes ou les intégristes religieux de toutes sortes - quelle que soit leur religion - en usant de moyens de pression, de dureté, de sévérité, voire même de violence ou de cruauté… dans la mesure où ils croient eux-mêmes en « dieu » capable d’user des mêmes moyens - tout aussi excessifs - avec les humains. 


    En revanche, si nous croyons en un Dieu miséricordieux, nous aurons probablement un comportement beaucoup plus généreux et conciliant envers les autres… car nous serons conscients de la bienveillance dont nous bénéficions déjà nous-mêmes… 


    C’est simplement une question de « résonance »… nous vibrons (par nos pensées, nos paroles et nos actes) selon nos convictions… selon le système de valeurs et de croyances qui est le nôtre. 

    Et cela ne concerne pas seulement notre vie spirituelle… nos croyances impactent toutes les strates de notre existence…


    Ainsi, par exemple, si vous croyez que les autres constituent pour vous une menace ou un danger… vous risquez de répondre à ce sentiment ou cette croyance, et à devenir méfiant, suspicieux ou même menaçant à l’égard d’autrui, simplement pour vous protéger … 


    Au contraire, si vous croyez que le monde est peuplé de frères et de soeurs à découvrir, à comprendre et à aimer… vous serez sans doute beaucoup accueillant envers les autres…


    C’est pour cela qu’il faut sans cesse examiner nos croyances… qu’elles soient religieuses, spirituelles, existentielles, sociétales ou politiques…. garder notre esprit critique et notre conscience éveillée…


    En ce 3ème dimanche de carême… où nous sommes appelés une fois de plus à la conversion… il est bon de nous souvenir que Dieu nous aime, qu’il croit en nous… qu’il a une espérance pour chacun d’entre nous et notre monde…  


    C’est ce qui nous permet aussi d’avoir foi en notre Père céleste, en nous-mêmes et dans l’avenir…  


    En nous calquant sur la confiance de Dieu, nous pouvons regarder le monde avec les yeux de la foi et de l’espérance… avec les yeux du vigneron de la parabole… qui accepte de patienter… qui veut prendre soin de son figuier… même lorsqu’il parait encore improductif… 


    Pour devenir productif, il n’y a pas d’autre solution - pas d’autre voie - que d’entrer dans la confiance… que Jésus nous offre. 


    C’est ce que nous rappellent de nombreux textes bibliques… comme, par exemple, la parabole des talents (cf. Mt 25)… ou la parabole du fils prodigue (cf. Lc 15). 


    Dieu nous appelle à croire en nous…  en notre lien avec Lui… en son amour transformateur…

    Le Christ nous offre inlassablement son espérance !… Il souhaite que notre conversion nous amène à produire de bons fruits !


    Que cette bonne nouvelle mette la paix dans nos coeurs !… Qu’elle nous réjouisse et nous entraine toujours plus… dans la foi, l’espérance et l’amour.   Amen. 


    Lectures bibliques


    Exode 3, 1-15


    1Moïse faisait paître le troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiân. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l'Horeb. 2L'ange du SEIGNEUR lui apparut dans une flamme de feu, du milieu du buisson. Il regarda : le buisson était en feu et le buisson n'était pas dévoré. 3Moïse dit : « Je vais faire un détour pour voir cette grande vision : pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? » 4Le SEIGNEUR vit qu'il avait fait un détour pour voir, et Dieu l'appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » 5Il dit : « N'approche pas d'ici ! Retire tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. » 

    6Il dit : « Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob. » Moïse se voila la face, car il craignait de regarder Dieu. 7Le SEIGNEUR dit : « J'ai vu la misère de mon peuple en Egypte et je l'ai entendu crier sous les coups de ses chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances. 8Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel, vers le lieu du Cananéen, du Hittite, de l'Amorite, du Perizzite, du Hivvite et du Jébusite. 9Et maintenant, puisque le cri des fils d'Israël est venu jusqu'à moi, puisque j'ai vu le poids que les Egyptiens font peser sur eux, 10va, maintenant ; je t'envoie vers le Pharaon, fais sortir d'Egypte mon peuple, les fils d'Israël. »

    11Moïse dit à Dieu : « Qui suis-je pour aller vers le Pharaon et faire sortir d'Egypte les fils d'Israël ? » –  12« JE SUIS avec toi, dit-il. Et voici le signe que c'est moi qui t'ai envoyé : quand tu auras fait sortir le peuple d'Egypte, vous servirez Dieu sur cette montagne. »

    13Moïse dit à Dieu : « Voici ! Je vais aller vers les fils d'Israël et je leur dirai : Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous. S'ils me disent : Quel est son nom ? – que leur dirai-je ? » 

    14Dieu dit à Moïse : « JE SUIS QUI JE SERAI. » Il dit : « Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : JE SUIS m'a envoyé vers vous. » 15Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : Le SEIGNEUR, Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, m'a envoyé vers vous. C'est là mon nom à jamais, c'est ainsi qu'on m'invoquera d'âge en âge.

    Luc 6, 36. 43-45


    36Soyez magnanimes (miséricordieux, compatissants), comme votre Père est magnanime. […]


    43Il n'y a pas de bon arbre qui produise un fruit pourri, ni d'arbre malade qui produise un beau fruit. 44Car chaque arbre se connaît à son propre fruit. On ne cueille pas des figues sur des épines, et l'on ne vendange pas des raisins sur des ronces. 45L'homme bon, du bon trésor de son cœur, fait sortir du bon, et le mauvais, de son mauvais trésor, fait sortir du mauvais ; car c'est de l'abondance de son cœur que sa bouche parle.


    Luc 13, 1-9

    1A ce moment survinrent des gens qui lui rapportèrent l'affaire des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. 2Il leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens pour avoir subi un tel sort ? 3Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez (vous vous perdrez) tous de même.

    4« Et ces dix-huit personnes sur lesquelles est tombée la tour à Siloé, et qu'elle a tuées, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? 5Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez (vous vous perdrez) tous de la même manière. »

    6Et il dit cette parabole : « Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher du fruit et n'en trouva pas. 7Il dit alors au vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier et je n'en trouve pas. Coupe-le. Pourquoi faut-il encore qu'il épuise la terre ?” 

    8Mais l'autre lui répond : “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche tout autour et que je mette du fumier. 9Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir. Sinon, tu le couperas.” »